Ô mes lettres d’amour, de vertu, de jeunesse,
C’est donc vous ! Je m’enivre encore à votre ivresse ;
Je vous lis à genoux.
Souffrez que pour un jour je reprenne votre âge !
Laissez-moi me cacher, moi, l’heureux et le sage,
Pour pleurer avec vous !
J’avais donc dix-huit ans ! j’étais donc plein de songes !
L’espérance en chantant me berçait de mensonges.
Un astre m’avait lui !
J’étais un dieu pour toi qu’en mon cœur seul je nomme !
J’étais donc cet enfant, hélas ! devant qui l’homme
Rougit presque aujourd’hui !
Ô temps de rêverie, et de force, et de grâce !
Attendre tous les soirs une robe qui passe !
Baiser un gant jeté !
Vouloir tout de la vie, amour, puissance et gloire !
Être pur, être fier, être sublime et croire
À toute pureté !
À présent, j’ai senti, j’ai vu, je sais. — Qu’importe ?
Si moins d’illusions viennent ouvrir ma porte
Qui gémit en tournant !
Oh ! que cet âge ardent, qui me semblait si sombre,
À côté du bonheur qui m’abrite à son ombre,
Rayonne maintenant !
Que vous ai-je donc fait, ô mes jeunes années !
Pour m’avoir fui si vite, et vous être éloignées,
Me croyant satisfait ?
Hélas ! pour revenir m’apparaître si belles,
Quand vous ne pouvez plus me prendre sur vos ailes,
Que vous ai-je donc fait ?
Oh ! quand ce doux passé, quand cet âge sans tache,
Avec sa robe blanche où notre amour s’attache,
Revient dans nos chemins,
On s’y suspend, et puis que de larmes amères
Sur les lambeaux flétris de vos jeunes chimères
Qui vous restent aux mains !
Oublions ! oublions ! Quand la jeunesse est morte,
Laissons-nous emporter par le vent qui l’emporte
À l’horizon obscur.
Rien ne reste de nous ; notre œuvre est un problème.
L’homme, fantôme errant, passe sans laisser même
Son ombre sur le mur !
Mai 1830.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/12/omeslettres-damour-feuilles.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2014-12-24 10:11:002018-06-14 10:23:37XIV. Ô mes lettres d'amour...
Odes et ballades ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie I, p 274.
À G……Y – L’enregistrement
Je vous invite à écouter À G……Y, un poème du recueil Odes et ballades, de Victor Hugo.
À G……Y
À G……Y – Le texte
À G……Y.
Ô rus !
VIRGILE
Ode dixième
Il est pour tout mortel, soit que, loin de l’envie,
Un astre aux rayons purs illumine sa vie ;
Soit qu’il suive à pas lents un cercle de douleurs,
Et, regrettant quelque ombre à son amour ravie,
Veille auprès de sa lampe, et répande des pleurs ;
Il est des jours de paix, d’ivresse et de mystère,
Où notre cœur savoure un charme involontaire,
Où l’air vibre, animé d’ineffables accords,
Comme si l’âme heureuse entendait de la terre
Le bruit vague et lointain de la cité des morts.
Souvent ici, domptant mes douleurs étouffées,
Mon bonheur s’éleva comme un château de fées,
Avec ses murs de nacre, aux mobiles couleurs,
Ses tours, ses portes d’or, ses pièges, ses trophées,
Et ses fruits merveilleux et ses magiques fleurs.
Puis soudain tout fuyait : sur d’informes décombres
Tout à tour à mes yeux passaient de pâles ombres ;
D’un crêpe nébuleux le ciel était voilé ;
Et, de spectres en deuil peuplant ces déserts sombres,
Un tombeau dominait le palais écroulé.
Vallon ! j’ai bien souvent laissé dans ta prairie,
Comme une eau murmurante, errer ma rêverie ;
Je n’oublîrai jamais ces fugitifs instants ;
Ton souvenir sera, dans mon âme attendrie,
Comme un son triste et doux qu’on écoute longtemps !
Toute la lyre – Septième partie : [La Fantaisie] ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie IV, p 449.
Chanson – L’enregistrement
Je vous invite à écouter cette Chanson, ce poème du recueil Toute la lyre, de la Septième partie : [La Fantaisie], de Victor Hugo.
