Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un pont au-dessus d'un charmant vallon, près de l'océan.

XXIII. Pasteurs et troupeaux À Madame Louise C.

Pasteurs et troupeaux РLes r̩f̩rences

Les contemplationsLivre cinquième : En marche ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 453.

Pasteurs et troupeaux – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Pasteurs et troupeaux, un poème des Contemplations, En marche, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXII. Je payai le pécheur… et suivi de XXIV. J’ai cueilli cette fleur…

Pasteurs et troupeaux


Pasteurs et troupeaux – Le texte

XXIII
Pasteurs et troupeaux
À Madame Louise C.


Le vallon où je vais tous les jours est charmant,
Serein, abandonné, seul sous le firmament,
Plein de ronces en fleurs ; c’est un sourire triste.
Il vous fait oublier que quelque chose existe,
Et, sans le bruit des champs remplis de travailleurs,
On ne saurait plus là si quelqu’un vit ailleurs.
Là, l’ombre fait l’amour ; l’idylle naturelle
Rit ; le bouvreuil avec le verdier s’y querelle,
Et la fauvette y met de travers son bonnet ;
C’est tantôt l’aubépine et tantôt le genêt ;
De noirs granits bourrus, puis des mousses riantes ;
Car Dieu fait un poëme avec des variantes ;
Comme le vieil Homère, il rabâche parfois,
Mais c’est avec les fleurs, les monts, l’onde et les bois !
Une petite mare est là, ridant sa face,
Prenant des airs de flot pour la fourmi qui passe,
Ironie étalée au milieu du gazon,
Qu’ignore l’océan grondant à l’horizon.
J’y rencontre parfois sur la roche hideuse
Un doux être ; quinze ans, yeux bleus, pieds nus, gardeuse
De chèvres, habitant, au fond d’un ravin noir,
Un vieux chaume croulant qui s’étoile le soir ;
Ses sœurs sont au logis et filent leur quenouille ;
Elle essuie aux roseaux ses pieds que l’étang mouille ;
Chèvres, brebis, béliers, paissent ; quand, sombre esprit,
J’apparais, le pauvre ange a peur, et me sourit ;
Et moi, je la salue, elle étant l’innocence.
Ses agneaux, dans le pré plein de fleurs qui l’encense,
Bondissent, et chacun, au soleil s’empourprant,
Laisse aux buissons, à qui la bise le reprend,
Un peu de sa toison, comme un flocon d’écume.
Je passe ; enfant, troupeau, s’effacent dans la brume ;
Le crépuscule étend sur les longs sillons gris
Ses ailes de fantôme et de chauve-souris ;
J’entends encore au loin dans la plaine ouvrière
Chanter derrière moi la douce chevrière,
Et, là-bas, devant moi, le vieux gardien pensif
De l’écume, du flot, de l’algue, du récif,
Et des vagues sans trêve et sans fin remuées,
Le pâtre promontoire au chapeau de nuées,
S’accoude et rêve au bruit de tous les infinis,
Et, dans l’ascension des nuages bénis,
Regarde se lever la lune triomphale,
Pendant que l’ombre tremble, et que l’âpre rafale
Disperse à tous les vents avec son souffle amer
La laine des moutons sinistres de la mer.

Jersey, Grouville, avril 1855.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un château, issu d'un songe de Shakspeare, fait d'ombre et de lumière.

XXVIII. Le Poëte

Le Poëte – Les références

Les ContemplationsLivre troisième : Les Luttes et les rêves ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 367.

Le Poëte – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Le Poëte, un poème du recueil Les Contemplations, Les Luttes et les rêves, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXVII. J’aime l’araignée… et suivi de XXIX. La Nature.

