Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente une colline, au-dessus d'un cours d'eau, sur laquelle se profile la silhouette d'un moulin et une autre bâtisse. On aperçoit, en bas de l'image, les toits de Chelles.

V. Chelles

Chelles – Les références

Les Chansons des rues et des boisLivre premier : JeunesseI. Floréal ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 903.

Chelles – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Chelles, un poème de la section IV. Pour d’autres, du Livre premier : Jeunesse, du recueil Les Chansons des rues et des bois, de Victor Hugo.
Il est précédé du poème IV. Lisbeth.

Chelles


Chelles – Le texte

V
Chelles


J’aime Chelle et ses cressonnières ;
Et le doux tic-tac des moulins
Et des cœurs autour des meunières ;
Quant aux blancs meuniers, je les plains.

Les meunières aussi sont blanches ;
C’est pourquoi je vais là souvent
Mêler ma rêverie aux branches
Des aulnes qui tremblent au vent.

J’ai l’air d’un pèlerin ; les filles
Me parlent, gardant leur troupeau ;
Je ris, j’ai parfois des coquilles
Avec des fleurs, sur mon chapeau.

Quand j’arrive avec mon caniche,
Chelles, bourg dévot et coquet,
Croit voir passer, fuyant leur niche,
Saint Roch, et son chien saint Roquet.

Ces effets de ma silhouette
M’occupent peu ; je vais marchant,
Tâchant de prendre à l’alouette
Une ou deux strophes de son chant.

J’admire les papillons frêles
Dans les ronces du vieux castel ;
Je ne touche point à leurs ailes.
Un papillon est un pastel.

Je suis un fou qui semble un sage.
J’emplis, assis dans le printemps,
Du grand trouble du paysage
Mes yeux vaguement éclatants.

Ô belle meunière de Chelles,
Le songeur te guette effaré
Quand tu montes à tes échelles,
Sûre de ton bas bien tiré.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente le sommet d'un vase, décoré de motifs circulaires, et son bec verseur.

VIII. Le lendemain

Le lendemain – Les références

Les Chansons des rues et des boisLivre premier : JeunesseI. Floréal ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 908.

Le lendemain – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Le lendemain, un poème de la section IV. Pour d’autres, du Livre premier : Jeunesse, du recueil Les Chansons des rues et des bois, de Victor Hugo.
Il est précédé de VII. Choses écrites à Créteil et suivi de IX. Fuis l’éden des ange déchus…, non encore enregistré sur ce site.

Le lendemain


Le lendemain – Le texte

VIII
Le lendemain


Un vase, flanqué d’un masque,
En faïence de Courtrai,
Vieille floraison fantasque
Où j’ai mis un rosier vrai,

Sur ma fenêtre grimace,
Et, quoiqu’il soit assez laid,
Ce matin, du toit d’en face,
Un merle ami lui parlait.

Le merle, oiseau leste et braque,
Bavard jamais enrhumé,
Est pitre dans la baraque
Toute en fleurs, du mois de mai.

Il contait au pot aux roses
Un effronté boniment,
Car il faut de grosses choses
Pour faire rire un Flamand.

Sur une patte, et l’air farce,
Et comme on vide un panier,
Il jetait sa verve éparse
De son toit à mon grenier.

Gare au mauvais goût des merles !
J’omets ses propos hardis ;
Son bec semait peu de perles ;
Et moi, rêveur, je me dis :

La minute est opportune ;
Je suis à m’éprendre enclin ;
Puisque j’ai cette fortune
De rencontrer un malin,

Il faut que je le consulte
Sur ma conquête d’hier.
Et je criai : — Merle adulte,
Sais-tu pourquoi je suis fier ?

Il dit, gardant sa posture,
Semblable au diable boiteux :
— C’est pour la même aventure
Dont Gros-Guillaume est honteux.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente le dos d' une jeune femme allongée, la tête posée sur deux oreillers.

IV. Lisbeth

Lisbeth – Les références

Les Chansons des rues et des boisLivre premier : JeunesseI. Floréal ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 902.

Lisbeth – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Lisbeth, un poème de la section IV. Pour d’autres, du Livre premier : Jeunesse, du recueil Les Chansons des rues et des bois, de Victor Hugo.
Il est suivi du poème V. Chelles.

Lisbeth


Lisbeth – Le texte

IV
Lisbeth


Le jour, d’un bonhomme sage
J’ai l’auguste escarpement ;
Je me conforme à l’usage
D’être abruti doctement.

Je me scrute et me dissèque,
Je me compare au poncif
De l’homme que fit Sénèque
Sur sa table d’or massif.

Je chasse la joie agile.
Je profite du matin
Pour regarder dans Virgile
Un paysage en latin.

Je lis Lactance, Ildefonse,
Saint Ambroise, comme il sied,
Et Juste Lipse, où j’enfonce
Souvent, jusqu’à perdre pied.

Je me dis : Vis dans les sages.
Toujours l’honnête homme ouvrit
La fenêtre des vieux âges
Pour aérer son esprit.

Et je m’en vais sur la cime
Dont Platon sait le chemin.
Je me dis : Soyons sublime !
Mais je redeviens humain,

Et mon âme est confondue,
Et mon orgueil est dissous,
Par une alcôve tendue
D’un papier de quatre sous,

Et l’amour, ce doux maroufle,
Est le maître en ma maison,
Tous les soirs, quand Lisbeth souffle
Sa chandelle et ma raison.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente les bois où les "faunes ont caché ta lyre", ô vers ! On aperçoit, en bas à gauche les tours d'un château de conte de fée.

