Toute la lyre – Sixième partie : [L’Amour] ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie IV, p 394.
L’amour vient en lisant – L’enregistrement
Je vous invite à écouter L’amour vient en lisant, poème de la Sixième partie : [L’Amour], du recueil Toute la lyre, de Victor Hugo.
Il est précédé de XII. J’étais le songeur qui pense… et suivi par XIV. Elle vit que j’étais en train de lire Homère, non encore enregistré sur ce site.
L’amour vient en lisant
L’amour vient en lisant – Le texte
XIII
L’amour vient en lisant
Madeleine
Et moi, lisions près du feu
Cette histoire : « En Aquitaine,
« Un page aimait une reine…
« Le père était duc d’Athène,
« Cordon bleu. — »
— Sois ma femme ! —
Lui disais-je. Oh ! charmant jeu !
Amour ! dans mon cœur, madame,
Votre œil voyait une flamme ;
Moi, je voyais dans votre âme
Le ciel bleu.
Doux mystère !
Mots furtifs ! timide aveu !
Le livre aidant, j’osai plaire.
Mais le bonhomme de père
S’écria plein de colère :
Ventrebleu !
Ce tapage
Effraya la belle un peu.
Mais nous tournâmes la page ;
Malgré son mince équipage,
La reine épousa le page ;
Conte bleu.
L’hirondelle
Nous dit bonjour, puis adieu.
Hélas ! l’amour vient comme elle,
Et comme elle, à tire d’aile,
Il s’enfuit, l’amour fidèle,
Oiseau bleu.
22 novembre 1853.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/08/lamour-vient-enlisant-lyre.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-08-11 08:33:472018-06-14 10:19:52XIII. L'amour vient en lisant
Sais-tu ce que Dieu dit à l’enfant qui va naître ?
Sais-tu ce que Dieu dit à l’enfant qui va naître ? – Le texte
VI
Sais-tu ce que Dieu dit à l’enfant qui va naître ?
Quand cet humble regard s’entr’ouvre à notre jour,
Il lui dit : Va souffrir, va penser, va connaître ;
Âme, perds l’innocence et rapporte l’amour ! –
Oui, c’est là le secret. Oui, c’est là le mystère.
Quoi qu’on fasse, il n’est rien qu’on ne puisse blâmer,
On tombe à chaque pas qu’on fait sur cette terre,
Tout est rempli d’erreur, mais il suffit d’aimer.
Colombe, c’est l’amour qu’il faut que tu rapportes !
Après ce dur voyage, obscur, long, hasardeux,
Le ciel d’où nous venons peut nous rouvrir ses portes.
On en est sorti seul, il faut y rentrer deux.
19 juillet 1850.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/08/sais-tu-ce-que-dieu-amour-lyre.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-08-06 08:36:132018-06-14 10:19:55VI. Sais-tu ce que Dieu dit à l'enfant qui va naître ?
Châtiments – Livre IV – La Religion est glorifiée ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 89.
Sacer esto – Enregistrement
Je vous invite à écouter Sacer esto, un poème du Livre IV – La Religion est glorifiée, du recueil Châtiments, de Victor Hugo.
Sacer esto
Sacer esto – Le texte
IV
Sacer esto
Non, Liberté ! non, Peuple, il ne faut pas qu’il meure !
Oh ! certes, ce serait trop simple, en vérité,
Qu’après avoir brisé les lois, et sonné l’heure
Où la sainte pudeur au ciel a remonté ;
Qu’après avoir gagné sa sanglante gageure,
Et vaincu par l’embûche et le glaive et le feu ;
Qu’après son guet-apens, ses meurtres, son parjure,
Son faux serment, soufflet sur la face de Dieu ;
Qu’après avoir traîné la France, au cœur frappée,
Et par les pieds liée, à son immonde char,
Cet infâme en fût quitte avec un coup d’épée
Au cou comme Pompée, au flanc comme César !