Le Poëte


Le Poëte – Le texte

XXVIII
Le Poëte


Shakspeare songe ; loin du Versaille éclatant,
Des buis taillés, des ifs peignés, où l’on entend
Gémir la tragédie éplorée et prolixe,
Il contemple la foule avec son regard fixe,
Et toute la forêt frissonne devant lui.
Pâle, il marche, au dedans de lui-même ébloui ;
Il va, farouche, fauve, et, comme une crinière,
Secouant sur sa tête un haillon de lumière.
Son crâne transparent est plein d’âmes, de corps,
De rêves, dont on voit la lueur du dehors ;
Le monde tout entier passe à travers son crible ;
Il tient toute la vie en son poignet terrible ;
Il fait sortir de l’homme un sanglot surhumain.
Dans ce génie étrange où l’on perd son chemin,
Comme dans une mer, notre esprit parfois sombre ;
Nous sentons, frémissants, dans son théâtre sombre,
Passer sur nous le vent de sa bouche soufflant,
Et ses doigts nous ouvrir et nous fouiller le flanc.
Jamais il ne recule ; il est géant ; il dompte
Richard Trois, léopard, Caliban, mastodonte.
L’idéal est le vin que verse ce Bacchus.
Les sujets monstrueux qu’il a pris et vaincus
Râlent autour de lui, splendides ou difformes ;
Il étreint Lear, Brutus, Hamlet, êtres énormes,
Capulet, Montaigu, César, et, tour à tour,
Les stryges dans le bois, le spectre sur la tour ;
Et, même après Eschyle, effarant Melpomène,
Sinistre, ayant aux mains des lambeaux d’âme humaine,
De la chair d’Othello, des restes de Macbeth,
Dans son Å“uvre, du drame effrayant alphabet,
Il se repose ; ainsi le noir lion des jongles
S’endort dans l’antre immense avec du sang aux ongles.

Paris, avril 1835.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente une colline recouverte d'un forêt où se promène le "bel adolescent Avril", surmonté de la dentelle de ses rêves.

XVI. Vers 1820

Vers 1820 РLes r̩f̩rences

Les contemplationsLivre premier : Aurore ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 282.

Vers 1820 – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Vers 1820, un poème des Contemplations, Aurore, de Victor Hugo.
Il est précédé de XV. La Coccinelle et suivi de XVII. À M. Froment Meurice.

Vers 1820


Vers 1820 – Le texte

XVI
Vers 1820


Denise, ton mari, notre vieux pédagogue,
Se promène ; il s’en va troubler la fraîche églogue
Du bel adolescent Avril dans la forêt ;
Tout tremble et tout devient pédant, dès qu’il paraît :
L’âne bougonne un thème au bœuf son camarade ;
Le vent fait sa tartine, et l’arbre sa tirade ;
L’églantier verdissant, doux garçon qui grandit,
Déclame le récit de Théramène, et dit :
« Son front large est armé de cornes menaçantes. »

Denise, cependant, tu rêves et tu chantes,
À l’âge où l’innocence ouvre sa vague fleur ;
Et, d’un œil ignorant, sans joie et sans douleur,
Sans crainte et sans désir, tu vois, à l’heure où rentre
L’étudiant en classe et le docteur dans l’antre,
Venir à toi, montant ensemble l’escalier,
L’ennui, maître d’école, et l’amour, écolier.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un village entouré de fumées. Sur sa terre est inscrit : "VICTOR HUGO". "Quand la terre est embaumée, Le cœur de l'homme est meilleur."

XXIII. Après l’hiver

Après l’hiver – Les références

Les ContemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 319.

Après l’hiver – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Après l’hiver, un poème du recueil Les Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXII. Aimons toujours ! aimons encore !… et suivi de XXIV. Que le sort, quel qu’il soit….

Après l’hiver


Après l’hiver – Le texte

XXIII
Après l’hiver


Tout revit, ma bien-aimée !
Le ciel gris perd sa pâleur ;
Quand la terre est embaumée,
Le cœur de l’homme est meilleur.

En haut, d’où l’amour ruisselle,
En bas, où meurt la douleur,
La même immense étincelle
Allume l’astre et la fleur.

L’hiver fuit, saison d’alarmes,
Noir avril mystérieux
Où l’âpre sève des larmes
Coule, et du cœur monte aux yeux.

Ô douce désuétude
De souffrir et de pleurer !
Veux-tu, dans la solitude,
Nous mettre à nous adorer ?

La branche au soleil se dore
Et penche, pour l’abriter,
Ses boutons qui vont éclore
Sur l’oiseau qui va chanter.

L’aurore où nous nous aimâmes
Semble renaître à nos yeux ;
Et mai sourit dans nos âmes
Comme il sourit dans les cieux.

On entend rire, on voit luire
Tous les êtres tour à tour,
La nuit, les astres bruire,
Et les abeilles, le jour.

