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Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente une campagne paisible près d'un lac. On aperçoit, sur une colline de l'autre rive, des silhouettes de moulins. N'envions rien, semblent-ils dire...

XIX. N’envions rien

N’envions rien – Les références

Les ContemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 314.

N’envions rien – L’enregistrement

Je vous invite à écouter N’envions rien, un poème du recueil Les Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de XVIII. Je sais bien qu’il est d’usage… et suivi de XX. Il fait froid.

N’envions rien


N’envions rien – Le texte

N’envions rien
XIX

Ô femme, pensée aimante
Et cœur souffrant,
Vous trouvez la fleur charmante
Et l’oiseau grand ;

Vous enviez la pelouse
Aux fleurs de miel ;
Vous voulez que je jalouse
L’oiseau du ciel.

Vous dites, beauté superbe
Au front terni,
Regardant tour à tour l’herbe
Et l’infini :

« Leur existence est la bonne.
« Là, tout est beau ;
« Là, sur la fleur qui rayonne,
« Plane l’oiseau.

« Près de vous, aile bénie,
« Lys enchanté,
« Qu’est-ce, hélas ! que le génie
« Et la beauté ?

« Fleur pure, alouette agile,
« À vous le prix !
« Toi, tu dépasses Virgile,
« Toi, Lycoris !

« Quel vol profond dans l’air sombre !
« Quels doux parfums ! — »
Et des pleurs brillent sous l’ombre
De vos cils bruns.

Oui, contemplez l’hirondelle,
Les liserons ;
Mais ne vous plaignez pas, belle,
Car nous mourrons !

Car nous irons dans la sphère
De l’éther pur ;
La femme y sera lumière,
Et l’homme azur ;

Et les roses sont moins belles
Que les houris ;
Et les oiseaux ont moins d’ailes
Que les esprits !

Août 18..

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente le visage de profil d'une jeune femme sur un fond ocre.

VII. Nous allions au verger…

Nous allions au verger… – Les références

Les ContemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 305.

Nous allions au verger… – L’enregistrement

Je vous propose d’écouter Nous allions au verger…, un poème du recueil Les Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de VI. Lettre et suivi de VIII. Tu peux, comme il te plaît….

Nous allions au verger…


Nous allions au verger… – Le texte

VII


Nous allions au verger cueillir des bigarreaux.
Avec ses beaux bras blancs en marbre de Paros,
Elle montait dans l’arbre et courbait une branche ;
Les feuilles frissonnaient au vent ; sa gorge blanche,
O Virgile, ondoyait dans l’ombre et le soleil ;
Ses petits doigts allaient chercher le fruit vermeil,
Semblable au feu qu’on voit dans le buisson qui flambe.
Je montais derrière elle ; elle montrait sa jambe,
Et disait : « Taisez-vous ! » à mes regards ardents,
Et chantait. Par moments, entre ses belles dents,
Pareille, aux chansons près, à Diane farouche,
Penchée, elle m’offrait la cerise à sa bouche ;
Et ma bouche riait, et venait s’y poser,
Et laissait la cerise et prenait le baiser.

Triel, juillet 18..

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente deux êtres (deux âmes ?) qui se croisent dans un cercle dessiné à la main, avec les mots « Sum horor et dolor » inscrits juste en dessous.

XXV. Je respire où tu palpites

Je respire où tu palpites… – Les références

Les ContemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 321.

Je respire où tu palpites… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Je respire où tu palpites…, un poème du recueil Les Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXIV. Que le sort, quel qu’il soit… et suivi de XXVI. Crépuscule.

Je respire où tu palpites…


Je respire où tu palpites… – Autre enregistrement, un an après jour pour jour


Je respire où tu palpites… – Le texte

XXV


Je respire où tu palpites,
Tu sais ; à quoi bon, hélas !
Rester là si tu me quittes,
Et vivre si tu t’en vas ?

À quoi bon vivre, étant l’ombre
De cet ange qui s’enfuit !
À quoi bon, sous le ciel sombre,
N’être plus que de la nuit ?