Chanson
Chanson – Le texte
VIII
Chanson
L’hiver gronde et fait cent querelles,
Ô vieilles gens, ô vieilles gens,
Aux girouettes des tourelles ;
Pendant qu’elles grincent entre elles,
Courez aux tripots indulgents,
Ô jeunes gens, ô jeunes gens.
L’araignée au mur fait sa trame,
Ô vieilles gens, ô vieilles gens.
L’archet frémit, le gaz s’enflamme,
L’aile du beau papillon femme
Étale ses reflets changeants,
Ô jeunes gens, ô jeunes gens.
Cachez de l’or dans vos paillasses,
Ô vieilles gens, ô vieilles gens.
Buvez du punch, prenez des glaces,
Les rires narguent les grimaces,
Les masques raillent les sergents,
Ô jeunes gens, ô jeunes gens.
La mort tient tout dans ses doigts grêles,
Ô vieilles gens, ô vieilles gens.
Vous serez dupés par les belles,
Et vous fuirez hors de chez elles,
Nus comme de petits Saint-Jeans,
Ô jeunes gens, ô jeunes gens.
La mort vide vos escarcelles,
Ô vieilles gens, ô vieilles gens.
Les tourtereaux aux molles ailes
Sont plumés par les tourterelles ;
Bouches roses et becs rongeants ;
Ô jeunes gens, ô jeunes gens.
Les Chansons des rues et des bois – Livre second : Sagesse – IV. Nivôse ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 1019.
À un ami – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Pendant une maladie, un poème du recueil Les Chansons des rues et des bois, du Livre second : Sagesse – IV. Nivôse , de Victor Hugo.
À un ami
À un ami – Le texte
III
À un ami
Sur l’effrayante falaise,
Mur par la vague entr’ouvert,
Roc sombre où fleurit à l’aise
Un charmant petit pré vert.
Ami, puisque tu me laisses
Ta maison loin des vivants
Entre ces deux allégresses,
Les grands flots et les grands vents,
Salut ! merci ! les fortunes
Sont fragiles, et nos temps,
Comme l’algue sous les dunes,
Sont dans l’abîme, et flottants.
Nos âmes sont des nuées
Qu’un vent pousse, âpre ou béni,
Et qui volent, dénouées,
Du côté de l’infini.
L’énorme bourrasque humaine,
Dont l’étoile est la raison,
Prend, quitte, emporte et ramène
L’espérance à l’horizon.
Cette grande onde inquiète
Dont notre siècle est meurtri,
Écume et gronde, et me jette
Parfois mon nom dans un cri.
La haine sur moi s’arrête.
Ma pensée est dans ce bruit
Comme un oiseau de tempête
Parmi des oiseaux de nuit.
Pendant qu’ici je cultive
Ton champ comme tu le veux,
Dans maint journal l’invective
Grince et me prend aux cheveux.
La diatribe m’écharpe.
Je suis âne ou scélérat ;
Je suis Pradon pour La Harpe,
Et pour de Maistre Marat.
Qu’importe ! les cœurs sont ivres.
Les temps qui viennent feront
Ce qu’ils pourront de mes livres
Et de moi ce qu’ils voudront.
J’ai pour joie et pour merveille
De voir, dans ton pré d’Honfleur,
Trembler au poids d’une abeille
Un brin de lavande en fleur.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/12/aunami-nivose-chansons.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2014-12-20 19:40:432018-06-14 10:23:43III. À un ami
Les contemplations – Livre sixième : Au bord de l’infini ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo – Poésie II, p 467.
Le pont – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Le pont, premier poème du Livre sixième – Au bord de l’infini, des Contemplations, de Victor Hugo.
Il est suivi de II. Ibo.
Le pont
Le pont – Le texte
I
Le pont
J’avais devant les yeux les ténèbres. L’abîme
Qui n’a pas de rivage et qui n’a pas de cime
Était là, morne, immense ; et rien n’y remuait.
Je me sentais perdu dans l’infini muet.
Au fond, à travers l’ombre, impénétrable voile,
On apercevait Dieu comme une sombre étoile.
