VIII. Cette nuit, il pleuvait…
Cette nuit, il pleuvait… – Les références
Châtiments – Livre VII – Les Sauveurs se sauveront ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 185.
Dans l’édition complète de 1870, il est placé en position X (et non VIII).
Cette nuit, il pleuvait… – L’enregistrement intégral
Je vous invite à écouter Cette nuit, il pleuvait…, un poème du recueil Châtiments, Livre VII – Les Sauveurs se sauveront, de Victor Hugo.
Cette nuit, il pleuvait…
Cette nuit, il pleuvait… – Le texte
VIII
Cette nuit, il pleuvait, la marée était haute,
Un brouillard lourd et gris couvrait toute la côte,
Les brisants aboyaient comme des chiens, le flot
Aux pleurs du ciel profond joignait son noir sanglot,
L’infini secouait et mêlait dans son urne
Les sombres tournoiements de l’abîme nocturne ;
Les bouches de la nuit semblaient rugir dans l’air.
J’entendais le canon d’alarme sur la mer.
Des marins en détresse appelaient à leur aide.
Dans l’ombre où la rafale aux rafales succède,
Sans pilote, sans mât, sans ancre, sans abri,
Quelque vaisseau perdu jetait son dernier cri.
Je sortis. Une vieille, en passant effarée,
Me dit : — Il a péri ; c’est un chasse-marée.
Je courus à la grève et ne vis qu’un linceul
De brouillard et de nuit, et l’horreur, et moi seul ;
Et la vague, dressant sa tête sur l’abîme,
Comme pour éloigner un témoin de son crime,
Furieuse, se mit à hurler après moi.
Qu’es-tu donc, Dieu jaloux, Dieu d’épreuve et d’effroi,
Dieu des écroulements, des gouffres, des orages,
Que tu n’es pas content de tant de grands naufrages,
Qu’après tant de puissants et de forts engloutis,
Il te reste du temps encor pour les petits,
Que sur les moindres fronts ton bras laisse sa marque,
Et qu’après cette France, il te faut cette barque !
Jersey, avril 1853
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