Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un horizon de nature, avec un arbre seul sur l'horizon et, près de lui, le soleil couchant.

III. À un ami

À un ami – Les références

Les Chansons des rues et des boisLivre second : SagesseIV. Nivôse ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 1019.

À un ami – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Pendant une maladie, un poème du recueil Les Chansons des rues et des bois, du Livre second : SagesseIV. Nivôse , de Victor Hugo.

À un ami


À un ami – Le texte

III
À un ami


Sur l’effrayante falaise,
Mur par la vague entr’ouvert,
Roc sombre où fleurit à l’aise
Un charmant petit pré vert.

Ami, puisque tu me laisses
Ta maison loin des vivants
Entre ces deux allégresses,
Les grands flots et les grands vents,

Salut ! merci ! les fortunes
Sont fragiles, et nos temps,
Comme l’algue sous les dunes,
Sont dans l’abîme, et flottants.

Nos âmes sont des nuées
Qu’un vent pousse, âpre ou béni,
Et qui volent, dénouées,
Du côté de l’infini.

L’énorme bourrasque humaine,
Dont l’étoile est la raison,
Prend, quitte, emporte et ramène
L’espérance à l’horizon.

Cette grande onde inquiète
Dont notre siècle est meurtri,
Écume et gronde, et me jette
Parfois mon nom dans un cri.

La haine sur moi s’arrête.
Ma pensée est dans ce bruit
Comme un oiseau de tempête
Parmi des oiseaux de nuit.

Pendant qu’ici je cultive
Ton champ comme tu le veux,
Dans maint journal l’invective
Grince et me prend aux cheveux.

La diatribe m’écharpe.
Je suis âne ou scélérat ;
Je suis Pradon pour La Harpe,
Et pour de Maistre Marat.

Qu’importe ! les cœurs sont ivres.
Les temps qui viennent feront
Ce qu’ils pourront de mes livres
Et de moi ce qu’ils voudront.

J’ai pour joie et pour merveille
De voir, dans ton pré d’Honfleur,
Trembler au poids d’une abeille
Un brin de lavande en fleur.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente la face d'un crâne humain, ses yeux vides tournés vers le haut.

II. Pendant une maladie

Pendant une maladie – Les références

Les Chansons des rues et des boisLivre second : SagesseIV. Nivôse ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 1017.

Pendant une maladie – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Pendant une maladie, un poème du recueil Les Chansons des rues et des bois, du Livre second : SagesseIV. Nivôse , de Victor Hugo.

Pendant une maladie


Pendant une maladie – Le texte

II
Pendant une maladie

On dit que je suis fort malade,
Ami ; j’ai déjà l’œil terni ;
Je sens la sinistre accolade
Du squelette de l’infini.

Sitôt levé, je me recouche ;
Et je suis comme si j’avais
De la terre au fond de la bouche ;
Je trouve le souffle mauvais.

Comme une voile entrant au havre,
Je frissonne ; mes pas sont lents,
J’ai froid ; la forme du cadavre,
Morne, apparaît sous mes draps blancs.

Mes mains sont en vain réchauffées ;
Ma chair comme la neige fond ;
Je sens sur mon front des bouffées
De quelque chose de profond ;

Est-ce le vent de l’ombre obscure ?
Ce vent qui sur Jésus passa !
Est-ce le grand Rien d’Épicure,
Ou le grand Tout de Spinosa ?

Les médecins s’en vont moroses ;
On parle bas autour de moi,
Et tout penche, et même les choses
Ont l’attitude de l’effroi.

Perdu ! voilà ce qu’on murmure.
Tout mon corps vacille, et je sens
Se déclouer la sombre armure
De ma raison et de mes sens.

Je vois l’immense instant suprême
Dans les ténèbres arriver.
L’astre pâle au fond du ciel blême
Dessine son vague lever.

L’heure réelle, ou décevante,
Dresse son front mystérieux.
Ne crois pas que je m’épouvante ;
J’ai toujours été curieux.

Mon âme se change en prunelle ;
Ma raison sonde Dieu voilé ;
Je tâte la porte éternelle,
Et j’essaie à la nuit ma clé.

C’est Dieu que le fossoyeur creuse ;
Mourir, c’est l’heure de savoir ;
Je dis à la mort : Vieille ouvreuse.
Je viens voir le spectacle noir.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente une campagne sous la pluie. On aperçoit un toit et une charrette et, sur le bord de la route, les arbres ploient sous la bise.

I. – Va-t-en, me dit la bise…

Va-t-en, me dit la bise… – Les références

Les Chansons des rues et des boisLivre second : SagesseIV. Nivôse ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 1017.

Va-t-en, me dit la bise… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Va-t-en, me dit la bise…, un poème du Livre second : Sagesse, IV. Nivôse, du recueil Les Chansons des rues et des bois, de Victor Hugo.

Va-t-en, me dit la bise…


Va-t-en, me dit la bise… – Le texte

I


— Va-t’en, me dit la bise,
C’est mon tour de chanter. —
Et, tremblante, surprise,
N’osant pas résister,

Fort décontenancée
Devant un Quos ego,
Ma chanson est chassée
Par cette virago.

Pluie. On me congédie
Partout, sur tous les tons.
Fin de la comédie,
Hirondelles, partons.

Grêle et vent. La ramée
Tord ses bras rabougris ;
Là-bas fuit la fumée,
Blanche sur le ciel gris.

Une pâle dorure
Jaunit les coteaux froids.
Le trou de ma serrure
Me souffle sur les doigts.