Je m’écriai : — Mon âme, ô mon âme ! il faudrait,
Pour traverser ce gouffre où nul bord n’apparaît,
Et pour qu’en cette nuit jusqu’à ton Dieu tu marches,
Bâtir un pont géant sur des millions d’arches.
Qui le pourra jamais ? Personne ! Ô deuil ! effroi !
Pleure ! — Un fantôme blanc se dressa devant moi
Pendant que je jetai sur l’ombre un œil d’alarme,
Et ce fantôme avait la forme d’une larme ;
C’était un front de vierge avec des mains d’enfant ;
Il ressemblait au lys que la blancheur défend ;
Ses mains en se joignant faisaient de la lumière.
Il me montra l’abîme où va toute poussière,
Si profond que jamais un écho n’y répond,
Et me dit : — Si tu veux je bâtirai le pont.
Vers ce pâle inconnu je levai ma paupière.
— Quel est ton nom ? lui dis-je. Il me dit : — La prière.
Jersey, décembre 1852
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/12/lepont-auborddelinfini-contemplations.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2014-12-19 17:11:542018-06-14 10:23:44I. Le pont
La Légende des siècles – Première série – IV – Le Cycle héroïque chrétien ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo – Poésie II, p 609.
Autre référence : Collection Poésie/Gallimard, La Légende des siècles, p. 157.
Le parricide – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Le parricide, un poème de La Légende des siècles – Première Série, IV – Le Cycle héroïque chrétien, de Victor Hugo.
Il est suivi du Mariage de Roland.
Le parricide
Le parricide – Le texte
I
Le parricide
Un jour, Kanut, à l’heure où l’assoupissement
Ferme partout les yeux sous l’obscur firmament,
Ayant pour seul témoin la nuit, l’aveugle immense,
Vit son père Swéno, vieillard presque en démence,
Qui dormait, sans un garde à ses pieds, sans un chien ;
Il le tua, disant : « Lui-même n’en sait rien. »
Puis il fut un grand roi.
Toujours vainqueur, sa vie
Par la prospérité fidèle fut suivie ;
Il fut plus triomphant que la gerbe des blés ;
Quand il passait devant les vieillards assemblés,
Sa présence éclairait ces sévères visages ;
Par la chaîne des mœurs pures et des lois sages
À son cher Danemark natal il enchaîna
Vingt îles, Fionie, Arnhout, Folster, Mona ;
Il bâtit un grand trône en pierres féodales ;
Il vainquit les Saxons, les Pictes, les Vandales,
Le Celte, et le Borusse, et le Slave aux abois,
Et les peuples hagards qui hurlent dans les bois ;
Il abolit l’horreur idolâtre, et la rune,
Et le menhir féroce où le soir, à la brune,
Le chat sauvage vient frotter son dos hideux ;
Il disait en parlant du grand César : « Nous deux ; »
Une lueur sortait de son cimier polaire ;
Les monstres expiraient partout sous sa colère ;
Il fut, pendant vingt ans qu’on l’entendit marcher,
Le cavalier superbe et le puissant archer ;
L’hydre morte, il mettait le pied sur la portée ;
Sa vie, en même temps bénie et redoutée,
Dans la bouche du peuple était un fier récit ;
Rien que dans un hiver, ce chasseur détruisit
Trois dragons en Écosse, et deux rois en Scanie ;
Il fut héros, il fut géant, il fut génie ;
Le sort de tout un monde au sien semblait lié ;
Quant à son parricide, il l’avait oublié.
Il mourut. On le mit dans un cercueil de pierre ;
Et l’évêque d’Aarhus vint dire une prière,
Et chanter sur sa tombe un hymne, déclarant
Que Kanut était saint, que Kanut était grand,
Qu’un céleste parfum sortait de sa mémoire,
Et qu’ils le voyaient, eux, les prêtres, dans la gloire,
Assis comme un prophète à la droite de Dieu.
Le soir vint ; l’orgue en deuil se tut dans le saint lieu ;
Et les prêtres, quittant la haute cathédrale,
Laissèrent le roi mort dans la paix sépulcrale.