Et partout nos regards lisent,
Et, dans l’herbe et dans les nids,
De petites voix nous disent :
« Les aimants sont les bénis ! »

L’air enivre ; tu reposes
À mon cou tes bras vainqueurs.
Sur les rosiers que de roses !
Que de soupirs dans nos cœurs !

Comme l’aube, tu me charmes ;
Ta bouche et tes yeux chéris
Ont, quand tu pleures, ses larmes,
Et ses perles quand tu ris.

La nature, sœur jumelle
D’Ève et d’Adam et du jour,
Nous aime, nous berce et mêle
Son mystère à notre amour.

Il suffit que tu paraisses
Pour que le ciel, t’adorant,
Te contemple ; et, nos caresses,
Toute l’ombre nous les rend !

Clartés et parfums nous-mêmes,
Nous baignons nos cœurs heureux
Dans les effluves suprêmes
Des éléments amoureux.

Et, sans qu’un souci t’oppresse,
Sans que ce soit mon tourment,
J’ai l’étoile pour maîtresse,
Le soleil est ton amant ;

Et nous donnons notre fièvre
Aux fleurs où nous appuyons
Nos bouches, et notre lèvre
Sent le baiser des rayons.

Juin 18..

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente des champs au bord d'une rivière et aux pieds de deux collines sur lesquelles sont juchés des châteaux.

VI. La vie aux champs

La vie aux champs РLes r̩f̩rences

Les contemplationsLivre premier : Aurore ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 259.

La vie aux champs – L’enregistrement

Je vous invite à écouter La vie aux champs, un poème des Contemplations, Aurore, de Victor Hugo.
Il est précédé de V. À André Chénier et suivi de VII. Réponse à un acte d’accusation.

La vie aux champs


La vie aux champs – Le texte

VI
La vie aux champs


Le soir, à la campagne, on sort, on se promène,
Le pauvre dans son champ, le riche en son domaine ;
Moi, je vais devant moi ; le poëte en tout lieu
Se sent chez lui, sentant qu’il est partout chez Dieu.
Je vais volontiers seul. Je médite ou j’écoute.
Pourtant, si quelqu’un veut m’accompagner en route,
J’accepte. Chacun a quelque chose en l’esprit,
Et tout homme est un livre où Dieu lui-même écrit.
Chaque fois qu’en mes mains un de ces livres tombe,
Volume où vit une âme et que scelle la tombe,
J’y lis.

Chaque soir donc, je m’en vais, j’ai congé,

Je sors. J’entre en passant chez des amis que j’ai.
On prend le frais, au fond du jardin, en famille.
Le serein mouille un peu les bancs sous la charmille ;
N’importe ! je m’assieds, et je ne sais pourquoi
Tous les petits enfants viennent autour de moi.
Dès que je suis assis, les voilà tous qui viennent.
C’est qu’ils savent que j’ai leurs goûts ; ils se souviennent
Que j’aime comme eux l’air, les fleurs, les papillons,
Et les bêtes qu’on voit courir dans les sillons.
Ils savent que je suis un homme qui les aime,
Un être auprès duquel on peut jouer, et même
Crier, faire du bruit, parler à haute voix ;
Que je riais comme eux et plus qu’eux autrefois,
Et qu’aujourd’hui, sitôt qu’à leurs ébats j’assiste,
Je leur souris encor, bien que je sois plus triste ;
Ils disent, doux amis, que je ne sais jamais
Me fâcher ; qu’on s’amuse avec moi ; que je fais
Des choses en carton, des dessins à la plume ;
Que je raconte, à l’heure où la lampe s’allume,
Oh ! des contes charmants qui vous font peur la nuit,
Et qu’enfin je suis doux, pas fier et fort instruit.
Aussi, dès qu’on m’a vu : « le voilà ! » tous accourent.
Ils quittent jeux, cerceaux et balles ; ils m’entourent
Avec leurs beaux grands yeux d’enfants, sans peur, sans fiel,
Qui semblent toujours bleus, tant on y voit le ciel !

