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Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente "le toit d'une pauvre demeure", dans laquelle un couple vitupère.

XVIII. Intérieur

Intérieur – Les références

Les ContemplationsLivre troisième : Les Luttes et les rêves ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 355.

Intérieur – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Intérieur, un poème du recueil Les Contemplations, Les Luttes et les rêves, de Victor Hugo.
Il est précédé de XVII. Chose vue un jour de printemps et suivi de XIX. Baraques de la foire.

Intérieur


Intérieur – Le texte

XVIII
Intérieur


La querelle irritée, amère, à l’œil ardent,
Vipère dont la haine empoisonne la dent,
Siffle et trouble le toit d’une pauvre demeure.
Les mots heurtent les mots. L’enfant s’effraie et pleure.
La femme et le mari laissent l’enfant crier.

— D’où viens-tu ? — Qu’as-tu fait ? — Oh ! mauvais ouvrier !
Il vit dans la débauche et mourra sur la paille.
— Femme vaine et sans cœur qui jamais ne travaille !
— Tu sors du cabaret ? — Quelque amant est venu ?
— L’enfant pleure, l’enfant a faim, l’enfant est nu.
Pas de pain. — Elle a peur de salir ses mains blanches !
— Où cours-tu tous les jours ? — Et toi, tous les dimanches ?
— Va boire ! — Va danser ! — Il n’a ni feu ni lieu !
— Ta fille seulement ne sait pas prier Dieu !
— Et ta mère, bandit, c’est toi qui l’as tuée !
— Paix ! — Silence, assassin ! — Tais-toi, prostituée ! —

Un beau soleil couchant, empourprant le taudis,
Embrasait la fenêtre et le plafond, tandis
Que ce couple hideux, que rend deux fois infâme
La misère du cœur et la laideur de l’âme,
Étalait son ulcère et ses difformités
Sans honte, et sans pudeur montrait ses nudités.
Et leur vitre, où pendait un vieux haillon de toile,
Était, grâce au soleil, une éclatante étoile
Qui, dans ce même instant, vive et pure lueur,
Éblouissait au loin quelque passant rêveur !

Septembre 1841.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un astre sortant de l'ombre d'où il est issu, et y retournant.

XII. Explication

Explication – Les références

Les ContemplationsLivre troisième : Les Luttes et les rêves ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 346.

Explication – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Explication, un poème du recueil Les Contemplations, du livre Les Luttes et les rêves, de Victor Hugo.
Il est précédé de XI. ? et suivi de XIII. La Chouette.

Explication


Explication – Le texte

XII
Explication


La terre est au soleil ce que l’homme est à l’ange.
L’un est fait de splendeur ; l’autre est pétri de fange.
Toute étoile est soleil ; tout astre est paradis.
Autour des globes purs sont les mondes maudits ;
Et dans l’ombre, où l’esprit voit mieux que la lunette,
Le soleil paradis traîne l’enfer planète.
L’ange habitant de l’astre est faillible ; et, séduit,
Il peut devenir l’homme habitant de la nuit.
Voilà ce que le vent m’a dit sur la montagne.

Tout globe obscur gémit ; toute terre est un bagne
Où la vie en pleurant, jusqu’au jour du réveil,
Vient écrouer l’esprit qui tombe du soleil.
Plus le globe est lointain, plus le bagne est terrible.
La mort est là, vannant les âmes dans un crible,
Qui juge, et, de la vie invisible témoin,
Rapporte l’ange à l’astre ou le jette plus loin.

Ô globes sans rayons et presque sans aurores !
Énorme Jupiter fouetté de météores,
Mars qui semble de loin la bouche d’un volcan,
Ô nocturne Uranus, ô Saturne au carcan !
Châtiments inconnus ! rédemptions ! mystères !
Deuils ! ô lunes encor plus mortes que les terres !
Il souffrent ; ils sont noirs ; et qui sait ce qu’ils font ?
L’ombre entend par moments leur cri rauque et profond,
Comme on entend, le soir, la plainte des cigales.
Mondes spectres, tirant des chaînes inégales,
Ils vont, blêmes, pareils au rêve qui s’enfuit.
Rougis confusément d’un reflet dans la nuit,
Implorant un messie, espérant des apôtres,
Seuls, séparés, les uns en arrière des autres,
Tristes, échevelés par des souffles hagards,
Jetant à la clarté de farouches regards,
Ceux-ci, vagues, roulant dans les profondeurs mornes,
Ceux-là, presque engloutis dans l’infini sans bornes,
Ténébreux, frissonnants, froids, glacés, pluvieux,
Autour du paradis ils tournent envieux ;
Et, du soleil, parmi les brumes et les ombres,
On voit passer au loin toutes ces faces sombres.

Novembre 1840.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente l'horizon, et le soleil vu par une marguerite.

XXV. Unité

Unité – Les références

Les contemplationsLivre premier : Aurore ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 290.

Unité – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Unité, un poème des Contemplations, Aurore, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXIV. Heureux l’homme, occupé et suivi de XXVI. Quelques mots à un autre.

Unité


Unité – Le texte

XXV
Unité


Par-dessus l’horizon aux collines brunies,
Le soleil, cette fleur des splendeurs infinies,
Se penchait sur la terre à l’heure du couchant ;
Une humble marguerite, éclose au bord d’un champ,
Sur un mur gris, croulant parmi l’avoine folle,
Blanche, épanouissait sa candide auréole ;
Et la petite fleur, par-dessus le vieux mur,
Regardait fixement, dans l’éternel azur,
Le grand astre épanchant sa lumière immortelle.
« Et moi, j’ai des rayons aussi ! » lui disait-elle.

Granville, juillet 1836.