Alors il se leva, rouvrit ses yeux obscurs,
Prit son glaive, et sortit de la tombe, les murs
Et les portes étant brumes pour les fantômes ;
Il traversa la mer qui reflète les dômes
Et les tours d’Altona, d’Aarhus et d’Elseneur ;
L’ombre écoutait les pas de ce sombre seigneur ;
Mais il marchait sans bruit étant lui-même un songe ;
Il alla droit au mont Savo que le temps ronge,
Et Kanut s’approcha de ce farouche aïeul,
Et lui dit : « Laisse-moi, pour m’en faire un linceul,
Ô Montagne Savo que la tourmente assiége,
Me couper un morceau de ton manteau de neige. »
Le mont le reconnut et n’osa refuser.
Kanut prit son épée impossible à briser,
Et sur le mont, tremblant devant ce belluaire,
Il coupa de la neige et s’en fit un suaire ;
Puis il cria : « Vieux mont, la mort éclaire peu ;
De quel côté faut-il aller pour trouver Dieu ? »
Le mont au flanc difforme, aux gorges obstruées,
Noir, triste dans le vol éternel des nuées,
Lui dit : « Je ne sais pas, spectre ; je suis ici. »
Kanut quitta le mont par les glaces saisi ;
Et, le front haut, tout blanc dans son linceul de neige,
Il entra, par delà l’Islande et la Norvège,
Seul dans le grand silence et dans la grande nuit ;
Derrière lui le monde obscur s’évanouit ;
Il se trouva, lui, spectre, âme, roi sans royaume,
Nu, face à face avec l’immensité fantôme ;
Il vit l’infini, porche horrible et reculant
Où l’éclair, quand il entre, expire triste et lent,
L’ombre, hydre dont les nuits sont les pâles vertèbres,
L’informe se mouvant dans le noir ; les Ténèbres ;
Là, pas d’astre ; et pourtant on ne sait quel regard
Tombe de ce chaos immobile et hagard ;
Pour tout bruit, le frisson lugubre que fait l’onde
De l’obscurité, sourde, effarée et profonde ;
Il avança disant : « C’est la tombe ; au delà
C’est Dieu. » Quand il eut fait trois pas, il appela ;
Mais la nuit est muette ainsi que l’ossuaire,
Et rien ne répondit : sous son blême suaire
Kanut continua d’avancer ; la blancheur
Du linceul rassurait le sépulcral marcheur ;
Il allait ; tout à coup, sur son livide voile
Il vit poindre et grandir comme une noire étoile ;
L’étoile s’élargit lentement, et Kanut,
La tâtant de sa main de spectre, reconnut
Qu’une goutte de sang était sur lui tombée ;
Sa tête, que la peur n’avait jamais courbée,
Se redressa ; terrible, il regarda la nuit,
Et ne vit rien ; l’espace était noir ; pas un bruit ;
« En avant ! » dit Kanut levant sa tête fière ;
Une seconde tache auprès de la première
Tomba, puis s’élargit ; et le chef cimbrien
Regarda l’ombre épaisse et vague, et ne vit rien ;
Comme un limier à suivre une piste s’attache,
Morne, il reprit sa route ; une troisième tache
Tomba sur le linceul. Il n’avait jamais fui ;
Kanut pourtant cessa de marcher devant lui,
Et tourna du côté du bras qui tient le glaive ;
Une goutte de sang, comme à travers un rêve,
Tomba sur le suaire et lui rougit la main ;
Pour la seconde fois il changea de chemin,
Comme en lisant on tourne un feuillet d’un registre,
Et se mit à marcher vers la gauche sinistre ;
Une goutte de sang tomba sur le linceul ;
Et Kanut recula, frémissant d’être seul,
Et voulut regagner sa couche mortuaire ;
Une goutte de sang tomba sur le suaire ;
Alors il s’arrêta livide, et ce guerrier,
Blême, baissa la tête et tâcha de prier ;
Une goutte de sang tomba sur lui. Farouche,
La prière effrayée expirant dans sa bouche,
Il se remit en marche ; et, lugubre, hésitant,
Hideux, ce spectre blanc passait ; et, par instant,
Une goutte de sang se détachait de l’ombre,
Implacable, et tombait sur cette blancheur sombre.
Il voyait, plus tremblant qu’au vent le peuplier,
Ces taches s’élargir et se multiplier ;
Une autre, une autre, une autre, une autre, ô cieux funèbres !
