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Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente son nom, "VICTOR HUGO" dessiné sur une ombre réalisée au pochoir.

IX. Je prendrai par la main les deux petits enfants…

Je prendrai par la main les deux petits enfants… – Les références

L’Art d’être grand-pèreI. À Guernesey ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 725.

Je prendrai par la main les deux petits enfants… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Je prendrai par la main les deux petits enfants…, poème de la partie I. À Guernesey, du recueil L’Art d’être grand-père, de Victor Hugo.
Il est précédé de VIII. Lætitia rerum et suivi de X. Printemps.

Je prendrai par la main les deux petits enfants…


Je prendrai par la main les deux petits enfants… – Le texte

IX


Je prendrai par la main les deux petits enfants ;
J’aime les bois où sont les chevreuils et les faons,
Où les cerfs tachetés suivent les biches blanches
Et se dressent dans l’ombre effrayés par les branches ;
Car les fauves sont pleins d’une telle vapeur
Que le frais tremblement des feuilles leur fait peur.
Les arbres ont cela de profond qu’ils vous montrent
Que l’éden seul est vrai, que les cœurs s’y rencontrent,
Et que, hors les amours et les nids, tout est vain ;
Théocrite souvent dans le hallier divin
Crut entendre marcher doucement la ménade.
C’est là que je ferai ma lente promenade
Avec les deux marmots. J’entendrai tour à tour
Ce que Georges conseille à Jeanne, doux amour,
Et ce que Jeanne enseigne à George. En patriarche
Que mènent les enfants, je réglerai ma marche
Sur le temps que prendront leurs jeux et leurs repas,
Et sur la petitesse aimable de leurs pas.
Ils cueilleront des fleurs, ils mangeront des mûres.
Ô vaste apaisement des forêts ! ô murmures !
Avril vient calmer tout, venant tout embaumer.
Je n’ai point d’autre affaire ici-bas que d’aimer.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un horizon au-dessus duquel apparaît la lune (ou le soleil ?). Au premier plan, dans un bassin, on aperçoit un homme, exilé et contemplant cet horizon.

I. L’exilé satisfait

L’exilé satisfait – Les références

L’Art d’être grand-pèreI. À Guernesey ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 717.

L’exilé satisfait – L’enregistrement

Je vous invite à écouter L’exilé satisfait, poème qui ouvre la partie I. À Guernesey, du recueil L’Art d’être grand-père, de Victor Hugo.
Il est suivi de II. Qu’est-ce que cette terre ? Un tempête d’âme….

L’exilé satisfait


L’exilé satisfait – Le texte

I
L’exilé satisfait


Solitude ! silence ! oh ! le désert me tente.
L’âme s’apaise là, sévèrement contente ;
Là d’on ne sait quelle ombre on se sent l’éclaireur.
Je vais dans les forêts chercher la vague horreur ;
La sauvage épaisseur des branches me procure
Une sorte de joie et d’épouvante obscure ;
Et j’y trouve un oubli presque égal au tombeau.
Mais je ne m’éteins pas ; on peut rester flambeau
Dans l’ombre, et, sous le ciel, sous la crypte sacrée,
Seul, frissonner au vent profond de l’empyrée.
Rien n’est diminué dans l’homme pour avoir
Jeté la sonde au fond ténébreux du devoir.
Qui voit de haut, voit bien ; qui voit de loin, voit juste.
La conscience sait qu’une croissance auguste
Est possible pour elle, et va sur les hauts lieux
Rayonner et grandir, loin du monde oublieux.
Donc je vais au désert, mais sans quitter le monde.

Parce qu’un songeur vient, dans la forêt profonde
Ou sur l’escarpement des falaises, s’asseoir
Tranquille et méditant l’immensité du soir,
Il ne s’isole point de la terre où nous sommes.
Ne sentez-vous donc pas qu’ayant vu beaucoup d’hommes
On a besoin de fuir sous les arbres épais,
Et que toutes les soifs de vérité, de paix,
D’équité, de raison et de lumière, augmentent
Au fond d’une âme, après tant de choses qui mentent ?

