Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente des arcades sous lesquelles sont empalées des têtes. On aperçoit de hauts bâtiments en face, dont une forteresse.

XI. Sur une barricade, au milieu des pavés…

Sur une barricade, au milieu des pavés… – Les références

L’Année terribleJuin ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 135.

Sur une barricade, au milieu des pavés… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Sur une barricade, au milieu des pavés…, poème de Juin, du recueil L’Année terrible, de Victor Hugo.

Sur une barricade, au milieu des pavés…


Sur une barricade, au milieu des pavés… – Le texte

XI


Sur une barricade, au milieu des pavés
Souillés d’un sang coupable et d’un sang pur lavés,
Un enfant de douze ans est pris avec des hommes.
— Es-tu de ceux-là, toi ? — L’enfant dit : Nous en sommes.
— C’est bon, dit l’officier, on va te fusiller.
Attends ton tour. — L’enfant voit des éclairs briller,
Et tous ses compagnons tomber sous la muraille.
Il dit à l’officier : Permettez-vous que j’aille
Rapporter cette montre à ma mère chez nous ?
— Tu veux t’enfuir ? — Je vais revenir. — Ces voyous
Ont peur ! Où loges-tu ? — Là, près de la fontaine.
Et je vais revenir, monsieur le capitaine.
— Va-t’en, drôle ! — L’enfant s’en va. — Piège grossier !
Et les soldats riaient avec leur officier,
Et les mourants mêlaient à ce rire leur râle ;
Mais le rire cessa, car soudain l’enfant pâle,
Brusquement reparu, fier comme Viala,
Vint s’adosser au mur et leur dit : Me voilà.

La mort stupide eut honte, et l’officier fit grâce.

Enfant, je ne sais point, dans l’ouragan qui passe
Et confond tout, le bien, le mal, héros, bandits,
Ce qui dans ce combat te poussait, mais je dis
Que ton âme ignorante est une âme sublime.
Bon et brave, tu fais, dans le fond de l’abîme,
Deux pas, l’un vers ta mère et l’autre vers la mort ;
L’enfant a la candeur et l’homme a le remord,
Et tu ne réponds point de ce qu’on te fit faire ;
Mais l’enfant est superbe et vaillant qui préfère
À la fuite, à la vie, à l’aube, aux jeux permis,
Au printemps, le mur sombre où sont morts ses amis.
La gloire au front te baise, ô toi si jeune encore !
Doux ami, dans la Grèce antique, Stésichore
T’eût chargé de défendre une porte d’Argos ;
Cinégyre t’eût dit : Nous sommes deux égaux !
Et tu serais admis au rang des purs éphèbes
Par Tyrtée à Messène et par Eschyle à Thèbes.
On graverait ton nom sur des disques d’airain ;
Et tu serais de ceux qui, sous le ciel serein,
S’ils passent près du puits ombragé par le saule,
Font que la jeune fille ayant sur son épaule
L’urne où s’abreuveront les buffles haletants,
Pensive, se retourne et regarde longtemps.

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