XXV. Grandes oreilles
Grandes oreilles – Les références
Toute la lyre – La Corde d’airain ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie IV, p 554.
Grandes oreilles – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Grandes oreilles, un poème du recueil Toute la lyre, de la Corde d’airain, de Victor Hugo.
Grandes oreilles
Grandes oreilles – Le texte
XXV
Grandes oreilles
C’est un bel attribut, la longueur de l’oreille.
L’oreille longue, au-fond de l’ombre, oscille, veille,
Songe, se couche à plat, se dresse tout debout,
Entend mal, comprend peu, s’épouvante, a du goût,
Frémit au moindre souffle agitant les ramées,
Se plaît dans les salons aux choses mal rimées,
S’émeut pour les tyrans sitôt qu’il en tombe un,
Fuit le poète, craint l’esprit, hait le tribun.
Ayez cette beauté, messieurs. La grande oreille
Avec le crâne altier et petit s’appareille ;
En être orné, c’est presque avoir diplôme ; on est
Le front touffu sur qui tombe le lourd bonnet ;
On a l’autorité de l’ignorance énorme ;
On dit: — Shakspeare est creux, Dante n’a que la forme ;
La Révolution est un phare trompeur
Qui mène au gouffre ; il est utile d’avoir peur. —
De l’effroi qu’on n’a plus on fait de la colère ;
Pour glorifier l’ordre, on mêle à de l’eau claire
Des phrases qui du sang ont la vague saveur ;
Dès que le progrès marche, on réclame un sauveur ;
On vénère Haynau, Boileau, l’état, l’église,
Et la férule ; et c’est ainsi qu’on réalise
Pour les Suins, les Dupins, les Cousins, les Parieux,
Les Nisards, l’idéal d’un homme sérieux,
Et qu’on a l’honneur d’être un bourgeois authentique,
Âne en littérature et lièvre en politique.
24 mai 1872.
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