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Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente une maison entourée d'ombres et de dentelles (celles de l'art dans la pensée ?).

XVII. À M. Froment Meurice

À M. Froment Meurice – Les références

Les contemplationsLivre premier : Aurore ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 283.

À M. Froment Meurice – L’enregistrement

Je vous invite à écouter À M. Froment Meurice, un poème des Contemplations, Aurore, de Victor Hugo.
Il est précédé de XVI. Vers 1820 et suivi de XVIII. Les oiseaux.

À M. Froment Meurice


À M. Froment Meurice – Le texte

XVII
À M. Froment Meurice


Nous sommes frères : la fleur
Par deux arts peut être faite.
Le poëte est ciseleur,
Le ciseleur est poëte.

Poëtes ou ciseleurs,
Par nous l’esprit se révèle.
Nous rendons les bons meilleurs,
Tu rends la beauté plus belle.

Sur son bras ou sur son cou,
Tu fais de tes rêveries,
Statuaire du bijou,
Des palais de pierreries !

Ne dis pas : « Mon art n’est rien… »
Sors de la route tracée,
Ouvrier magicien,
Et mêle à l’or la pensée !

Tous les penseurs, sans chercher
Qui finit ou qui commence,
Sculptent le même rocher.
Ce rocher, c’est l’art immense.

Michel-Ange, grand vieillard,
En larges blocs qu’il nous jette,
Le fait jaillir au hasard ;
Benvenuto nous l’émiette.

Et, devant l’art infini,
Dont jamais la loi ne change,
La miette de Cellini
Vaut le bloc de Michel-Ange.

Tout est grand. Sombre ou vermeil,
Tout feu qui brille est une âme.
L’étoile vaut le soleil ;
L’étincelle vaut la flamme.

Paris, octobre 1841.

Remarques

François-Désiré Froment-Meurice, demi-frère de Paul Meurice, était un orfèvre très réputé. Ce poème fut écrit à sa mémoire.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo, flou, représente un homme au tronc minuscule et aux membres démesurés, possédant trois paires d'yeux, dont deux sur la tête et une, verticale, dans le corps.

XXV. L’enfant, voyant l’aïeule…

L’enfant, voyant l’aïeule… – Les références

Les ContemplationsLivre troisième : Les Luttes et le rêves ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 364.

L’enfant, voyant l’aïeule… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter L’enfant, voyant l’aïeule…, un très court poème du recueil Les Contemplations, Les Luttes et les rêves, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXIV. Aux arbres et suivi de XXVI. Joies du soir.

L’enfant, voyant l’aïeule…


L’enfant, voyant l’aïeule… – Le texte

XXV


L’enfant, voyant l’aïeule à filer occupée,
Veut faire une quenouille à sa grande poupée.
L’aïeule s’assoupit un peu ; c’est le moment.
L’enfant vient par derrière et tire doucement
Un brin de la quenouille où le fuseau tournoie,
Puis s’enfuit triomphante, emportant avec joie
La belle laine d’or que le safran jaunit,
Autant qu’en pourrait prendre un oiseau pour son nid.

Cauteretz, août 1843.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un cœur formé par trois arbres enlacés.

XVII. Sous les arbres

Sous les arbres – Les références

Les ContemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 312.

Sous les arbres – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Sous les arbres, un poème du recueil Les Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de XVI. L’hirondelle au printemps… et suivi de XVIII. Je sais bien qu’il est d’usage….

Sous les arbres


Sous les arbres – Le texte

XVII
Sous les arbres


Ils marchaient à côté l’un de l’autre ; des danses
Troublaient le bois joyeux ; ils marchaient, s’arrêtaient,
Parlaient, s’interrompaient, et, pendant les silences,
Leurs bouches se taisant, leurs âmes chuchotaient.

Ils songeaient ; ces deux cœurs, que le mystère écoute,
Sur la création au sourire innocent
Penchés, et s’y versant dans l’ombre goutte à goutte,
Disaient à chaque fleur quelque chose en passant.

