VII. Choses écrites à Créteil
Choses écrites à Créteil – Les références
Les Chansons des rues et des bois – Livre premier : Jeunesse – IV. Pour d’autres ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 906.
Choses écrites à Créteil – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Choses écrites à Créteil, un poème du recueil Les Chansons des rues et des bois, du Livre premier : Jeunesse, IV. Pour d’autres, de Victor Hugo.
Choses écrites à Créteil
Choses écrites à Créteil – Le texte
VII
Choses écrites à Créteil
Sachez qu’hier, de ma lucarne,
J’ai vu, j’ai couvert de clins d’yeux
Une fille qui dans la Marne
Lavait des torchons radieux.
Près d’un vieux pont, dans les saulées,
Elle lavait, allait, venait ;
L’aube et la brise étaient mêlées
À la grâce de son bonnet.
Je la voyais de loin. Sa mante
L’entourait de plis palpitants.
Aux folles broussailles qu’augmente
L’intempérance du printemps,
Aux buissons que le vent soulève,
Que juin et mai, frais barbouilleurs,
Foulant la cuve de la sève,
Couvrent d’une écume de fleurs,
Aux sureaux pleins de mouches sombres,
Aux genêts du bord, tous divers,
Aux joncs échevelant leurs ombres
Dans la lumière des flots verts,
Elle accrochait des loques blanches,
Je ne sais quels haillons charmants
Qui me jetaient, parmi les branches,
De profonds éblouissements.
Ces nippes, dans l’aube dorée,
Semblaient, sous l’aulne et le bouleau,
Les blancs cygnes de Cythérée
Battant de l’aile au bord de l’eau.
Des cupidons, fraîche couvée,
Me montraient son pied fait au tour ;
Sa jupe semblait relevée
Par le petit doigt de l’amour.
On voyait, je vous le déclare,
Un peu plus haut que le genou.
Sous un pampre un vieux faune hilare
Murmurait tout bas : Casse-cou !
Je quittai ma chambre d’auberge,
En souriant comme un bandit ;
Et je descendis sur la berge
Qu’une herbe, glissante, verdit.
Je pris un air incendiaire,
Je m’adossai contre un pilier,
Et je lui dis : « Ô lavandière !
(Blanchisseuse étant familier)
« L’oiseau gazouille, l’agneau bêle,
« Gloire à ce rivage écarté !
« Lavandière, vous êtes belle.
« Votre rire est de la clarté.
« Je suis capable de faiblesses.
« Ô lavandière, quel beau jour !
« Les fauvettes sont des drôlesses
« Qui chantent des chansons d’amour.
« Voilà six mille ans que les roses
« Conseillent, en se prodiguant,
« L’amour aux cœurs les plus moroses.
« Avril est un vieil intrigant.
« Les rois sont ceux qu’adorent celles
« Qui sont charmantes comme vous ;
« La Marne est pleine d’étincelles ;
« Femme, le ciel immense est doux.
« Ô laveuse à la taille mince,
« Qui vous aime est dans un palais.
« Si vous vouliez, je serais prince ;
« Je serais dieu, si tu voulais. — »
La blanchisseuse, gaie et tendre,
Sourit, et, dans le hameau noir,
Sa mère au loin cessa d’entendre
Le bruit vertueux du battoir.
Les vieillards grondent et reprochent,
Mais, ô jeunesse ! il faut oser.
Deux sourires qui se rapprochent
Finissent par faire un baiser.
Je m’arrête. L’idylle est douce,
Mais ne veut pas, je vous le dis,
Qu’au delà du baiser on pousse
La peinture du paradis.
à la lecture des premiers mots, je n’y croyais pas
Je me suis dit : »Ce n’est pas d’Hugo » ce texte là!
« Choses écrites à Créteil »
Sa jeunesse?
Je vais relire
Grand merci
Hugo explore tous les domaines, avec son génie qui nous emporte avec lui.
J’allais publier Réalité quand j’ai vu votre commentaire, auquel j’ai voulu répondre aussitôt. La coïncidence est jolie.
Bonjour,
Merci pour votre travail, c’est remarquable.
Pouvez-vous donner plus d’information sur le dessin qui illustre ce poème?
Est-il de la main de l’auteur et l’auteur a-t-il bien associé le dessin au poème?
Merci d’avance pour vos précisions.
Un Cristolien passionné
Tous les dessins publiés sont des détails de dessins de Victor Hugo. Chaque jour, j’enregistrais un poème, et ceci pendant un an. À chaque poème, j’ai associé un détail d’un dessin qui, pour moi, résonnait avec le texte tel qu’il m’avait traversé. Hugo, à ma connaissance, n’a jamais cherché à illustrer ses textes avec ses dessins. Mais, outre le fait e faire entendre Victor Hugo, je voulais aussi donner à voir son oeuvre graphique qui a influencé les plus grands peintres et graphistes du XXème siècle.