Mes frères ont toujours tout mon cœur, et, lointain
Mais présent, je regarde et juge le destin ;
Je tiens, pour compléter l’âme humaine ébauchée,
L’urne de la pitié sur les peuples penchée,
Je la vide sans cesse et je l’emplis toujours.
Mais je prends pour abri l’ombre des grands bois sourds.

Oh ! j’ai vu de si près les foules misérables,
Les cris, les chocs, l’affront aux têtes vénérables,
Tant de lâches grandis par les troubles civils,
Des juges qu’on eût dû juger, des prêtres vils
Servant et souillant Dieu, prêchant pour, prouvant contre,
J’ai tant vu la laideur que notre beauté montre,
Dans notre bien le mal, dans notre vrai le faux,
Et le néant passant sous nos arcs triomphaux,
J’ai tant vu ce qui mord, ce qui fuit, ce qui ploie
Que, vieux, faible et vaincu, j’ai désormais pour joie
De rêver immobile en quelque sombre lieu ;
Là, saignant, je médite ; et, lors même qu’un dieu
M’offrirait pour rentrer dans les villes la gloire,
La jeunesse, l’amour, la force, la victoire,
Je trouve bon d’avoir un trou dans les forêts,
Car je ne sais pas trop si je consentirais.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un sous-bois, d'où on aperçoit, "dans une nudité de songe", les tourelles d'un château.

XX. Lettre

Lettre – Les références

Les Chansons des rues et des boisLivre premier : JeunesseVI. L’Éternel Petit Roman ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 962.

Lettre – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Lettre, poème du recueil Les Chansons des rues et des bois, du Livre premier : Jeunesse, VI. L’Éternel Petit Roman, de Victor Hugo.
Il est précédé de XIX. Réponse à l’esprit des bois, et suivi de XXI. L’Oubli.

Lettre


Lettre – Le texte

XX
Lettre


J’ai mal dormi. C’est votre faute.
J’ai rêvé que, sur des sommets,
Nous nous promenions côte à côte,
Et vous chantiez, et tu m’aimais.

Mes dix-neuf ans étaient la fête
Qu’en frissonnant je vous offrais ;
Vous étiez belle et j’étais bête
Au fond des bois sombres et frais.

Je m’abandonnais aux ivresses ;
Au-dessus de mon front vivant
Je voyais fuir les molles tresses
De l’aube, du rêve et du vent.

J’étais ébloui, beau, superbe ;
Je voyais des jardins de feu,
Des nids dans l’air, des fleurs dans l’herbe,
Et dans un immense éclair, Dieu.

Mon sang murmurait dans mes tempes
Une chanson que j’entendais ;
Les planètes étaient mes lampes ;
J’étais archange sous un dais.

Car la jeunesse est admirable,
La joie emplit nos sens hardis ;
Et la femme est le divin diable
Qui taquine ce paradis.

Elle tient un fruit qu’elle achève
Et qu’elle mord, ange et tyran :
Ce qu’on nomme la pomme d’Ève,
Tristes cieux ! c’est le cœur d’Adam.

J’ai toute la nuit eu la fièvre.
Je vous adorais en dormant ;
Le mot amour sur votre lèvre
Faisait un vague flamboiement.

Pareille à la vague où l’œil plonge,
Votre gorge m’apparaissait
Dans une nudité de songe,
Avec une étoile au corset.

Je voyais vos jupes de soie,
Votre beauté, votre blancheur ;
J’ai jusqu’à l’aube été la proie
De ce rêve mauvais coucheur.

Vous aviez cet air qui m’enchante,
Vous me quittiez, vous me preniez ;
Vous changiez d’amour, plus méchante
Que les tigres calomniés.

Nos âmes se sont dénouées,
Et moi, de souffrir j’étais las ;
Je me mourais dans des nuées
Où je t’entendais rire, hélas !

Je me réveille, et ma ressource
C’est de ne plus penser à vous,
Madame, et de fermer la source
Des songes sinistres et doux.

Maintenant, calmé, je regarde,
Pour oublier d’être jaloux,
Un tableau qui dans ma mansarde
Suspend Venise à quatre clous.

C’est un cadre ancien qu’illumine,
Sous de grands arbres, jadis verts,
Un soleil d’assez bonne mine
Quoique un peu mangé par les vers.