Elle sait tous les noms des fleurs qu’en sa corbeille
Mai nous rapporte avec la joie et les beaux jours ;
Elle les lui nommait comme eût fait une abeille,
Puis elle reprenait : « Parlons de nos amours.

« Je suis en haut, je suis en bas, lui disait-elle,
« Et je veille sur vous, d’en bas comme d’en haut. »
Il demandait comment chaque plante s’appelle,
Se faisant expliquer le printemps mot à mot.

Ô champs ! il savourait ces fleurs et cette femme.
Ô bois ! ô prés ! nature où tout s’absorbe en un,
Le parfum de la fleur est votre petite âme,
Et l’âme de la femme est votre grand parfum !

La nuit tombait ; au tronc d’un chêne, noir pilastre,
Il s’adossait pensif ; elle disait : « Voyez
« Ma prière toujours dans vos cieux comme un astre,
« Et mon amour toujours comme un chien à tes pieds. »

Juin 18..

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente les ombres torturées des douleurs et des combats d'une mère.

XIV. À la mère de l’enfant mort

À la mère de l’enfant mort – Les références

Les ContemplationsLivre troisième : Les Luttes et le rêves ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 349.

À la mère de l’enfant mort – L’enregistrement

Je vous invite à écouter À la mère de l’enfant mort, un poème du recueil Les Contemplations, Les Luttes et les rêves, de Victor Hugo.
Il est précédé de XIII. La Chouette et suivi de XV. Épitaphe.

À la mère de l’enfant mort


À la mère de l’enfant mort – Le texte

XIV
À la mère de l’enfant mort


Oh ! vous aurez trop dit au pauvre petit ange
Qu’il est d’autres anges là-haut,
Que rien ne souffre au ciel, que jamais rien n’y change,
Qu’il est doux d’y rentrer bientôt ;

Que le ciel est un dôme aux merveilleux pilastres,
Une tente aux riches couleurs,
Un jardin bleu rempli de lys qui sont des astres,
Et d’étoiles qui sont des fleurs ;

Que c’est un lieu joyeux plus qu’on ne saurait dire,
Où toujours, se laissant charmer,
On a les chérubins pour jouer et pour rire,
Et le bon Dieu pour nous aimer ;

Qu’il est doux d’être un cœur qui brûle comme un cierge,
Et de vivre, en toute saison,
Près de l’enfant Jésus et de la Sainte Vierge
Dans une si belle maison !

Et puis vous n’aurez pas assez dit, pauvre mère,
À ce fils si frêle et si doux,
Que vous étiez à lui dans cette vie amère,
Mais aussi qu’il était à vous ;

Que, tant qu’on est petit, la mère sur nous veille,
Mais que plus tard on la défend ;
Et qu’elle aura besoin, quand elle sera vieille,
D’un homme qui soit son enfant ;

Vous n’aurez point assez dit à cette jeune âme
Que Dieu veut qu’on reste ici-bas,
La femme guidant l’homme et l’homme aidant la femme,
Pour les douleurs et les combats ;

Si bien qu’un jour, ô deuil ! irréparable perte !
Le doux être s’en est allé !… —
Hélas ! vous avez donc laissé la cage ouverte,
Que votre oiseau s’est envolé !

Avril 1843.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente des ombres torturées de l'abîme de la nature, ou du cœur d'une mère.

XV. Épitaphe

Épitaphe – Les références

Les ContemplationsLivre troisième : Les Luttes et les rêves ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 350.

Épitaphe – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Épitaphe, un court poème du recueil Les Contemplations, Les Luttes et les rêves, de Victor Hugo.
Il est précédé de XIV. À la mère de l’enfant mort et suivi de XVI. Le Maître d’études.

Épitaphe


Épitaphe – Le texte

XV
Épitaphe


Il vivait, il jouait, riante créature.
Que te sert d’avoir pris cet enfant, ô nature ?
N’as-tu pas les oiseaux peints de mille couleurs,
Les astres, les grands bois, le ciel bleu, l’onde amère ?
Que te sert d’avoir pris cet enfant à sa mère
Et de l’avoir caché sous des touffes de fleurs ?

