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Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un œil, peut-être celui d'un homme en quête d'infini.

XVII. Dolor

Dolor – Les références

Les contemplationsLivre sixième : Au bord de l’infini ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 509.

Dolor – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Dolor, un poème du Livre sixième – Au bord de l’infini, des Contemplations, de Victor Hugo.
Il est précédé de XVI. Horror et suivi de XVIII. Hélas ! tout est sépulcre….

Dolor


Dolor – Le texte

XVII
Dolor


Création ! figure en deuil ! Isis austère !
Peut-être l’homme est-il son trouble et son mystère ?
Peut-être qu’elle nous craint tous,
Et qu’à l’heure où, ployés sous notre loi mortelle,
Hagards et stupéfaits, nous tremblons devant elle,
Elle frissonne devant nous !

Ne riez point. Souffrez gravement. Soyons dignes,
Corbeaux, hiboux, vautours, de redevenir cygnes !
Courbons-nous sous l’obscure loi.
Ne jetons pas le doute aux flots comme une sonde.
Marchons sans savoir où, parlons sans qu’on réponde,
Et pleurons sans savoir pourquoi.

Homme, n’exige pas qu’on rompe le silence ;
Dis-toi : Je suis puni. Baisse la tête et pense.
C’est assez de ce que tu vois.
Une parole peut sortir du puits farouche ;
Ne la demande pas. Si l’abîme est la bouche,
Ô Dieu, qu’est-ce donc que la voix ?

Ne nous irritons pas. Il n’est pas bon de faire,
Vers la clarté qui luit au centre de la sphère,
À travers les cieux transparents,
Voler l’affront, les cris, le rire et la satire,
Et que le chandelier à sept branches attire
Tous ces noirs phalènes errants.

Nais, grandis, rêve, souffre, aime, vis, vieillis, tombe.
L’explication sainte et calme est dans la tombe.
Ô vivants ! ne blasphémons point.
Qu’importe à l’Incréé, qui, soulevant ses voiles,
Nous offre le grand ciel, les mondes, les étoiles,
Qu’une ombre lui montre le poing ?

Nous figurons-nous donc qu’à l’heure où tout le prie,
Pendant qu’il crée et vit, pendant qu’il approprie
À chaque astre une humanité,
Nous pouvons de nos cris troubler sa plénitude,
Cracher notre néant jusqu’en sa solitude,
Et lui gâter l’éternité ?

Être ! quand dans l’éther tu dessinas les formes,
Partout où tu traças les orbites énormes
Des univers qui n’étaient pas,
Des soleils ont jailli, fleurs de flamme, et sans nombre,
Des trous qu’au firmament, en s’y posant dans l’ombre,
Fit la pointe de ton compas !

Qui sommes-nous ? La nuit, la mort, l’oubli, personne.
Il est. Cette splendeur suffit pour qu’on frissonne.
C’est lui l’amour, c’est lui le feu.
Quand les fleurs en avril éclatent pêle-mêle,
C’est lui. C’est lui qui gonfle, ainsi qu’une mamelle,
La rondeur de l’océan bleu.

Le penseur cherche l’homme et trouve de la cendre.
Il trouve l’orgueil froid, le mal, l’amour à vendre,
L’erreur, le sac d’or effronté,
La haine et son couteau, l’envie et son suaire,
En mettant au hasard la main dans l’ossuaire
Que nous nommons humanité.

Parce que nous souffrons, noirs et sans rien connaître,
Stupide, l’homme dit : — Je ne veux pas de l’Être !
Je souffre ; donc, l’Être n’est pas ! —
Tu n’admires que toi, vil passant, dans ce monde !
Tu prends pour de l’argent, ô ver, ta bave immonde
Marquant la place où tu rampas !

Notre nuit veut rayer ce jour qui nous éclaire ;
Nous crispons sur ce nom nos doigts pleins de colère ;
Rage d’enfant qui coûte cher !
Et nous nous figurons, race imbécile et dure,
Que nous avons un peu de Dieu dans notre ordure
Entre notre ongle et notre chair !

Nier l’Être ! à quoi bon ? L’ironie âpre et noire
Peut-elle se pencher sur le gouffre et le boire,
Comme elle boit son propre fiel ?
Quand notre orgueil le tait, notre douleur le nomme.
Le sarcasme peut-il, en crevant l’œil à l’homme,
Crever les étoiles au ciel ?

Ah ! quand nous le frappons, c’est pour nous qu’est la plaie.
Pensons, croyons. Voit-on l’océan qui bégaie,
Mordre avec rage son bâillon ?
Adorons-le dans l’astre, et la fleur, et la femme.
Ô vivants, la pensée est la pourpre de l’âme ;
Le blasphème en est le haillon.

Ne raillons pas. Nos cœurs sont les pavés du temple.
Il nous regarde, lui que l’infini contemple.
Insensé qui nie et qui mord !
Dans un rire imprudent, ne faisons pas, fils d’Ève,
Apparaître nos dents devant son œil qui rêve,
Comme elles seront dans la mort.

La femme nue ayant les hanches découvertes,
Chair qui tente l’esprit, rit sous les feuilles vertes ;
N’allons pas rire à son côté.
Ne chantons pas : — Jouir est tout. Le ciel est vide. —
La nuit a peur, vous dis-je ! elle devient livide
En contemplant l’immensité.