Non ! il est l’assassin qui rôde dans les plaines ;
Il a tué, sabré, mitraillé sans remords,
Il fit la maison vide, il fit les tombes pleines,
Il marche, il va, suivi par l’œil fixe des morts ;
À cause de cet homme, empereur éphémère,
Le fils n’a plus de père et l’enfant plus d’espoir,
La veuve à genoux pleure et sanglote, et la mère
N’est plus qu’un spectre assis sous un long voile noir ;
Pour filer ses habits royaux, sur les navettes
On met du fil trempé dans le sang qui coula ;
Le boulevard Montmartre a fourni ses cuvettes,
Et l’on teint son manteau dans cette pourpre-là ;
Il vous jette à Cayenne, à l’Afrique, aux sentines,
Martyrs, héros d’hier et forçats d’aujourd’hui !
Le couteau ruisselant des rouges guillotines
Laisse tomber le sang goutte à goutte sur lui ;
Lorsque la trahison, sa complice livide,
Vient et frappe à sa porte, il fait signe d’ouvrir ;
Il est le fratricide ! Il est le parricide ! –
Peuples, c’est pour cela qu’il ne doit pas mourir !
Gardons l’homme vivant. Oh ! châtiment superbe !
Oh ! s’il pouvait un jour passer par le chemin,
Nu, courbé, frissonnant, comme au vent tremble l’herbe,
Sous l’exécration de tout le genre humain !
Étreint par son passé tout rempli de ses crimes,
Comme par un carcan tout hérissé de clous,
Cherchant les lieux profonds, les forêts, les abîmes,
Pâle, horrible, effaré, reconnu par les loups ;
Dans quelque bagne vil n’entendant que sa chaîne,
Seul, toujours seul, parlant en vain aux rochers sourds,
Voyant autour de lui le silence et la haine,
Des hommes nulle part et des spectres toujours ;
Vieillissant, rejeté par la mort comme indigne,
Tremblant sous la nuit noire, affreux sous le ciel bleu… –
Peuples, écartez-vous ! cet homme porte un signe :
Laissez passer Caïn ! Il appartient à Dieu.
Jersey, octobre 1852.
Remarques
Sacer esto signifie « Qu’il soit maudit » et aussi « Qu’il soit sacré ». Victor Hugo livre ici sa répulsion absolue, même contre les plus grands criminels, de la peine de mort.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/07/sacer-esto-religion-chatiments.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-07-24 10:09:292018-06-14 10:19:58I. Sacer esto
Châtiments – Livre VI – La Stabilité est assurée ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 163.
Floréal – Enregistrement
Je vous invite à écouter le poème Floréal, du Livre VI – La Stabilité est assurée, du recueil Châtiments, de Victor Hugo.
Floréal
Floréal – Le texte
XIV
Floréal
Au retour des beaux jours, dans ce vert floréal
Où meurent les Danton trahis par les Réal,
Quand l’étable s’agite au fond des métairies,
Quand l’eau vive au soleil se change en pierreries,
Quand la grisette assise, une aiguille à la main,
Soupire, et, de côté regardant le chemin,
Voudrait aller cueillir des fleurs au lieu de coudre,
Quand les nids font l’amour, quand le pommier se poudre
Pour le printemps ainsi qu’un marquis pour le bal,
Quand, par mai réveillés, Charles douze, Annibal,
Disent : c’est l’heure ! et font vers les sanglants tumultes
Rouler, l’un les canons, l’autre les catapultes ;
Moi, je crie : ô soleil ! salut ! parmi les fleurs
J’entends les gais pinsons et les merles siffleurs ;
L’arbre chante ; j’accours ; ô printemps ! on vit double ;
Gallus entraîne au bois Lycoris qui se trouble ;
Tout rayonne ; et le ciel, couvant l’homme enchanté,
N’est plus qu’un grand regard plein de sérénité !
Alors l’herbe m’invite et le pré me convie ;
Alors j’absous le sort, je pardonne à la vie,
Et je dis : Pourquoi faire autre chose qu’aimer ?
Je sens, comme au dehors, tout en moi s’animer,
Et je dis aux oiseaux : petits oiseaux, vous n’êtes
Que des chardonnerets et des bergeronnettes,
Vous ne me connaissez pas même, vous allez
Au hasard dans les champs, dans les bois, dans les blés,
Pêle-mêle, pluviers, grimpereaux, hochequeues,
Dressant vos huppes d’or, lissant vos plumes bleues ;
Vous êtes, quoique beaux, très bêtes ; votre loi,
C’est d’errer ; vous chantez en l’air sans savoir quoi ;
Eh bien, vous m’inondez d’émotions sacrées !
