XI. Oh ! la femme et l’amour ! inventions maudites !
Oh ! la femme et l’amour ! inventions maudites !
– Les références
Toute la lyre – Sixième partie : [L’Amour] ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie IV, p 392.
Oh ! la femme et l’amour ! inventions maudites !
– L’enregistrement
Je vous invite à écouter Oh ! la femme et l’amour ! inventions maudites !
, poème de la Sixième partie : [L’Amour], du recueil Toute la lyre, de Victor Hugo.
Il est précédé de X. Hermina et suivi par XII. J’étais le songeur qui pense…
.
Oh ! la femme et l’amour ! inventions maudites !
Oh ! la femme et l’amour ! inventions maudites !
– Le texte
XI
Oh ! la femme et l’amour ! inventions maudites !
Il n’est de gens heureux que les hermaphrodites !
Que nous dit-on que Dieu doit nous punir un jour ?
Le diable, c’est la femme, et l’enfer, c’est l’amour !
O rage ! être jaloux ! surveiller une belle,
L’épier, et toujours laisser pendre sur elle
L’heure où l’on ne vient pas, mais où l’on peut venir !
Se rider par le front, par le cœur rajeunir !
Compter ses cheveux gris ! faire mille sots rôles !
Voir reluire autour d’elle un tas de jeunes drôles !
N’oser rien accorder, n’oser rien refuser !
Être heureux pour un signe et fou pour un baiser !
Porter les éventails durant les promenades !
La suivre en se cachant entre les colonnades !
Oh! que l’homme amoureux est un triste animal !
Puis la rupture, hélas ! qui se ressoude mal,
Le raccommodement, la querelle, la brouille,
Sur l’amour qui vieillit épaississent leur rouille !
Ou, si l’on aime encor, le soir, pour son péché,
Mordu de jalousie, errant, effarouché,
On va grincer des dents parmi les sérénades ;
Ou bien on la conduit, parée, aux pasquinades
Pour la faire manger par les regards d’autrui !
Puis les petites voix : – Vous êtes aujourd’hui
Bien maussade ! — (On enrage!) — Oh non ! ma souveraine !
— Conduisez-moi ce soir au jardin de la reine !
Et puis un doux sourire, et puis la trahison !
Je n’en veux plus ! adieu l’amour ! j’ai ma raison !
C’est vil ! c’est dégradant ! c’est affreux ! c’est infâme !
Je ne veux de ma vie approcher d’une femme !
Que diriez-vous si Pierre en ces mots vous parlait :
— C’est un malheur de voir, car le monde est fort laid.
Les lunettes parfois grossissent fort les choses.
Les yeux craignent le froid, le chaud, les amauroses,
Les fraîcheurs, les amours trop vifs ou trop rassis,
Sans compter l’ophtalmie et la trichiasis.
Si quelqu’un, dans un duel pour des filles qu’on lorgne,
Vous crève un œil, cela suffit pour qu’on soit borgne.
L’oignon vous fait pleurer, et quand il fait du vent,
La poussière dans l’œil vous entre fort souvent ;
Pour peu qu’on boive un coup, on s’expose à voir double.
Un trop grand jour vous blesse, un trop faible vous trouble ;
Voir clair est un péril étrange et sérieux.
Fort bien : je vais me faire arracher les deux yeux !