Pour cet enfant de plus tu n’es pas plus peuplée,
Tu n’es pas plus joyeuse, ô nature étoilée !
Et le cœur de la mère en proie à tant de soins,
Ce cœur où toute joie engendre une torture,
Cet abîme aussi grand que toi-même, ô nature,
Est vide et désolé pour cet enfant de moins !

Mai 1843.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente, en douces ondulations sable, "la chanson des amours".

XIII. Viens ! – une flûte invisible…

Viens ! – une flûte invisible… – Les références

Les ContemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 309.

Viens ! – une flûte invisible… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Viens ! – une flûte invisible…, un poème du recueil Les Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de XII. Églogue et suivi de XIV. Billet du matin.

Viens ! – une flûte invisible…


Viens ! – une flûte invisible… – Le texte

XIII


Viens ! — une flûte invisible
Soupire dans les vergers. —
La chanson la plus paisible
Est la chanson des bergers.

Le vent ride, sous l’yeuse,
Le sombre miroir des eaux. —
La chanson la plus joyeuse
Est la chanson des oiseaux.

Que nul soin ne te tourmente.
Aimons-nous ! aimons toujours ! —
La chanson la plus charmante
Est la chanson des amours.

Les Metz, août 18..

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente une maison "petite avec des fleurs", perchée sur une colline et entourée d'arbres.

XXI. Il lui disait : « Vois-tu…

Il lui disait : « Vois-tu… – Les références

Les ContemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 317.

Il lui disait : « Vois-tu… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Il lui disait : « Vois-tu…, un poème du recueil Les Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de XX. Il fait froid et suivi de XXII. Aimons toujours ! aimons encore !….

Il lui disait : « Vois-tu…


Il lui disait : « Vois-tu… – Le texte

XXI


Il lui disait : « Vois-tu, si tous deux nous pouvions,
« L’âme pleine de foi, le cœur plein de rayons,
« Ivres de douce extase et de mélancolie,
« Rompre les mille nœuds dont la ville nous lie ;
« Si nous pouvions quitter ce Paris triste et fou,
« Nous fuirions ; nous irions quelque part, n’importe où,
« Chercher, loin des vains bruits, loin des haines jalouses,
« Un coin où nous aurions des arbres, des pelouses,
« Une maison petite avec des fleurs, un peu
« De solitude, un peu de silence, un ciel bleu,
« La chanson d’un oiseau qui sur le toit se pose,
« De l’ombre ; — et quel besoin avons-nous d’autre chose ? »

Juillet 18..

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente l'arche d'un pont avec les silhouettes d'un château sur une île et d'un voilier.

XXIV. Que le sort, quel qu’il soit…

Que le sort, quel qu’il soit… – Les références

Les ContemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 320.

Que le sort, quel qu’il soit… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Que le sort, quel qu’il soit…, un poème du recueil Les Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXIII. Après l’hiver et suivi de XXV. Je respire où tu palpites….

Que le sort, quel qu’il soit…


Que le sort, quel qu’il soit… – Le texte

XXIV


Que le sort, quel qu’il soit, vous trouve toujours grande !
Que demain soit doux comme hier !
Qu’en vous, ô ma beauté, jamais ne se répande
Le découragement amer,
Ni le fiel, ni l’ennui des cœurs qui se dénouent,
Ni cette cendre, hélas ! que sur un front pâli,
Dans l’ombre, à petit bruit secouent
Les froides ailes de l’oubli !
Laissez, laissez brûler pour vous, ô vous que j’aime,
Mes chants dans mon âme allumés !
Vivez pour la nature, et le ciel, et moi-même !
Après avoir souffert, aimez !
Laissez entrer en vous, après nos deuils funèbres,
L’aube, fille des nuits, l’amour, fils des douleurs,
Tout ce qui luit dans les ténèbres,
Tout ce qui sourit dans les pleurs !

Octobre 18..

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente le sommet d'un arbre, nichée des petits oiseaux.

XXVII. La nichée sous le portail

La nichée sous le portail – Les références

Les ContemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 324.

