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XXI. Jeunes gens, prenez garde aux choses que vous dites…

Jeunes gens, prenez garde aux choses que vous dites… – Les références

Toute la lyreIII. [La Pensée] ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie IV, p 255.

Jeunes gens, prenez garde aux choses que vous dites… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Jeunes gens, prenez garde aux choses que vous dites…, un poème du recueil Toute la lyre, de la troisième partie : [La Pensée], de Victor Hugo.

Jeunes gens, prenez garde aux choses que vous dites…


Jeunes gens, prenez garde aux choses que vous dites… – Le texte

XXI


Jeunes gens, prenez garde aux choses que vous dites.
Tout peut sortir d’un mot qu’en passant vous perdîtes.
Tout, la haine et le deuil ! — Et ne m’objectez pas
Que vos amis sont sûrs et que vous parlez bas… —
Écoutez bien ceci :

Tête-à-tête, en pantoufle,

Portes closes, chez vous, sans un témoin qui souffle,
Vous dites à l’oreille au plus mystérieux
De vos amis de cœur, ou, si vous l’aimez mieux,
Vous murmurez tout seul, croyant presque vous taire,
Dans le fond d’une cave à trente pieds sous terre,
Un mot désagréable à quelque individu ;
Ce mot que vous croyez qu’on n’a pas entendu,
Que vous disiez si bas dans un lieu sourd et sombre,
Court à peine lâché, part, bondit, sort de l’ombre !
Tenez, il est dehors ! Il connaît son chemin.
Il marche, il a deux pieds, un bâton à la main,
De bons souliers ferrés, un passeport en règle ;
— Au besoin, il prendrait des ailes comme l’aigle ! —
Il vous échappe, il fuit, rien ne l’arrêtera.
Il suit le quai, franchit la place, et cætera,
Passe l’eau sans bateau dans la saison des crues,
Et va, tout à travers un dédale de rues,
Droit chez l’individu dont vous avez parlé.
Il sait le numéro, l’étage ; il a la clé,
Il monte l’escalier, ouvre la porte, passe,
Entre, arrive, et, railleur, regardant l’homme en face,
Dit : — Me voilà ! je sors de la bouche d’un tel.

Et c’est fait. Vous avez un ennemi mortel.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un personnage grotesque à grosse tête et grandes oreilles qui marche en levant la jambe et écartant les bras et les doigts.

XXV. Grandes oreilles

Grandes oreilles – Les références

Toute la lyreLa Corde d’airain ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie IV, p 554.

Grandes oreilles – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Grandes oreilles, un poème du recueil Toute la lyre, de la Corde d’airain, de Victor Hugo.

Grandes oreilles


Grandes oreilles – Le texte

XXV
Grandes oreilles


C’est un bel attribut, la longueur de l’oreille.
L’oreille longue, au-fond de l’ombre, oscille, veille,
Songe, se couche à plat, se dresse tout debout,
Entend mal, comprend peu, s’épouvante, a du goût,
Frémit au moindre souffle agitant les ramées,
Se plaît dans les salons aux choses mal rimées,
S’émeut pour les tyrans sitôt qu’il en tombe un,
Fuit le poète, craint l’esprit, hait le tribun.
Ayez cette beauté, messieurs. La grande oreille
Avec le crâne altier et petit s’appareille ;
En être orné, c’est presque avoir diplôme ; on est
Le front touffu sur qui tombe le lourd bonnet ;
On a l’autorité de l’ignorance énorme ;
On dit: — Shakspeare est creux, Dante n’a que la forme ;
La Révolution est un phare trompeur
Qui mène au gouffre ; il est utile d’avoir peur. —
De l’effroi qu’on n’a plus on fait de la colère ;
Pour glorifier l’ordre, on mêle à de l’eau claire
Des phrases qui du sang ont la vague saveur ;
Dès que le progrès marche, on réclame un sauveur ;
On vénère Haynau, Boileau, l’état, l’église,
Et la férule ; et c’est ainsi qu’on réalise
Pour les Suins, les Dupins, les Cousins, les Parieux,
Les Nisards, l’idéal d’un homme sérieux,
Et qu’on a l’honneur d’être un bourgeois authentique,
Âne en littérature et lièvre en politique.

24 mai 1872.