Les petits — quand on est petit, on est très brave —
Grimpent sur mes genoux ; les grands ont un air grave ;
Ils m’apportent des nids de merles qu’ils ont pris,
Des albums, des crayons qui viennent de Paris ;
On me consulte, on a cent choses à me dire,
On parle, on cause, on rit surtout ; — j’aime le rire,
Non le rire ironique aux sarcasmes moqueurs,
Mais le doux rire honnête ouvrant bouches et cœurs,
Qui montre en même temps des âmes et des perles. —

J’admire les crayons, l’album, les nids de merles ;
Et quelquefois on dit quand j’ai bien admiré :
« Il est du même avis que monsieur le curé. »
Puis, lorsqu’ils ont jasé tous ensemble à leur aise,
Ils font soudain, les grands s’appuyant sur ma chaise,
Et les petits toujours groupés sur mes genoux,
Un silence, et cela veut dire : « Parle-nous. »

Je leur parle de tout. Mes discours en eux sèment
Ou l’idée ou le fait. Comme ils m’aiment, ils aiment
Tout ce que je leur dis. Je leur montre du doigt
Le ciel, Dieu qui s’y cache, et l’astre qu’on y voit.
Tout, jusqu’à leur regard, m’écoute. Je dis comme
Il faut penser, rêver, chercher. Dieu bénit l’homme,
Non pour avoir trouvé, mais pour avoir cherché.
Je dis : Donnez l’aumône au pauvre humble et penché.
Recevez doucement la leçon ou le blâme.
Donner et recevoir, c’est faire vivre l’âme !
Je leur conte la vie, et que, dans nos douleurs,
Il faut que la bonté soit au fond de nos pleurs,
Et que, dans nos bonheurs, et que, dans nos délires,
Il faut que la bonté soit au fond de nos rires ;
Qu’être bon, c’est bien vivre ; et que l’adversité
Peut tout chasser d’une âme, excepté la bonté ;
Et qu’ainsi les méchants, dans leur haine profonde,
Ont tort d’accuser Dieu. Grand Dieu ! nul homme au monde
N’a droit, en choisissant sa route, en y marchant,
De dire que c’est toi qui l’as rendu méchant ;
Car le méchant, Seigneur, ne t’est pas nécessaire !

Je leur raconte aussi l’histoire ; la misère
Du peuple juif, maudit qu’il faut enfin bénir ;
La Grèce, rayonnant jusque dans l’avenir ;
Rome ; l’antique Égypte et ses plaines sans ombre,
Et tout ce qu’on y voit de sinistre et de sombre.
Lieux effrayants ! tout meurt ; le bruit humain finit.
Tous ces démons taillés dans des blocs de granit,
Olympe monstrueux des époques obscures,
Les Sphinx, les Anubis, les Ammons, les Mercures,
Sont assis au désert depuis quatre mille ans.
Autour d’eux le vent souffle, et les sables brûlants
Montent comme une mer d’où sort leur tête énorme ;
La pierre mutilée a gardé quelque forme
De statue ou de spectre, et rappelle d’abord
Les plis que fait un drap sur la face d’un mort ;
On y distingue encor le front, le nez, la bouche,
Les yeux, je ne sais quoi d’horrible et de farouche
Qui regarde et qui vit, masque vague et hideux.
Le voyageur de nuit, qui passe à côté d’eux,
S’épouvante, et croit voir, aux lueurs des étoiles,
Des géants enchaînés et muets sous des voiles.

La Terrasse, août 1840.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente une ruine juchée sur un promontoire au pied duquel on aperçoit le clocher d'une église.

XVI. L’hirondelle au printemps…

L’hirondelle au printemps… – Les références

Les ContemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 311.

L’hirondelle au printemps… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter L’hirondelle au printemps…, un poème du recueil Les Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de XV. Paroles dans l’ombre et suivi de XVII. Sous les arbres.

L’hirondelle au printemps…


L’hirondelle au printemps… – Le texte

XVI
L’hirondelle au printemps…


L’hirondelle au printemps cherche les vieilles tours,
Débris où n’est plus l’homme, où la vie est toujours ;
La fauvette en avril cherche, ô ma bien-aimée,
La forêt sombre et fraîche et l’épaisse ramée,
La mousse, et, dans les nœuds des branches, les doux toits
Qu’en se superposant font les feuilles des bois.
Ainsi fait l’oiseau. Nous, nous cherchons, dans la ville,
Le coin désert, l’abri solitaire et tranquille,
Le seuil qui n’a pas d’yeux obliques et méchants,
La rue où les volets sont fermés ; dans les champs,
Nous cherchons le sentier du pâtre et du poëte ;
Dans les bois, la clairière inconnue et muette
Où le silence éteint les bruits lointains et sourds.
L’oiseau cache son nid, nous cachons nos amours.