Et quand je vous entends sur les branches dorées,
Oiseaux, mon aile s’ouvre, et mon cœur rajeuni
Boit à l’amour sans fond et s’emplit d’infini ! –
Et je me laisse aller aux longues rêveries.
Ô feuilles d’arbre ! oubli ! bœufs mugissants ! prairies !
Mais dans ces moments-là, tu le sais, Juvénal,
Qu’il sorte par hasard de ma poche un journal,
Et que mon œil distrait, qui vers les cieux remonte,
Heurte l’un de ces noms qui veulent dire : honte,
Alors toute l’horreur revient ; dans les bois verts
Némésis m’apparaît et me montre, à travers
Les rameaux et les fleurs, sa gorge de furie.
C’est que tu veux tout l’homme, ô devoir ! ô patrie !
C’est que lorsque ton flanc saigne, ô France, tu veux
Que l’angoisse nous tienne et dresse nos cheveux,
Que nous ne regardions plus autre chose au monde,
Et que notre œil, noyé dans la pitié profonde,
Cesse de voir les cieux pour ne voir que ton sang !
Et je me lève, et tout s’efface, et, frémissant,
Je n’ai plus sous les yeux qu’un peuple à la torture,
Crimes sans châtiment, griefs sans sépulture,
Les géants garrottés livrés aux avortons,
Femmes dans les cachots, enfants dans les pontons,
Bagnes, sénats, proscrits, cadavres, gémonies ;
Alors, foulant aux pieds toutes les fleurs ternies,
Je m’enfuis, et je dis à ce soleil si doux :
Je veux l’ombre ! et je crie aux oiseaux : taisez-vous !
Et je pleure ! et la strophe, éclose de ma bouche,
Bat mon front orageux de son aile farouche.
Ainsi pas de printemps ! ainsi pas de ciel bleu !
Ô bandits, et toi, fils d’Hortense de Saint-Leu,
Soyez maudits, d’abord d’être ce que vous êtes,
Et puis soyez maudits d’obséder les poëtes !
Soyez maudits, Troplong, Fould, Magnan, Faustin deux,
De faire au penseur triste un cortège hideux,
De le suivre au désert, dans les champs, sous les ormes,
De mêler aux forêts vos figures difformes !
Soyez maudits, bourreaux qui lui masquez le jour,
D’emplir de haine un cœur qui déborde d’amour !
Le chant de ceux qui s’en vont sur mer – Les références
Châtiments – Livre V – L’Autorité est sacrée ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 118.
Le chant de ceux qui s’en vont sur mer – Enregistrement
Je vous invite à écouter le poème Le chant de ceux qui s’en vont sur mer, du Livre V – L’Autorité est sacrée, du recueil Châtiments, de Victor Hugo.
Il est précédé de Le Progrès, calme et fort et toujours innocent….
Le chant de ceux qui s’en vont sur mer
Le chant de ceux qui s’en vont sur mer – Le texte
IX
Le chant de ceux qui s’en vont sur mer
— Air Breton —
Adieu, patrie !
L’onde est en furie.
Adieu, patrie,
Azur !
Adieu, maison, treille au fruit mûr,
Adieu, les fleurs d’or du vieux mur !
Adieu, patrie !
L’onde est en furie.
Adieu, patrie,
Azur !
Notre œil, que voile un deuil futur,
Va du flot sombre au sort obscur !
Adieu, patrie !
Pour toi mon cœur prie.
Adieu, patrie,
Azur !
En mer, 1er août 1852
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/07/le-chant-de-ceux-autorite-chatiments.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-07-15 10:31:172018-06-14 10:20:01IX. Le chant de ceux qui s'en vont sur mer
Ah ! Vous voulez la lune ? Où ? Dans le fond du puits ?… – Les références
L’Art d’être grand-père – III. La Lune ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 737.
Ah ! Vous voulez la lune ? Où ? Dans le fond du puits ?… – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Ah ! Vous voulez la lune ? Où ? Dans le fond du puits ?…, troisième poème de la partie III. La Lune, du recueil L’Art d’être grand-père, de Victor Hugo.