La nichée sous le portail – L’enregistrement

Je vous invite à écouter La nichée sous le portail, un poème du recueil Les Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXVI. Crépuscule et suivi de XXVIII. Un soir que je regardais le ciel.

La nichée sous le portail


La nichée sous le portail – Le texte

XXVII
La nichée sous le portail


Oui, va prier à l’église,
Va ; mais regarde en passant,
Sous la vieille voûte grise,
Ce petit nid innocent.

Aux grands temples où l’on prie,
Le martinet, frais et pur,
Suspend la maçonnerie
Qui contient le plus d’azur.

La couvée est dans la mousse
Du portail qui s’attendrit ;
Elle sent la chaleur douce
Des ailes de Jésus-Christ.

L’église, où l’ombre flamboie,
Vibre, émue à ce doux bruit ;
Les oiseaux sont pleins de joie,
La pierre est pleine de nuit.

Les saints, graves personnages,
Sous les porches palpitants,
Aiment ces doux voisinages
Du baiser et du printemps.

Les vierges et les prophètes
Se penchent dans l’âpre tour
Sur ces ruches d’oiseaux faites
Pour le divin miel amour.

L’oiseau se perche sur l’ange ;
L’apôtre rit sous l’arceau.
« Bonjour, saint ! » dit la mésange.
Le saint dit : « Bonjour, oiseau ! »

Les cathédrales sont belles
Et hautes sous le ciel bleu ;
Mais le nid des hirondelles
Est l’édifice de Dieu.

Lagny, juin 183..

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un arbre, refuge des oiseaux.

IX. En écoutant les oiseaux

En écoutant les oiseaux – Les références

Les ContemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 306.

En écoutant les oiseaux – L’enregistrement

Je vous invite à écouter En écoutant les oiseaux, un poème du recueil Les Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de VIII. Tu peux, comme il te plaît… et suivi de X. Mon bras pressait ta taille frêle….

En écoutant les oiseaux


En écoutant les oiseaux – Le texte

IX
En écoutant les oiseaux


Oh ! Quand donc aurez-vous fini, petits oiseaux,
De jaser au milieu des branches et des eaux,
Que nous nous expliquions et que je vous querelle ?
Rouge-gorge, verdier, fauvette, tourterelle,
Oiseaux, je vous entends, je vous connais. Sachez
Que je ne suis pas dupe, ô doux ténors cachés,
De votre mélodie et de votre langage.
Celle que j’aime est loin et pense à moi ; je gage,
Ô rossignol dont l’hymne, exquis et gracieux,
Donne un frémissement à l’astre dans les cieux,
Que ce que tu dis là, c’est le chant de son âme.
Vous guettez les soupirs de l’homme et de la femme,
Oiseaux ; quand nous aimons et quand nous triomphons,
Quand notre être, tout bas, s’exhale en chants profonds,
Vous, attentifs, parmi les bois inaccessibles,
Vous saisissez au vol ces strophes invisibles,
Et vous les répétez tout haut, comme de vous ;
Et vous mêlez, pour rendre encor l’hymne plus doux,
À la chanson des cœurs le battement des ailes ;
Si bien qu’on vous admire, écouteurs infidèles,
Et que le noir sapin murmure aux vieux tilleuls :
« Sont-ils charmants d’avoir trouvé cela tout seuls ! »
Et que l’eau, palpitant sous le chant qui l’effleure,
Baise avec un sanglot le beau saule qui pleure,
Et que le dur tronc d’arbre a des airs attendris,
Et que l’épervier rêve, oubliant la perdrix,
Et que les loups s’en vont songer auprès des louves !
« Divin ! » dit le hibou ; le moineau dit : « Tu trouves ? »
Amour, lorsqu’en nos cœurs tu te réfugias,
L’oiseau vint y puiser ; ce sont ces plagiats,
Ces chants qu’un rossignol, belles, prend sur vos bouches,
Qui font que les grands bois courbent leurs fronts farouches,
Et que les lourds rochers, stupides et ravis,
Se penchent, les laissant piller le chènevis,
Et ne distinguent plus, dans leurs rêves étranges,
La langue des oiseaux de la langue des anges.

Caudebec, septembre 183..