Je suis la fleur des murailles,
Dont avril est le seul bien.
Il suffit que tu t’en ailles
Pour qu’il ne reste plus rien.

Tu m’entoures d’auréoles ;
Te voir est mon seul souci.
Il suffit que tu t’envoles
Pour que je m’envole aussi.

Si tu pars, mon front se penche ;
Mon âme au ciel, son berceau,
Fuira, car dans ta main blanche
Tu tiens ce sauvage oiseau.

Que veux-tu que je devienne,
Si je n’entends plus ton pas ?
Est-ce ta vie ou la mienne
Qui s’en va ? Je ne sais pas.

Quand mon courage succombe,
J’en reprends dans ton cœur pur ;
Je suis comme la colombe
Qui vient boire au lac d’azur.

L’amour fait comprendre à l’âme
L’univers, sombre et béni ;
Et cette petite flamme
Seule éclaire l’infini.

Sans toi, toute la nature
N’est plus qu’un cachot fermé,
Où je vais à l’aventure,
Pâle et n’étant plus aimé.

Sans toi, tout s’effeuille et tombe,
L’ombre emplit mon noir sourcil,
Une fête est une tombe,
La patrie est un exil.

Je t’implore et te réclame ;
Ne fuis pas loin de mes maux,
Ô fauvette de mon âme
Qui chante dans mes rameaux !

De quoi puis-je avoir envie,
De quoi puis-je avoir effroi,
Que ferai-je de la vie
Si tu n’es plus près de moi ?

Tu portes dans la lumière,
Tu portes dans les buissons,
Sur une aile ma prière,
Et sur l’autre mes chansons.

Que dirai-je aux champs que voile
L’inconsolable douleur ?
Que ferai-je de l’étoile ?
Que ferai-je de la fleur ?

Que dirai-je au bois morose
Qu’illuminait ta douceur ?
Que répondrai-je à la rose
Disant : « Où donc est ma sœur ? »

J’en mourrai ; fuis, si tu l’oses.
À quoi bon, jours révolus !
Regarder toutes ces choses
Qu’elle ne regarde plus ?

Que ferai-je de la lyre,
De la vertu, du destin ?
Hélas ! et, sans ton sourire,
Que ferai-je du matin ?

Que ferai-je, seul, farouche,
Sans toi, du jour et des cieux,
De mes baisers sans ta bouche,
Et de mes pleurs sans tes yeux !

Août 18..

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente l'ombre d'un ange qui apparaît sous la lune, les ailes déployées.

XXII. Aimons toujours ! aimons encore !

Aimons toujours ! aimons encore !… – Les références

Les ContemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 317.

Aimons toujours ! aimons encore !… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Aimons toujours ! aimons encore !…, un poème du recueil Les Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXI. Il lui disait : « Vois-tu… et suivi de XXIII. Après l’hiver.

Aimons toujours ! aimons encore !…


Aimons toujours ! aimons encore !… – Le texte

XXII


Aimons toujours ! aimons encore !
Quand l’amour s’en va, l’espoir fuit.
L’amour, c’est le cri de l’aurore,
L’amour, c’est l’hymne de la nuit.

Ce que le flot dit aux rivages,
Ce que le vent dit aux vieux monts,
Ce que l’astre dit aux nuages,
C’est le mot ineffable : Aimons !

L’amour fait songer, vivre et croire.
Il a, pour réchauffer le cœur,
Un rayon de plus que la gloire,
Et ce rayon, c’est le bonheur !

Aime ! qu’on les loue ou les blâme,
Toujours les grand cœurs aimeront :
Joins cette jeunesse de l’âme
À la jeunesse de ton front !

Aime, afin de charmer tes heures !
Afin qu’on voie en tes beaux yeux
Des voluptés intérieures
Le sourire mystérieux !

Aimons-nous toujours davantage !
Unissons-nous mieux chaque jour.
Les arbres croissent en feuillage ;
Que notre âme croisse en amour !

Soyons le miroir et l’image !
Soyons la fleur et le parfum !
Les amants, qui, seuls sous l’ombrage,
Se sentent deux et ne sont qu’un !