Le paysage est plein d’amantes,
Et du vieux sourire effacé
De toutes les femmes charmantes
Et cruelles du temps passé.

Sans les éteindre, les années
Ont couvert de molles pâleurs
Les robes vaguement trainées
Dans de la lumière et des fleurs.

Un bateau passe. Il porte un groupe
Où chante un prélat violet ;
L’ombre des branches se découpe
Sur le plafond du tendelet.

À terre, un pâtre, aimé des muses,
Qui n’a que la peau sur les os,
Regarde des choses confuses
Dans le profond ciel, plein d’oiseaux.

Remarque

Tendelet : Petite tente sur le pont arrière d’un bateau, ou partie en toile ou en cuir protégeant les places extérieures d’un coupé.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente les fesses d' une jeune femme, couchée de dos, dont on aperçoit le buste nu.

XXVI. Jeune fille, l’amour…

Jeune fille, l’amour… – Les références

Les Voix intérieures ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie I, p 886.

Jeune fille, l’amour… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Jeune fille, l’amour…, un poème du recueil Les Voix intérieures, de Victor Hugo.
Il est suivi de Après une lecture de Dante.

Jeune fille, l’amour…


Jeune fille, l’amour… – Le texte

XXVI


Jeune fille, l’amour, c’est d’abord un miroir
Où la femme coquette et belle aime à se voir,
Et, gaie ou rêveuse, se penche ;
Puis, comme la vertu, quand il a votre cœur,
Il en chasse le mal et le vice moqueur,
Et vous fait l’âme pure et blanche ;

Puis on descend un peu, le pied vous glisse… — Alors
C’est un abîme ! en vain la main s’attache aux bords,
On s’en va dans l’eau qui tournoie ! —
L’amour est charmant, pur, et mortel. N’y crois pas !
Tel l’enfant, par un fleuve attiré pas à pas,
S’y mire, s’y lave et s’y noie.

Février 1837.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente les jambes et les bottines d'une femme enveloppée dans un tissu coloré.

VII. À la belle impérieuse

À la belle impérieuse – Les références

Les Chansons des rues et des boisLivre premier : JeunesseVI. L’Éternel Petit Roman ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 945.

À la belle impérieuse – L’enregistrement

Je vous invite à écouter À la belle impérieuse, poème du recueil Les Chansons des rues et des bois, du Livre premier : Jeunesse, VI. L’Éternel Petit Roman, de Victor Hugo.
Il est précédé du poème VI. C’est parce qu’elle se taisait et suivi du poème VIII. Sommation irrespectueuse.

À la belle impérieuse


À la belle impérieuse – Le texte

VII
À la belle impérieuse


L’amour, panique
De la raison,
Se communique
Par le frisson.

Laissez-moi dire,
N’accordez rien.
Si je soupire,
Chantez, c’est bien.

Si je demeure,
Triste, à vos pieds,
Et si je pleure,
C’est bien, riez.

Un homme semble
Souvent trompeur.
Mais si je tremble,
Belle, ayez peur.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente une étrange silhouette, belette ailée ?, qui se profile devant les ombres des "ruines d'une abbaye".

XV. Dans les ruines d’une abbaye

Dans les ruines d’une abbaye – Les références

Les Chansons des rues et des boisLivre premier : JeunesseVI. L’Éternel Petit Roman ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 956.

Dans les ruines d’une abbaye – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Dans les ruines d’une abbaye, poème du Livre premier : Jeunesse, VI. L’Éternel Petit Roman, du recueil Les Chansons des rues et des bois, de Victor Hugo.

Dans les ruines d’une abbaye


Dans les ruines d’une abbaye – Le texte

XV
Dans les ruines d’une abbaye


Seuls tous deux, ravis, chantants !
Comme on s’aime !
Comme on cueille le printemps
Que Dieu sème !

Quels rires étincelants
Dans ces ombres
Pleines jadis de fronts blancs,
De cœurs sombres !

On est tout frais mariés.
On s’envoie
Les charmants cris variés
De la joie.

Purs ébats mêlés au vent
Qui frissonne !
Gaîtés que le noir couvent
Assaisonne !

