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Détail d'un dessin de Victor Hugo qui représente un pont joignant deux rives "entre deux escarpements sombres".

Partout l’ombre, partout le désert froid et mort…

Partout l’ombre, partout le désert froid et mort… – Les références

Océan ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie IV, p 958.

Partout l’ombre, partout le désert froid et mort… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Partout l’ombre, partout le désert froid et mort…, un poème du recueil Océan, œuvre posthume de Victor Hugo.

Partout l’ombre, partout le désert froid et mort…


Partout l’ombre, partout le désert froid et mort… – Le texte


Partout l’ombre, partout le désert froid et mort ;
Les monts semblaient de grands décombres ;
Un ancien pont allait de l’un à l’autre bord
Entre deux escarpements sombres ;

J’y passai ; le couchant d’un lointain reflet d’or
Éclairait les arches massives ;
Comme ce pont croulant, mais qu’on traverse encor,
Le souvenir rejoint deux rives.

11 nov. 1850 [Surcharge 1840 ?].

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente une lune lumineuse, à moins que ce ne soit le rouet d'Omphale. Devant danse un monstre affreux.

III. Le rouet d’Omphale

Le rouet d’Omphale – Les références

Les ContemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 302.

Poèmes précédent et suivant dans L’Âme en fleur

III. Le rouet d’Omphale suit II. Mes vers fuiraient… et précède IV. Chanson

Le rouet d’Omphale – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Le rouet d’Omphale, un poème du livre II : L’Âme en fleur, du recueil Les Contemplations, de Victor Hugo.

Le rouet d’Omphale

Le rouet d’Omphale – Le texte

III
Le rouet d’Omphale

Il est dans l’atrium, le beau rouet d’ivoire.
La roue agile est blanche, et la quenouille est noire ;
La quenouille est d’ébène incrusté de lapis.
Il est dans l’atrium sur un riche tapis.

Un ouvrier d’Égine a sculpté sur la plinthe
Europe, dont un dieu n’écoute pas la plainte.
Le taureau blanc l’emporte. Europe, sans espoir,
Crie, et baissant les yeux, s’épouvante de voir
L’Océan monstrueux qui baise ses pieds roses.

Des aiguilles, du fil, des boîtes demi-closes,
Les laines de Milet, peintes de pourpre et d’or,
Emplissent un panier près du rouet qui dort.

Cependant, odieux, effroyables, énormes,
Dans le fond du palais, vingt fantômes difformes,
Vingt monstres tout sanglants, qu’on ne voit qu’à demi,
Errent en foule autour du rouet endormi :
Le lion néméen, l’hydre affreuse de Lerne,
Cacus, le noir brigand de la noire caverne,
Le triple Géryon, et les typhons des eaux,
Qui, le soir, à grand bruit, soufflent dans les roseaux ;
De la massue au front tous ont l’empreinte horrible ;
Et tous, sans approcher, rôdant d’un air terrible,
Sur le rouet, où pend un fil souple et lié,
Fixent de loin, dans l’ombre, un œil humilié.

Juin 18..

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente l'océan par gros temps la nuit.

XX. Gros temps la nuit

Gros temps la nuit – Les références

Toute la lyreII. [La Nature] ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie IV, p 213.

Gros temps la nuit – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Gros temps la nuit, un poème du recueil Toute la lyre, de la deuxième partie : [La Nature], de Victor Hugo.

Gros temps la nuit


Gros temps la nuit – Le texte

XX
Gros temps la nuit


Le vent hurle ; la rafale
Sort, ruisselante cavale,
Du gouffre obscur,
Et, hennissant sur l’eau bleue,
Des crins épars de sa queue
Fouette l’azur.

L’horizon, que l’onde encombre,
Serpent, au bas du ciel sombre
Court tortueux ;
Toute la mer est difforme ;
L’eau s’emplit d’un bruit énorme
Et monstrueux.

Le flot vient, s’enfuit, s’approche,
Et bondit comme la cloche
Dans le clocher,
Puis tombe, et bondit encore ;
La vague immense et sonore
Bat le rocher.

L’océan frappe la terre.
Oh ! le forgeron Mystère,
Au noir manteau,
Que forge-t-il dans la brume,
Pour battre une telle enclume
D’un tel marteau ?

L’Hydre écaillée à l’œil glauque
Se roule sur le flot rauque
Sans frein ni mors ;
La tempête maniaque
Remue au fond du cloaque
Les os des morts.

La mer chante un chant barbare.
Les marins sont à la barre,
Tout ruisselants ;
L’éclair sur les promontoires
Éblouit les vagues noires
De ses yeux blancs.