Les poètes cherchent les belles.
La femme, ange aux chastes faveurs,
Aime à rafraîchir sous ses ailes
Ces grand fronts brûlants et rêveurs.

Venez à nous, beautés touchantes !
Viens à moi, toi, mon bien, ma loi !
Ange ! viens à moi quand tu chantes,
Et, quand tu pleures, viens à moi !

Nous seuls comprenons vos extases ;
Car notre esprit n’est point moqueur ;
Car les poètes sont les vases
Où les femmes versent leur cœur.

Moi qui ne cherche dans ce monde
Que la seule réalité,
Moi qui laisse fuir comme l’onde
Tout ce qui n’est que vanité,

Je préfère aux biens dont s’enivre
L’orgueil du soldat ou du roi,
L’ombre que tu fais sur mon livre
Quand ton front se penche sur moi.

Toute ambition allumée
Dans notre esprit, brasier subtil,
Tombe en cendre ou vole en fumée,
Et l’on se dit : « Qu’en reste-t-il ? »

Tout plaisir, fleur à peine éclose
Dans notre avril sombre et terni,
S’effeuille et meurt, lis, myrte ou rose,
Et l’on se dit : « C’est donc fini ! »

L’amour seul reste. Ô noble femme,
Si tu veux dans ce vil séjour,
Garder ta foi, garder ton âme,
Garder ton Dieu, garde l’amour !

Conserve en ton cœur, sans rien craindre,
Dusses-tu pleurer et souffrir,
La flamme qui ne peut s’éteindre
Et la fleur qui ne peut mourir !

Mai 18..

Ce détail de deux dessins de Victor Hugo représente un homme qui marche sur une main, bicorne sur la tête et canne à la main et un buste de femme dans son médaillon apparemment indifférente. L'éternelle chanson ?

IV. Chanson

Chanson – Les références

Les ContemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 303.

Chanson – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Chanson, un poème du recueil Les Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de III. Le Rouet d’Omphale et suivi de V. Hier au soir.

Chanson


Chanson – Le texte

IV
Chanson

Si vous n’avez rien à me dire,
Pourquoi venir auprès de moi ?
Pourquoi me faire ce sourire
Qui tournerait la tête au roi ?
Si vous n’avez rien à me dire,
Pourquoi venir auprès de moi ?

Si vous n’avez rien à m’apprendre,
Pourquoi me pressez-vous la main ?
Sur le rêve angélique et tendre,
Auquel vous songez en chemin,
Si vous n’avez rien à m’apprendre,
Pourquoi me pressez-vous la main ?

Si vous voulez que je m’en aille,
Pourquoi passez-vous par ici ?
Lorsque je vous vois, je tressaille :
C’est ma joie et c’est mon souci.
Si vous voulez que je m’en aille,
Pourquoi passez-vous par ici ?

Mai 18..

Détail d'un dessin de Victor Hugo : D'une clairière dans les sous-bois, une barque à voile s'éloigne dans le crépuscule. En bas à doite, la signature : V. HUGO.

XXVI. Crépuscule

Crépuscule – Les références

Les ContemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 323.

Crépuscule – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Crépuscule, un poème du recueil Les Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXV. Je respire où tu palpites… et suivi de XXVII. La nichée sous le portail.

Crépuscule


Crépuscule – Le texte

XXVI
Crépuscule

L’étang mystérieux, suaire aux blanches moires,
Frissonne ; au fond du bois, la clairière apparaît ;
Les arbres sont profonds et les branches sont noires ;
Avez-vous vu Vénus à travers la forêt ?

Avez-vous vu Vénus au sommet des collines ?
Vous qui passez dans l’ombre, êtes-vous des amants ?
Les sentiers bruns sont pleins de blanches mousselines ;
L’herbe s’éveille et parle aux sépulcres dormants.

Que dit-il, le brin d’herbe ? et que répond la tombe ?
Aimez, vous qui vivez ! on a froid sous les ifs.
Lèvre, cherche la bouche ! aimez-vous ! la nuit tombe ;
Soyez heureux pendant que nous sommes pensifs.