Fontainebleau, juin 18..

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un fleuve coulant entre deux falaises. On aperçoit un château au loin sur la gauche, et un navire sur ce fleuve.

XII. Églogue

Églogue – Les références

Les ContemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 309.

Églogue – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Églogue, un poème du recueil Les Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de XI. Les femmes sont sur la terre… et suivi de XIII. Viens ! – une flûte invisible….

Églogue


Églogue – Le texte

XII
Églogue


Nous errions, elle et moi, dans les monts de Sicile.
Elle est fière pour tous et pour moi seul docile.
Les cieux et nos pensers rayonnaient à la fois.
Oh ! comme aux lieux déserts les cœurs sont peu farouches !
Que de fleurs aux buissons, que de baisers aux bouches,
Quand on est dans l’ombre des bois !

Pareils à deux oiseaux qui vont de cime en cime,
Nous parvînmes enfin tout au bord d’un abîme.
Elle osa s’approcher de ce sombre entonnoir ;
Et, quoique mainte épine offensât ses mains blanches,
Nous tâchâmes, penchés et nous tenant aux branches,
D’en voir le fond lugubre et noir.

En ce même moment, un titan centenaire,
Qui venait d’y rouler sous vingt coups de tonnerre,
Se tordait dans ce gouffre où le jour n’ose entrer ;
Et d’horribles vautours au bec impitoyable,
Attirés par le bruit de sa chute effroyable,
Commençaient à le dévorer.

Alors, elle me dit : « J’ai peur qu’on ne nous voie !
« Cherchons un antre afin d’y cacher notre joie !
« Vois ce pauvre géant ! nous aurions notre tour !
« Car les dieux envieux qui l’ont fait disparaître,
« Et qui furent jaloux de sa grandeur, peut-être
« Seraient jaloux de notre amour ! »

Septembre 18..

Remarque

Une églogue est un petit poème pastoral ou champêtre.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente la vaste clarté du firmament, d'un bleu mêlé d'ombres blanches et noires.

IV. Le firmament est plein…

Le firmament est plein… – Les références

Les contemplationsLivre premier : Aurore ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 259.

Le firmament est plein… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Le firmament est plein…, un poème des Contemplations, Aurore, de Victor Hugo.
Il est précédé de III. Mes deux filles et suivi de V. À André Chénier.

Le firmament est plein…


Le firmament est plein… – Le texte

IV


Le firmament est plein de la vaste clarté ;
Tout est joie, innocence, espoir, bonheur, bonté.
Le beau lac brille au fond du vallon qui le mure ;
Le champ sera fécond, la vigne sera mûre ;
Tout regorge de sève et de vie et de bruit,
De rameaux verts, d’azur frissonnant, d’eau qui luit,
Et de petits oiseaux qui se cherchent querelle.
Qu’a donc le papillon ? qu’a donc la sauterelle ?
La sauterelle a l’herbe, et le papillon l’air ;
Et tous deux ont avril, qui rit dans le ciel clair.
Un refrain joyeux sort de la nature entière ;
Chanson qui doucement monte et devient prière.
Le poussin court, l’enfant joue et danse, l’agneau
Saute, et, laissant tomber goutte à goutte son eau,
Le vieux antre, attendri, pleure comme un visage ;
Le vent lit à quelqu’un d’invisible un passage
Du poëme inouï de la création ;
L’oiseau parle au parfum ; la fleur parle au rayon ;
Les pins sur les étangs dressent leur verte ombelle ;
Les nids ont chaud. L’azur trouve la terre belle ;
Onde et sphère ; à la fois tous les climats flottants ;
Ici l’automne, ici l’été, là le printemps.
Ô coteaux ! ô sillons ! souffles, soupirs, haleines !
L’hosanna des forêts, des fleuves et des plaines,
S’élève gravement vers Dieu, père du jour ;
Et toutes les blancheurs sont des strophes d’amour ;
Le cygne dit : lumière ! et le lys dit : clémence !
Le ciel s’ouvre à ce chant comme une oreille immense.
Le soir vient ; et le globe à son tour s’éblouit,
Devient un œil énorme et regarde la nuit ;
Il savoure, éperdu, l’immensité sacrée,
La contemplation du splendide empyrée,
Les nuages de crêpe et d’argent, le zénith,
Qui, formidable, brille et flamboie et bénit,
Les constellations, ces hydres étoilées,
Les effluves du sombre et du profond, mêlées
À vos effusions, astres de diamant,
Et toute l’ombre avec tout le rayonnement !
L’infini tout entier d’extase se soulève.
Et, pendant ce temps-là, Satan, l’envieux, rêve.