Leur passage rayait vaguement les ténèbres ;
Ces gouttes, dans les plis du linceul, finissant
Par se mêler, faisaient des nuages de sang ;
Il marchait, il marchait ; de l’insondable voûte
Le sang continuait à pleuvoir goutte à goutte,
Toujours, sans fin, sans bruit, et comme s’il tombait
De ces pieds noirs qu’on voit la nuit pendre au gibet ;
Hélas ! qui donc pleurait ces larmes formidables ?
L’infini. Vers les cieux, pour le juste abordables,
Dans l’océan de nuit sans flux et sans reflux,
Kanut s’avançait, pâle et ne regardant plus ;
Enfin, marchant toujours comme en une fumée,
Il arriva devant une porte fermée
Sous laquelle passait un jour mystérieux ;
Alors sur son linceul il abaissa les yeux ;
C’était l’endroit sacré, c’était l’endroit terrible ;
On ne sait quel rayon de Dieu semble visible ;
De derrière la porte on entend l’hosanna.
Le linceul était rouge et Kanut frissonna.
Et c’est pourquoi Kanut, fuyant devant l’aurore
Et reculant, n’a pas osé paraître encore
Devant le juge au front duquel le soleil luit ;
C’est pourquoi ce roi sombre est resté dans la nuit,
Et, sans pouvoir rentrer dans sa blancheur première,
Sentant, à chaque pas qu’il fait vers la lumière,
Une goutte de sang sur sa tête pleuvoir,
Rôde éternellement sous l’énorme ciel noir.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/12/le-parricide-legende.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2014-12-18 19:32:422018-06-14 10:23:46I. Le parricide
Les Chansons des rues et des bois – Livre premier : Jeunesse – II. Les Complications de l’idéal ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 861.
Réalité – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Réalité, un poème du recueil Les Chansons des rues et des bois, du Livre premier : Jeunesse, II. Les Complications de l’idéal, de Victor Hugo.
Réalité
Réalité – Le texte
II
Réalité
La nature est partout la même,
À Gonesse comme au Japon.
Mathieu Dombasle est Triptolème ;
Une chlamyde est un jupon.
Lavallière dans son carrosse,
Pour Louis ou pour Mars épris,
Était tout juste aussi féroce
Qu’en son coquillage Cypris.
Ô fils et frères, ô poëtes,
Quand la chose est, dites le mot.
Soyez de purs esprits, et faites.
Rien n’est bas quand l’âme est en haut.
Un hoquet à Silène échappe
Parmi les roses de Pœstum.
Quand Horace étale Priape,
Shakspeare peut risquer Bottom.
La vérité n’a pas de bornes.
Grâce au grand Pan, dieu bestial,
Fils, le réel montre ses cornes
Sur le front bleu de l’idéal.
Les Chansons des rues et des bois – Livre premier : Jeunesse – IV. Pour d’autres ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 906.
Choses écrites à Créteil – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Choses écrites à Créteil, un poème du recueil Les Chansons des rues et des bois, du Livre premier : Jeunesse, IV. Pour d’autres, de Victor Hugo.
Choses écrites à Créteil
Choses écrites à Créteil – Le texte
VII
Choses écrites à Créteil
Sachez qu’hier, de ma lucarne,
J’ai vu, j’ai couvert de clins d’yeux
Une fille qui dans la Marne
Lavait des torchons radieux.
Près d’un vieux pont, dans les saulées,
Elle lavait, allait, venait ;
L’aube et la brise étaient mêlées
À la grâce de son bonnet.
Je la voyais de loin. Sa mante
L’entourait de plis palpitants.
Aux folles broussailles qu’augmente
L’intempérance du printemps,
Aux buissons que le vent soulève,
Que juin et mai, frais barbouilleurs,
Foulant la cuve de la sève,
Couvrent d’une écume de fleurs,
Aux sureaux pleins de mouches sombres,
Aux genêts du bord, tous divers,
Aux joncs échevelant leurs ombres
Dans la lumière des flots verts,
Elle accrochait des loques blanches,
Je ne sais quels haillons charmants
Qui me jetaient, parmi les branches,
De profonds éblouissements.
Ces nippes, dans l’aube dorée,
Semblaient, sous l’aulne et le bouleau,
Les blancs cygnes de Cythérée
Battant de l’aile au bord de l’eau.