Il est précédé de Choses du soir et suivi de — Oh ! comme ils sont goulus ! dit la mère parfois….
Ah ! Vous voulez la lune ? Où ? Dans le fond du puits ?…
Ah ! Vous voulez la lune ? Où ? Dans le fond du puits ?… – Le texte
III
Ah ! vous voulez la lune ? Où ? dans le fond du puits ?
Non ; dans le ciel. Eh bien, essayons. Je ne puis.
Et c’est ainsi toujours. Chers petits, il vous passe
Par l’esprit de vouloir la lune, et dans l’espace
J’étends mes mains, tâchant de prendre au vol Phoebé.
L’adorable hasard d’être aïeul est tombé
Sur ma tête, et m’a fait une douce fêlure.
Je sens en vous voyant que le sort put m’exclure
Du bonheur, sans m’avoir tout à fait abattu.
Mais causons. Voyez-vous, vois-tu, Georges, vois-tu,
Jeanne ? Dieu nous connaît, et sait ce qu’ose faire
Un aïeul, car il est lui-même un peu grand-père ;
Le bon Dieu, qui toujours contre nous se défend,
Craint ceci : le vieillard qui veut plaire à l’enfant ;
Il sait que c’est ma loi qui sort de votre bouche,
Et que j’obéirais ; il ne veut pas qu’on touche
Aux étoiles, et c’est pour en être bien sûr
Qu’il les accroche aux clous les plus hauts de l’azur.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/06/ah-vous-voulez-la-lune-art.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-06-21 18:37:192018-06-14 10:20:11III. Ah ! Vous voulez la lune ? Où ? Dans le fond du puits ?...
Jeanne songeait, sur l’herbe assise, grave et rose… – Les références
L’Art d’être grand-père – III. La Lune ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 735.
Jeanne songeait, sur l’herbe assise, grave et rose… – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Jeanne songeait, sur l’herbe assise, grave et rose…, premier poème de la partie III. La Lune, du recueil L’Art d’être grand-père, de Victor Hugo.
Il est suivi de Choses du soir.
Jeanne songeait, sur l’herbe assise, grave et rose…
Jeanne songeait, sur l’herbe assise, grave et rose… – Le texte
I
Jeanne songeait, sur l’herbe assise, grave et rose ;
Je m’approchai : — Dis-moi si tu veux quelque chose,
Jeanne ? — car j’obéis à ces charmants amours,
Je les guette, et je cherche à comprendre toujours
Tout ce qui peut passer par ces divines têtes.
Jeanne m’a répondu : — Je voudrais voir des bêtes.
Alors je lui montrai dans l’herbe une fourmi.
— Vois ! — mais Jeanne ne fut contente qu’à demi.
— Non, les bêtes, c’est gros, me dit-elle.
Leur rêve,
C’est le grand. L’Océan les attire à sa grève,
Les berçant de son chant rauque, et les captivant
Par l’ombre, et par la fuite effrayante du vent ;
Ils aiment l’épouvante, il leur faut le prodige.
— Je n’ai pas d’éléphant sous la main, répondis-je.
Veux-tu quelque autre chose ? ô Jeanne, on te le doit !
Parle. — Alors Jeanne au ciel leva son petit doigt.
— Ça, dit-elle. — C’était l’heure où le soir commence.
Je vis à l’horizon surgir la lune immense.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/06/jeanne-songeait-lune-art.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-06-19 11:14:322018-06-14 10:20:12I. Jeanne songeait, sur l'herbe assise, grave et rose...
L’Art d’être grand-père – II. Jeanne endormie ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 731.
La sieste – L’enregistrement
Je vous invite à écouter La sieste, premier et seul poème de la partie II. Jeanne endormie, du recueil L’Art d’être grand-père, de Victor Hugo.
La sieste
La sieste – Le texte
I
La sieste
Elle fait au milieu du jour son petit somme ;
Car l’enfant a besoin du rêve plus que l’homme,
Cette terre est si laide alors qu’on vient du ciel !
L’enfant cherche à revoir Chérubin, Ariel,
Ses camarades, Puck, Titania, les fées,
Et ses mains quand il dort sont par Dieu réchauffées.