Dieu veut qu’on ait aimé. Vivez ! faites envie,
Ô couples qui passez sous le vert coudrier.
Tout ce que dans la tombe, en sortant de la vie,
On emporta d’amour, on l’emploie à prier.

Les mortes d’aujourd’hui furent jadis les belles.
Le ver luisant dans l’ombre erre avec son flambeau.
Le vent fait tressaillir, au milieu des javelles,
Le brin d’herbe et Dieu fait tressaillir le tombeau.

La forme d’un toit noir dessine une chaumière ;
On entend dans les prés le pas lourd du faucheur ;
L’étoile aux cieux, ainsi qu’une fleur de lumière,
Ouvre et fait rayonner sa splendide fraîcheur.

Aimez-vous ! c’est le mois où les fraises sont mûres.
L’ange du soir rêveur, qui flotte dans les vents,
Mêle, en les emportant sur ses ailes obscures,
Les prières des morts aux baisers des vivants.

Chelles, août 18..

D'un amoncellement de couvertures et d'oreillers émerge le visage blanc d'une femme rousse, tel un petit billet du matin.

XIV – Billet du matin

Billet du matin – Les références

Les contemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 310.

Billet du matin – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Billet du matin, un poème des Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de XIII. Viens ! — une flûte invisible… et suivi de XV. Paroles dans l’ombre.

Billet du matin

Billet du matin – Le texte

XIV

Si les liens des cœurs ne sont pas des mensonges,
Oh ! dites, vous devez avoir eu de doux songes,
Je n’ai fait que rêver de vous toute la nuit.
Et nous nous aimions tant ! vous me disiez : « Tout fuit,
— Tout s’éteint, tout s’en va; ta seule image reste. »
Nous devions être morts dans ce rêve céleste ;
Il semblait que c’était déjà le paradis.
Oh ! oui, nous étions morts, bien sûr; je vous le dis.
Nous avions tous les deux la forme de nos âmes.
Tout ce que, l’un de l’autre, ici-bas nous aimâmes
Composait notre corps de flamme et de rayons,
Et, naturellement, nous nous reconnaissions.
Il nous apparaissait des visages d’aurore
Qui nous disaient : « C’est moi ! » la lumière sonore
Chantait ; et nous étions des frissons et des voix.
Vous me disiez : « Écoute ! » et je répondais : « Vois ! »
Je disais : « Viens-nous-en dans les profondeurs sombres ;
Vivons ; c’est autrefois que nous étions des ombres. »
Et, mêlant nos appels et nos cris : « Viens ! oh ! viens !
Et moi, je me rappelle, et toi, tu te souviens. »
Éblouis, nous chantions : — C’est nous-mêmes qui sommes
Tout ce qui nous semblait, sur la terre des hommes,
Bon, juste, grand, sublime, ineffable et charmant ;
Nous sommes le regard et le rayonnement ;
Le sourire de l’aube et l’odeur de la rose,
C’est nous ; l’astre est le nid où notre aile se pose ;
Nous avons l’infini pour sphère et pour milieu,
L’éternité pour âge ; et, notre amour, c’est Dieu.

Paris, juin 18..

Face à un horizon tourmenté, de petites maisons veillent. Mes vers fuiraient...

II – Mes vers fuiraient, doux et frêles…

Mes vers fuiraient… – Les références

Les contemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 302.

Mes vers fuiraient… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Mes vers fuiraient…, deuxième poème du deuxième livre des Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de I. Premier mai et suivi de III. Le Rouet d’Omphale.

Mes vers fuiraient, doux et frêles…

Mes vers fuiraient… – Le texte

II

Mes vers fuiraient, doux et frêles,
Vers votre jardin si beau,
Si mes vers avaient des ailes,
Des ailes comme l’oiseau.

Ils voleraient, étincelles,
Vers votre foyer qui rit,
Si mes vers avaient des ailes,
Des ailes comme l’esprit.

Près de vous, purs et fidèles,
Ils accourraient nuit et jour,
Si mes vers avaient des ailes,
Des ailes comme l’amour.

Paris, mars 18..