Des cupidons, fraîche couvée,
Me montraient son pied fait au tour ;
Sa jupe semblait relevée
Par le petit doigt de l’amour.
On voyait, je vous le déclare,
Un peu plus haut que le genou.
Sous un pampre un vieux faune hilare
Murmurait tout bas : Casse-cou !
Je quittai ma chambre d’auberge,
En souriant comme un bandit ;
Et je descendis sur la berge
Qu’une herbe, glissante, verdit.
Je pris un air incendiaire,
Je m’adossai contre un pilier,
Et je lui dis : « Ô lavandière !
(Blanchisseuse étant familier)
« L’oiseau gazouille, l’agneau bêle,
« Gloire à ce rivage écarté !
« Lavandière, vous êtes belle.
« Votre rire est de la clarté.
« Je suis capable de faiblesses.
« Ô lavandière, quel beau jour !
« Les fauvettes sont des drôlesses
« Qui chantent des chansons d’amour.
« Voilà six mille ans que les roses
« Conseillent, en se prodiguant,
« L’amour aux cœurs les plus moroses.
« Avril est un vieil intrigant.
« Les rois sont ceux qu’adorent celles
« Qui sont charmantes comme vous ;
« La Marne est pleine d’étincelles ;
« Femme, le ciel immense est doux.
« Ô laveuse à la taille mince,
« Qui vous aime est dans un palais.
« Si vous vouliez, je serais prince ;
« Je serais dieu, si tu voulais. — »
La blanchisseuse, gaie et tendre,
Sourit, et, dans le hameau noir,
Sa mère au loin cessa d’entendre
Le bruit vertueux du battoir.
Les vieillards grondent et reprochent,
Mais, ô jeunesse ! il faut oser.
Deux sourires qui se rapprochent
Finissent par faire un baiser.
Je m’arrête. L’idylle est douce,
Mais ne veut pas, je vous le dis,
Qu’au delà du baiser on pousse
La peinture du paradis.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/12/choses-ecrites-acreteil-chansons.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2014-12-16 16:14:412018-06-14 10:23:49VII. Choses écrites à Créteil
Châtiments – Livre VII – Les Sauveurs se sauveront ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 185.
Dans l’édition complète de 1870, il est placé en position X (et non VIII).
Cette nuit, il pleuvait… – L’enregistrement intégral
Je vous invite à écouter Cette nuit, il pleuvait…, un poème du recueil Châtiments, Livre VII – Les Sauveurs se sauveront, de Victor Hugo.
Cette nuit, il pleuvait…
Cette nuit, il pleuvait… – Le texte
VIII
Cette nuit, il pleuvait, la marée était haute,
Un brouillard lourd et gris couvrait toute la côte,
Les brisants aboyaient comme des chiens, le flot
Aux pleurs du ciel profond joignait son noir sanglot,
L’infini secouait et mêlait dans son urne
Les sombres tournoiements de l’abîme nocturne ;
Les bouches de la nuit semblaient rugir dans l’air.
J’entendais le canon d’alarme sur la mer.
Des marins en détresse appelaient à leur aide.
Dans l’ombre où la rafale aux rafales succède,
Sans pilote, sans mât, sans ancre, sans abri,
Quelque vaisseau perdu jetait son dernier cri.
Je sortis. Une vieille, en passant effarée,
Me dit : — Il a péri ; c’est un chasse-marée.
Je courus à la grève et ne vis qu’un linceul
De brouillard et de nuit, et l’horreur, et moi seul ;
Et la vague, dressant sa tête sur l’abîme,
Comme pour éloigner un témoin de son crime,
Furieuse, se mit à hurler après moi.
Qu’es-tu donc, Dieu jaloux, Dieu d’épreuve et d’effroi,
Dieu des écroulements, des gouffres, des orages,
Que tu n’es pas content de tant de grands naufrages,
Qu’après tant de puissants et de forts engloutis,
Il te reste du temps encor pour les petits,
Que sur les moindres fronts ton bras laisse sa marque,
Et qu’après cette France, il te faut cette barque !
Jersey, avril 1853
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/12/cettenuit-ilpleuvait-chatiments.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2014-12-15 12:29:242018-06-14 10:23:50VIII. Cette nuit, il pleuvait...