Oh ! comme nous serions surpris si nous voyions,
Au fond de ce sommeil sacré, plein de rayons,
Ces paradis ouverts dans l’ombre, et ces passages
D’étoiles qui font signe aux enfants d’être sages,
Ces apparitions, ces éblouissements !
Donc, à l’heure où les feux du soleil sont calmants,
Quand toute la nature écoute et se recueille,
Vers midi, quand les nids se taisent, quand la feuille
La plus tremblante oublie un instant de frémir,
Jeanne a cette habitude aimable de dormir ;
Et la mère un moment respire et se repose,
Car on se lasse, même à servir une rose.
Ses beaux petits pieds nus dont le pas est peu sûr
Dorment ; et son berceau, qu’entoure un vague azur
Ainsi qu’une auréole entoure une immortelle,
Semble un nuage fait avec de la dentelle ;
On croit, en la voyant dans ce frais berceau-là,
Voir une lueur rose au fond d’un falbala ;
On la contemple, on rit, on sent fuir la tristesse,
Et c’est un astre, ayant de plus la petitesse ;
L’ombre, amoureuse d’elle, a l’air de l’adorer ;
Le vent retient son souffle et n’ose respirer.
Soudain, dans l’humble et chaste alcôve maternelle,
Versant tout le matin qu’elle a dans sa prunelle,
Elle ouvre la paupière, étend un bras charmant,
Agite un pied, puis l’autre, et, si divinement
Que des fronts dans l’azur se penchent pour l’entendre,
Elle gazouille… — Alors, de sa voix la plus tendre,
Couvant des yeux l’enfant que Dieu fait rayonner,
Cherchant le plus doux nom qu’elle puisse donner
À sa joie, à son ange en fleur, à sa chimère :
— Te voilà réveillée, horreur ! lui dit sa mère.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/06/lasieste-endormie-art.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-06-18 21:31:322018-06-14 10:20:12I. La sieste
Tout rayonne, tout luit, tout aime, tout est doux ;
Les oiseaux semblent d’air et de lumière fous ;
L’âme dans l’infini croit voir un grand sourire.
À quoi bon exiler, rois ? à quoi bon proscrire ?
Proscrivez-vous l’été ? m’exilez-vous des fleurs ?
Pouvez-vous empêcher les souffles, les chaleurs,
Les clartés, d’être là, sans joug, sans fin, sans nombre,
Et de me faire fête, à moi banni, dans l’ombre ?
Pouvez-vous m’amoindrir les grands flots haletants,
L’océan, la joyeuse écume, le printemps
Jetant les parfums comme un prodigue en démence,
Et m’ôter un rayon de ce soleil immense ?
Non. Et je vous pardonne. Allez, trônez, vivez,
Et tâchez d’être rois longtemps, si vous pouvez.
Moi, pendant ce temps-là, je maraude, et je cueille,
Comme vous un empire, un brin de chèvrefeuille,
Et je l’emporte, ayant pour conquête une fleur.
Quand, au-dessus de moi, dans l’arbre, un querelleur,
Un mâle, cherche noise à sa douce femelle,
Ce n’est pas mon affaire et pourtant je m’en mêle,
Je dis : Paix là, messieurs les oiseaux, dans les bois !
Je les réconcilie avec ma grosse voix ;
Un peu de peur qu’on fait aux amants les rapproche.
Je n’ai point de ruisseau, de torrent, ni de roche ;
Mon gazon est étroit, et, tout près de la mer,
Mon bassin n’est pas grand, mais il n’est pas amer.
Ce coin de terre est humble et me plaît ; car l’espace
Est sur ma tête, et l’astre y brille, et l’aigle y passe,
Et le vaste Borée y plane éperdument.
Ce parterre modeste et ce haut firmament
Sont à moi ; ces bouquets, ces feuillages, cette herbe
M’aiment, et je sens croître en moi l’oubli superbe.
Je voudrais bien savoir comment je m’y prendrais
Pour me souvenir, moi l’hôte de ces forêts,
Qu’il est quelqu’un, là-bas, au loin, sur cette terre,
Qui s’amuse à proscrire, et règne, et fait la guerre,
Puisque je suis là seul devant l’immensité,
Et puisqu’ayant sur moi le profond ciel d’été
Où le vent souffle avec la douceur d’une lyre,
J’entends dans le jardin les petits enfants rire.