Les marins qui sont au large
Jettent tout ce qui les charge,
Canons, ballots ;
Mais le flot gronde et blasphème :
Ce que je veux, c’est vous-même,
Ô matelots !

Le ciel et la mer font rage.
C’est la saison, c’est l’orage,
C’est le climat.
L’ombre aveugle le pilote.
La voile en haillons grelotte
Au bout du mât.

Tout se plaint, l’ancre à la proue,
La vergue au câble, la roue
Au cabestan.
On croit voir dans l’eau qui gronde,
Comme un mont roulant sous l’onde,
Léviathan.

Tout prend un hideux langage ;
Le roulis parle au tangage,
La hune au foc ;
L’un dit: – L’eau sombre se lève.
L’autre dit: – Le hameau rêve
Au chant du coq.

C’est un vent de l’autre monde
Qui tourmente l’eau profonde
De tout côté,
Et qui rugit dans l’averse ;
L’éternité bouleverse
L’immensité.

C’est fini. La cale est pleine.
Adieu, maison, verte plaine,
Âtre empourpré !
L’homme crie : ô Providence !
La mort aux dents blanches danse
Sur le beaupré.

Et dans la sombre mêlée,
Quelque fée échevelée,
Urgel, Morgan,
À travers le vent qui souffle,
Jette en riant sa pantoufle
À l’ouragan.

2 février 1854.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente la Terre roulant dans l'univers, caressée par la lumière.

La Terre – Hymne

La Terre – Les références

La Légende des siècles – Nouvelle SérieLa Terre ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 197.
Autre référence : Collection Poésie/Gallimard, La Légende des siècles, p. 19.

La Terre – L’enregistrement

Je vous invite à écouter La Terre, un poème du recueil La Légende des siècles – Nouvelle Série, de Victor Hugo.

La Terre


La Terre – Le texte

La Terre
Hymne


Elle est la terre, elle est la plaine, elle est le champ.
Elle est chère à tous ceux qui sèment en marchant ;
Elle offre un lit de mousse au pâtre ;
Frileuse, elle se chauffe au soleil éternel,
Rit, et fait cercle avec les planètes du ciel
Comme des sœurs autour de l’âtre.

Elle aime le rayon propice aux blés mouvants,
Et l’assainissement formidable des vents,
Et les souffles, qui sont des lyres,
Et l’éclair, front vivant qui, lorsqu’il brille et fuit,
Tout ensemble épouvante et rassure la nuit
À force d’effrayants sourires.

Gloire à la terre ! Gloire à l’aube où Dieu paraît !
Au fourmillement d’yeux ouverts dans la forêt,
Aux fleurs, aux nids que le jour dore !
Gloire au blanchissement nocturne des sommets !
Gloire au ciel bleu qui peut, sans s’épuiser jamais,
Faire des dépenses d’aurore !

La terre aime ce ciel tranquille, égal pour tous,
Dont la sérénité ne dépend pas de nous,
Et qui mêle à nos vils désastres,
À nos deuils, aux éclats de rires effrontés,
À nos méchancetés, à nos rapidités,
La douceur profonde des astres.

La terre est calme auprès de l’océan grondeur ;
La terre est belle ; elle a la divine pudeur
De se cacher sous les feuillages ;
Le printemps son amant vient en mai la baiser ;
Elle envoie au tonnerre altier pour l’apaiser
La fumée humble des villages.

Ne frappe pas, tonnerre. Ils sont petits, ceux-ci.
La terre est bonne ; elle est grave et sévère aussi ;
Les roses sont pures comme elle ;
Quiconque pense, espère et travaille lui plaît ;
Et l’innocence offerte à tout homme est son lait,
Et la justice est sa mamelle.

La terre cache l’or et montre les moissons ;
Elle met dans le flanc des fuyantes saisons
Le germe des saisons prochaines,
Dans l’azur les oiseaux qui chuchotent : aimons !
Et les sources au fond de l’ombre, et sur les monts
L’immense tremblement des chênes.

L’harmonie est son œuvre auguste sous les cieux ;
Elle ordonne aux roseaux de saluer, joyeux
Et satisfaits, l’arbre superbe ;
Car l’équilibre, c’est le bas aimant le haut ;
Pour que le cèdre altier soit dans son droit, il faut
Le consentement du brin d’herbe.

Elle égalise tout dans la fosse ; et confond
Avec les bouviers morts la poussière que font
Les Césars et les Alexandres ;
Elle envoie au ciel l’âme et garde l’animal ;
Elle ignore, en son vaste effacement du mal,
La différence de deux cendres.