On effeuille des jasmins
Sur la pierre
Où l’abbesse joint ses mains
En prière.

Les tombeaux, de croix marqués,
Font partie
De ces jeux, un peu piqués
Par l’ortie.

On se cherche, on se poursuit,
On sent croître
Ton aube, amour, dans la nuit
Du vieux cloître.

On s’en va se becquetant,
On s’adore,
On s’embrasse à chaque instant,
Puis encore,

Sous les piliers, les arceaux,
Et les marbres.
C’est l’histoire des oiseaux
Dans les arbres.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente la tête tournée vers le bas d'une "femme habile à se taire".

VI. C’est parce qu’elle se taisait

C’est parce qu’elle se taisait – Les références

Les Chansons des rues et des boisLivre premier : JeunesseVI. L’Éternel Petit Roman ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 944.

C’est parce qu’elle se taisait – L’enregistrement

Je vous invite à écouter C’est parce qu’elle se taisait, un poème du recueil Les Chansons des rues et des bois, du Livre premier : Jeunesse, VI. L’Éternel Petit Roman, de Victor Hugo.
Il est précédé du poème V. À Rosita et suivi de VII. À la belle impérieuse.

C’est parce qu’elle se taisait


C’est parce qu’elle se taisait – Le texte

VI
C’est parce qu’elle se taisait


Son silence fut mon vainqueur ;
C’est ce qui m’a fait épris d’elle.
D’abord je n’avais dans le cœur
Rien qu’un obscur battement d’aile.

Nous allions en voiture au bois,
Seuls tous les soirs, et loin du monde ;
Je lui parlais, et d’autres voix
Chantaient dans la forêt profonde.

Son œil était mystérieux.
Il contient, cet œil de colombe,
Le même infini que les cieux,
La même aurore que la tombe.

Elle ne disait rien du tout,
Pensive au fond de la calèche.
Un jour je sentis tout à coup
Trembler dans mon âme une flèche.

L’Amour, c’est le je ne sais quoi.
Une femme habile à se taire
Est la caverne où se tient coi
Ce méchant petit sagittaire.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente le dos d' une jeune femme allongée, la tête posée sur deux oreillers.

IV. Lisbeth

Lisbeth – Les références

Les Chansons des rues et des boisLivre premier : JeunesseI. Floréal ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 902.

Lisbeth – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Lisbeth, un poème de la section IV. Pour d’autres, du Livre premier : Jeunesse, du recueil Les Chansons des rues et des bois, de Victor Hugo.
Il est suivi du poème V. Chelles.

Lisbeth


Lisbeth – Le texte

IV
Lisbeth


Le jour, d’un bonhomme sage
J’ai l’auguste escarpement ;
Je me conforme à l’usage
D’être abruti doctement.

Je me scrute et me dissèque,
Je me compare au poncif
De l’homme que fit Sénèque
Sur sa table d’or massif.

Je chasse la joie agile.
Je profite du matin
Pour regarder dans Virgile
Un paysage en latin.

Je lis Lactance, Ildefonse,
Saint Ambroise, comme il sied,
Et Juste Lipse, où j’enfonce
Souvent, jusqu’à perdre pied.

Je me dis : Vis dans les sages.
Toujours l’honnête homme ouvrit
La fenêtre des vieux âges
Pour aérer son esprit.

Et je m’en vais sur la cime
Dont Platon sait le chemin.
Je me dis : Soyons sublime !
Mais je redeviens humain,

Et mon âme est confondue,
Et mon orgueil est dissous,
Par une alcôve tendue
D’un papier de quatre sous,

Et l’amour, ce doux maroufle,
Est le maître en ma maison,
Tous les soirs, quand Lisbeth souffle
Sa chandelle et ma raison.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente des frondaisons.

IV. La nature est pleine d’amour…

La nature est pleine d’amour… – Les références

Les Chansons des rues et des boisLivre premier : JeunesseIII. Pour Jeanne seule ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 887.

La nature est pleine d’amour… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter La nature est pleine d’amour…, poème du Livre premier : Jeunesse, III. Pour Jeanne seule, du recueil Les Chansons des rues et des bois, de Victor Hugo.