La Terrasse, avril 1840.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente une matrice en formation, enveloppée de bleu dans sa partie inférieure.

XXV. Nomen, Numen, Lumen

Nomen, Numen, Lumen РLes r̩f̩rences

Les contemplationsLivre sixième : Au bord de l’infini ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 533.

Nomen, Numen, Lumen – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Nomen, Numen, Lumen, un poème du Livre sixième – Au bord de l’infini, des Contemplations, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXIV. En frappant à une porte et suivi de XXVI. Ce que dit la bouche d’ombre.

Nomen, Numen, Lumen


Nomen, Numen, Lumen – Le texte

XXV
Nomen, Numen, Lumen


Quand il eut terminé, quand les soleils épars,
Éblouis, du chaos montant de toutes parts,
Se furent tous rangés à leur place profonde,
Il sentit le besoin de se nommer au monde ;
Et l’être formidable et serein se leva ;
Il se dressa sur l’ombre et cria : Jéhovah !
Et dans l’immensité ces sept lettres tombèrent ;
Et ce sont, dans les cieux que nos yeux réverbèrent,
Au-dessus de nos fronts tremblants sous leur rayon,
Les sept astres géants du noir septentrion.

Minuit, au dolmen du Faldouet, mars 1855.

Remarque

Nomen, Numen, Lumen signifie Nom, Divinité, Lumière.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente le fronton de la cheminée de la salle à manger de Hauteville-House.

XXI. Écrit sur la plinthe d’un bas-relief antique — À Mademoiselle Louise B. —

Écrit sur la plinthe d’un bas-relief antique – Les références

Les ContemplationsLivre troisième : Les Luttes et le rêves ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 359.

Écrit sur la plinthe d’un bas-relief antique – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Écrit sur la plinthe d’un bas-relief antique, un poème du recueil Les Contemplations, Les Luttes et les rêves, de Victor Hugo.
Il est précédé de XX. Insomnie et suivi de XXII. La clarté du dehors….

Écrit sur la plinthe d’un bas-relief antique


Écrit sur la plinthe d’un bas-relief antique – Le texte

XXI
Écrit sur la plinthe d’un bas-relief antique
— À Mademoiselle Louise B. —


La musique est dans tout. Un hymne sort du monde.
Rumeur de la galère aux flancs lavés par l’onde,
Bruits des villes, pitié de la sœur pour la sœur,
Passion des amants jeunes et beaux, douceur
Des vieux époux usés ensemble par la vie,
Fanfare de la plaine émaillée et ravie,
Mots échangés le soir sur les seuils fraternels,
Sombre tressaillement des chênes éternels,
Vous êtes l’harmonie et la musique même !
Vous êtes les soupirs qui font le chant suprême !
Pour notre âme, les jours, la vie et les saisons,
Les songes de nos cœurs, les plis des horizons,
L’aube et ses pleurs, le soir et ses grands incendies,
Flottent dans un réseau de vagues mélodies.
Une voix dans les champs nous parle, une autre voix
Dit à l’homme autre chose et chante dans les bois.
Par moment, un troupeau bêle, une cloche tinte.
Quand par l’ombre, la nuit, la colline est atteinte,
De toutes parts on voit danser et resplendir,
Dans le ciel étoilé du zénith au nadir,
Dans la voix des oiseaux, dans le cri des cigales,
Le groupe éblouissant des notes inégales.
Toujours avec notre âme un doux bruit s’accoupla ;
La nature nous dit : Chante ! Et c’est pour cela
Qu’un statuaire ancien sculpta sur cette pierre
Un pâtre sur sa flûte abaissant sa paupière.

Juin 1833.