Elle paie à chacun sa dette, au jour la nuit,
À la nuit le jour, l’herbe aux rocs, aux fleurs le fruit ;
Elle nourrit ce qu’elle crée,
Et l’arbre est confiant quand l’homme est incertain ;
Ô confrontation qui fait honte au destin,
Ô grande nature sacrée !

Elle fut le berceau d’Adam et de Japhet,
Et puis elle est leur tombe ; et c’est elle qui fait
Dans Tyr qu’aujourd’hui l’on ignore,
Dans Sparte et Rome en deuil, dans Memphis abattu,
Dans tous les lieux où l’homme a parlé, puis s’est tu,
Chanter la cigale sonore.

Pourquoi ? Pour consoler les sépulcres dormants.
Pourquoi ? Parce qu’il faut faire aux écroulements
Succéder les apothéoses,
Aux voix qui disent Non les voix qui disent Oui,
Aux disparitions de l’homme évanoui
Le chant mystérieux des choses.

La terre a pour amis les moissonneurs ; le soir,
Elle voudrait chasser du vaste horizon noir
L’âpre essaim des corbeaux voraces,
À l’heure où le bœuf las dit : Rentrons maintenant ;
Quand les bruns laboureurs s’en reviennent traînant
Les socs pareils à des cuirasses.

Elle enfante sans fin les fleurs qui durent peu ;
Les fleurs ne font jamais de reproches à Dieu ;
Des chastes lys, des vignes mûres,
Des myrtes frissonnant au vent, jamais un cri
Ne monte vers le ciel vénérable, attendri
Par l’innocence des murmures.

Elle ouvre un livre obscur sous les rameaux épais ;
Elle fait son possible, et prodigue la paix
Au rocher, à l’arbre, à la plante,
Pour nous éclairer, nous, fils de Cham et d’Hermès,
Qui sommes condamnés à ne lire jamais
Qu’à de la lumière tremblante.

Son but, c’est la naissance et ce n’est pas la mort ;
C’est la bouche qui parle et non la dent qui mord ;
Quand la guerre infâme se rue
Creusant dans l’homme un vil sillon de sang baigné,
Farouche, elle détourne un regard indigné
De cette sinistre charrue.

Meurtrie, elle demande aux hommes : À quoi sert
Le ravage ? Quel fruit produira le désert ?
Pourquoi tuer la plaine verte ?
Elle ne trouve pas utiles les méchants,
Et pleure la beauté virginale des champs
Déshonorés en pure perte.

La terre fut jadis Cérès, Alma Cérès,
Mère aux yeux bleus des blés, des prés et des forêts ;
Et je l’entends qui dit encore :
Fils, je suis Démèter, la déesse des dieux ;
Et vous me bâtirez un temple radieux
Sur la colline Callichore.

Remarque

Je ne l’ai pas toujours signalé : je m’appuie, au départ, sur le texte référencé chez wikisource que je confronte à celui de Bouquins (dont je donne à chaque fois la référence, et qui est le texte sur lequel je me base pour l’enregistrement). Arnaud Laster relit ensuite, en s’appuyant sur ses propres sources, parmi lesquelles Gallica (qui contient les manuscrits de Victor Hugo) et me transmet les modifications à apporter. Ainsi, le texte cité peut être considéré comme la référence quant à l’original. Voici pourquoi il n’est pas marqué comme citation.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un visage en haut à droite, un autre en diagonale ainsi qu'un lézard stylisé (ou un dinosaure) et de la dentelle avec, en bas à gauche, le mot « DENTELLES ».

Le passereau, la huppe et la bergeronnette…

Le passereau, la huppe et la bergeronnette… – Les références

Océan ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie IV, p 1066.

Le passereau, la huppe et la bergeronnette… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Le passereau, la huppe et la bergeronnette…, un poème du recueil Océan, œuvre posthume de Victor Hugo.

Le passereau, la huppe et la bergeronnette…


Le passereau, la huppe et la bergeronnette… – Le texte


Le passereau, la huppe et la bergeronnette
Discutaient, entre oiseaux on jase, on est honnête,
Mais on est susceptible, et quelquefois les becs
Font comme les troyens ennuyés par les grecs ;
On se chamaille ; ainsi les bons rapports s’altèrent ;
Les trois oiseaux ayant discuté, disputèrent ;
C’est la pente ; on descend par cet escalier-là ;
On s’aima dans l’Éden, puis on se querella ;
Sitôt que la discorde amère fait un signe,
Le sage à ne plus être sage se résigne.

Les oiseaux sont un peu des hommes et des femmes.
Et nous, n’avons-nous pas des ailes dans nos âmes ?

Vers 1880 ?