La nature est pleine d’amour…


La nature est pleine d’amour… – Le texte

IV


La nature est pleine d’amour,
Jeanne, autour de nos humbles joies ;
Et les fleurs semblent tour à tour
Se dresser pour que tu les voies.

Vive Angélique ! à bas Orgon !
L’hiver, qu’insultent nos huées,
Recule, et son profil bougon
Va s’effaçant dans les nuées.

La sérénité de nos cœurs,
Où chantent les bonheurs sans nombre,
Complète, en ces doux mois vainqueurs,
L’évanouissement de l’ombre.

Juin couvre de fleurs les sommets,
Et dit partout les mêmes choses ;
Mais est-ce qu’on se plaint jamais
De la prolixité des roses ?

L’hirondelle, sur ton front pur,
Vient si près de tes yeux fidèles,
Qu’on pourrait compter dans l’azur
Toutes les plumes de ses ailes.

Ta grâce est un rayon charmant ;
Ta jeunesse, enfantine encore,
Éclaire le bleu firmament,
Et renvoie au ciel de l’aurore.

De sa ressemblance avec toi
Le lys pur sourit dans sa gloire ;
Ton âme est une urne de foi
Où la colombe voudrait boire.

Remarque

Chaque jour, j’enregistre un poème, où que je sois. Aujourd’hui, les portes claquaient souvent, au théâtre de l’espérance, à Genève. Dans la mesure où je me suis astreint à ne jamais retoucher au montage de chacun des enregistrements, voici le poème du jour.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente le bras d'une femme, replié pudiquement sur sa poitrine. Elle maintient contre elle, avec son autre main, une forme au masque étrange.

I. Lorsque ma main frémit si la tienne l’effleure…

Lorsque ma main frémit si la tienne l’effleure… – Les références

Toute la lyreSixième partie : [L’Amour] ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie IV, p 385.

Lorsque ma main frémit si la tienne l’effleure… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Lorsque ma main frémit si la tienne l’effleure…, premier poème de la Sixième partie : [L’Amour], du recueil Toute la lyre, de Victor Hugo.
Il est suivi de II. Oh ! si vous existez, mon ange, mon génie….

Lorsque ma main frémit si la tienne l’effleure…


Lorsque ma main frémit si la tienne l’effleure… – Le texte

I


Lorsque ma main frémit si la tienne l’effleure,
Quand tu me vois pâlir, femme aux cheveux dorés,
Comme le premier jour, comme la première heure,
Rien qu’en touchant ta robe et ses plis adorés ;

Quand tu vois que les mots me manquent pour te dire
Tout ce dont tu remplis mon sein tumultueux ;
Lorsqu’en me regardant tu sens que ton sourire
M’enivre par degrés et fait briller mes yeux ;

Quand ma voix, sous le feu de ta douce prunelle,
Tremble en ma bouche émue, impuissante à parler,
Comme un craintif oiseau, tout à coup pris par l’aile,
Qui frissonne éperdu, sans pouvoir s’envoler ;

Ô bel ange créé pour des sphères meilleures,
Dis, après tant de deuils, de désespoirs, d’ennuis,
Et tant d’amers chagrins et tant de tristes heures
Qui souvent font tes jours plus mornes que des nuits ;

Oh, dis! ne sens-tu pas se lever dans ton âme
L’amour vrai, l’amour pur, adorable lueur,
L’amour, flambeau de l’homme, étoile de la femme,
Mystérieux soleil du monde intérieur !

Ne sens-tu point, dis-moi, passer sur ta paupière
Le souffle du matin, des ténèbres vainqueur ?
Ne vient-il pas des voix tout bas te dire : espère !
N’entends-tu pas un chant dans l’ombre de ton cœur ?

Oh! recueille ce chant, âme blessée et fière !
Cette aube qui se lève en toi, c’est le vrai jour.
Ne crains plus rien ! Dieu fit tes yeux pour la lumière,
Ton âme pour le ciel et ton cœur pour l’amour !

Regarde rayonner sur ton destin moins sombre
Ce soleil de l’amour qui pour jamais te luit,
Qui, même après la mort brille, sorti de l’ombre,
Qui n’a pas de couchant et n’aura pas de nuit !

9 novembre 1845.