I. Mon vers, s’il faut te le redire…

Mon vers, s’il faut te le redire… – Les références

Les Chansons des rues et des boisLivre premier : JeunesseI. Floréal ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 899.

Mon vers, s’il faut te le redire… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Mon vers, s’il faut te le redire…, premier poème de la section IV. Pour d’autres, du Livre premier : Jeunesse, du recueil Les Chansons des rues et des bois, de Victor Hugo.

Mon vers, s’il faut te le redire…


Mon vers, s’il faut te le redire… – Le texte

I


Mon vers, s’il faut te le redire,
On veut te griser dans les bois.
Les faunes ont caché ta lyre
Et mis à sa place un hautbois.

Va donc. La fête est commencée ;
L’oiseau mange en herbe le blé ;
L’abeille est ivre de rosée ;
Mai rit, dans les fleurs attablé.

Emmène tes deux camarades,
L’esprit gaulois, l’esprit latin ;
Ne crois pas que tu te dégrades
Dans la lavande et dans le thym.

Sans être effronté, sois agile ;
Entre gaîment dans le vallon ;
Presse un peu le pas de Virgile,
Retiens par la manche Villon.

Tu devras boire à coupe pleine,
Et de ce soin Pan a chargé
La Jeanneton de La Fontaine
Qu’Horace appelait Lalagé.

On t’attend. La fleur est penchée
Dans les antres diluviens ;
Et Silène, à chaque bouchée,
S’interrompt pour voir si tu viens.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente le buste d'une jeune femme rougissant dans sa robe, les cheveux au vent.

VII. Choses écrites à Créteil

Choses écrites à Créteil – Les références

Les Chansons des rues et des boisLivre premier : JeunesseIV. Pour d’autres ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 906.

Choses écrites à Créteil – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Choses écrites à Créteil, un poème du recueil Les Chansons des rues et des bois, du Livre premier : Jeunesse, IV. Pour d’autres, de Victor Hugo.

Choses écrites à Créteil


Choses écrites à Créteil – Le texte

VII
Choses écrites à Créteil


Sachez qu’hier, de ma lucarne,
J’ai vu, j’ai couvert de clins d’yeux
Une fille qui dans la Marne
Lavait des torchons radieux.

Près d’un vieux pont, dans les saulées,
Elle lavait, allait, venait ;
L’aube et la brise étaient mêlées
À la grâce de son bonnet.

Je la voyais de loin. Sa mante
L’entourait de plis palpitants.
Aux folles broussailles qu’augmente
L’intempérance du printemps,

Aux buissons que le vent soulève,
Que juin et mai, frais barbouilleurs,
Foulant la cuve de la sève,
Couvrent d’une écume de fleurs,

Aux sureaux pleins de mouches sombres,
Aux genêts du bord, tous divers,
Aux joncs échevelant leurs ombres
Dans la lumière des flots verts,

Elle accrochait des loques blanches,
Je ne sais quels haillons charmants
Qui me jetaient, parmi les branches,
De profonds éblouissements.

Ces nippes, dans l’aube dorée,
Semblaient, sous l’aulne et le bouleau,
Les blancs cygnes de Cythérée
Battant de l’aile au bord de l’eau.

Des cupidons, fraîche couvée,
Me montraient son pied fait au tour ;
Sa jupe semblait relevée
Par le petit doigt de l’amour.

On voyait, je vous le déclare,
Un peu plus haut que le genou.
Sous un pampre un vieux faune hilare
Murmurait tout bas : Casse-cou !

Je quittai ma chambre d’auberge,
En souriant comme un bandit ;
Et je descendis sur la berge
Qu’une herbe, glissante, verdit.

Je pris un air incendiaire,
Je m’adossai contre un pilier,
Et je lui dis : « Ô lavandière !
(Blanchisseuse étant familier)

« L’oiseau gazouille, l’agneau bêle,
« Gloire à ce rivage écarté !
« Lavandière, vous êtes belle.
« Votre rire est de la clarté.

« Je suis capable de faiblesses.
« Ô lavandière, quel beau jour !
« Les fauvettes sont des drôlesses
« Qui chantent des chansons d’amour.

« Voilà six mille ans que les roses
« Conseillent, en se prodiguant,
« L’amour aux cœurs les plus moroses.
« Avril est un vieil intrigant.

« Les rois sont ceux qu’adorent celles
« Qui sont charmantes comme vous ;
« La Marne est pleine d’étincelles ;
« Femme, le ciel immense est doux.

« Ô laveuse à la taille mince,
« Qui vous aime est dans un palais.
« Si vous vouliez, je serais prince ;
« Je serais dieu, si tu voulais. — »

La blanchisseuse, gaie et tendre,
Sourit, et, dans le hameau noir,
Sa mère au loin cessa d’entendre
Le bruit vertueux du battoir.

Les vieillards grondent et reprochent,
Mais, ô jeunesse ! il faut oser.
Deux sourires qui se rapprochent
Finissent par faire un baiser.

Je m’arrête. L’idylle est douce,
Mais ne veut pas, je vous le dis,
Qu’au delà du baiser on pousse
La peinture du paradis.