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Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un rayon qui illumine le chemin qui mène à la porte du tombeau.

XXIV. En frappant à une porte

En frappant à une porte – Les références

Les contemplationsLivre sixième : Au bord de l’infini ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 532.

En frappant à une porte – L’enregistrement

Je vous invite à écouter En frappant à une porte, un poème du Livre sixième – Au bord de l’infini, des Contemplations, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXIII. Les mages et suivi de XXV. Nomen, numen, lumen.

En frappant à une porte


En frappant à une porte – Le texte

XXIV
En frappant à une porte


J’ai perdu mon père et ma mère,
Mon premier né, bien jeune, hélas !
Et pour moi la nature entière
Sonne le glas.

Je dormais entre mes deux frères ;
Enfants, nous étions trois oiseaux ;
Hélas ! le sort change en deux bières
Leurs deux berceaux.

Je t’ai perdue, ô fille chère,
Toi qui remplis, ô mon orgueil,
Tout mon destin de la lumière
De ton cercueil !

J’ai su monter, j’ai su descendre.
J’ai vu l’aube et l’ombre en mes cieux.
J’ai connu la pourpre, et la cendre
Qui me va mieux.

J’ai connu les ardeurs profondes,
J’ai connu les sombres amours ;
J’ai vu fuir les ailes, les ondes,
Les vents, les jours.

J’ai sur ma tête des orfraies ;
J’ai sur tous mes travaux l’affront,
Aux pieds la poudre, au cœur des plaies,
L’épine au front.

J’ai des pleurs à mon œil qui pense,
Des trous à ma robe en lambeau ;
Je n’ai rien à la conscience :
Ouvre, tombeau.

Marine-Terrace, 4 septembre 1855.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un ciel bleu de nuit, de la couleur du manteau du mendiant.

IX. Le mendiant

Le mendiant – Les références

Les contemplationsLivre cinquième : En marche ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 440.

Le mendiant – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Le mendiant, un poème des Contemplations, En marche, de Victor Hugo.
Il est précédé de VIII. À Jules J. et suivi de X. Aux Feuillantines.

Le mendiant

Le mendiant – Le texte

IX
Le mendiant


Un pauvre homme passait dans le givre et le vent.
Je cognai sur ma vitre ; il s’arrêta devant
Ma porte, que j’ouvris d’une façon civile.
Les ânes revenaient du marché de la ville,
Portant les paysans accroupis sur leurs bâts.
C’était le vieux qui vit dans une niche au bas
De la montée, et rêve, attendant, solitaire,
Un rayon du ciel triste, un liard de la terre,
Tendant les mains pour l’homme et les joignant pour Dieu.
Je lui criai : « Venez vous réchauffer un peu.
« Comment vous nommez-vous ? » Il me dit : « Je me nomme
« Le pauvre. » Je lui pris la main : « Entrez, brave homme. »
Et je lui fis donner une jatte de lait.
Le vieillard grelottait de froid ; il me parlait,
Et je lui répondais, pensif et sans l’entendre.
« Vos habits sont mouillés, » dis-je, « il faut les étendre
« Devant la cheminée. » Il s’approcha du feu.
Son manteau, tout mangé des vers, et jadis bleu,
Étalé largement sur la chaude fournaise,
Piqué de mille trous par la lueur de braise,
Couvrait l’âtre, et semblait un ciel noir étoilé.
Et, pendant qu’il séchait ce haillon désolé
D’où ruisselait la pluie et l’eau des fondrières,
Je songeais que cet homme était plein de prières,
Et je regardais, sourd à ce que nous disions,
Sa bure où je voyais des constellations.

Décembre 1834.