Ô douleur ! clef des cieux ! L’ironie est fumée.
L’expiation rouvre une porte fermée ;
Les souffrances sont des faveurs.
Regardons, au-dessus des multitudes folles,
Monter vers les gibets et vers les auréoles
Les grands sacrifiés rêveurs.

Monter, c’est s’immoler. Toute cime est sévère.
L’Olympe lentement se transforme en Calvaire ;
Partout le martyre est écrit ;
Une immense croix gît dans notre nuit profonde ;
Et nous voyons saigner aux quatre coins du monde
Les quatre clous de Jésus-Christ.

Ah ! vivants, vous doutez ! ah ! vous riez, squelettes !
Lorsque l’aube apparaît, ceinte de bandelettes
D’or, d’émeraude et de carmin,
Vous huez, vous prenez, larves que le jour dore,
Pour la jeter au front céleste de l’aurore,
De la cendre dans votre main.

Vous criez : — Tout est mal. L’aigle vaut le reptile.
Tout ce que nous voyons n’est qu’une ombre inutile.
La vie au néant nous vomit.
Rien avant, rien après. Le sage doute et raille. —
Et, pendant ce temps-là, le brin d’herbe tressaille,
L’aube pleure, et le vent gémit.

Chaque fois qu’ici-bas l’homme, en proie aux désastres,
Rit, blasphème, et secoue, en regardant les astres,
Le sarcasme, ce vil lambeau,
Les morts se dressent froids au fond du caveau sombre,
Et de leur doigt de spectre écrivent — Dieu — dans l’ombre,
Sous la pierre de leur tombeau.

Marine-Terrace, 31 mars 1854.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente "le toit d'une pauvre demeure", dans laquelle un couple vitupère.

XVIII. Intérieur

Intérieur – Les références

Les ContemplationsLivre troisième : Les Luttes et les rêves ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 355.

Intérieur – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Intérieur, un poème du recueil Les Contemplations, Les Luttes et les rêves, de Victor Hugo.
Il est précédé de XVII. Chose vue un jour de printemps et suivi de XIX. Baraques de la foire.

Intérieur


Intérieur – Le texte

XVIII
Intérieur


La querelle irritée, amère, à l’œil ardent,
Vipère dont la haine empoisonne la dent,
Siffle et trouble le toit d’une pauvre demeure.
Les mots heurtent les mots. L’enfant s’effraie et pleure.
La femme et le mari laissent l’enfant crier.

— D’où viens-tu ? — Qu’as-tu fait ? — Oh ! mauvais ouvrier !
Il vit dans la débauche et mourra sur la paille.
— Femme vaine et sans cœur qui jamais ne travaille !
— Tu sors du cabaret ? — Quelque amant est venu ?
— L’enfant pleure, l’enfant a faim, l’enfant est nu.
Pas de pain. — Elle a peur de salir ses mains blanches !
— Où cours-tu tous les jours ? — Et toi, tous les dimanches ?
— Va boire ! — Va danser ! — Il n’a ni feu ni lieu !
— Ta fille seulement ne sait pas prier Dieu !
— Et ta mère, bandit, c’est toi qui l’as tuée !
— Paix ! — Silence, assassin ! — Tais-toi, prostituée ! —

Un beau soleil couchant, empourprant le taudis,
Embrasait la fenêtre et le plafond, tandis
Que ce couple hideux, que rend deux fois infâme
La misère du cœur et la laideur de l’âme,
Étalait son ulcère et ses difformités
Sans honte, et sans pudeur montrait ses nudités.
Et leur vitre, où pendait un vieux haillon de toile,
Était, grâce au soleil, une éclatante étoile
Qui, dans ce même instant, vive et pure lueur,
Éblouissait au loin quelque passant rêveur !

Septembre 1841.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente "le clair midi qui surgit rayonnant" sur la campagne, juste avant une halte en marchant.

XXIX. Halte en marchant

Halte en marchant – Les références

Les contemplationsLivre premier : Aurore ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 296.

Halte en marchant – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Halte en marchant, poème qui clôt le livre premier, Aurore, des Contemplations, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXVIII. Il faut que le poëte. Il est suivi du premier poème du livre deuxième : L’Âme en fleur, intitulé Premier mai

Halte en marchant


Halte en marchant – Le texte

XXIX
Halte en marchant


Une brume couvrait l’horizon ; maintenant,
Voici le clair midi qui surgit rayonnant ;
Le brouillard se dissout en perles sur les branches,
Et brille, diamant, au collier des pervenches ;
Le vent souffle à travers les arbres sur les toits
Du hameau noir cachant ses chaumes dans les bois,
Et l’on voit tressaillir, épars dans les ramées,
Le vague arrachement des tremblantes fumées ;
Un ruisseau court dans l’herbe, entre deux hauts talus,
Sous l’agitation des saules chevelus ;
Un orme, un hêtre, anciens du vallon, arbres frères
Qui se donnent la main des deux rives contraires,
Semblent, sous le ciel bleu, dire : À la bonne foi !
L’oiseau chante son chant plein d’amour et d’effroi,
Et du frémissement des feuilles et des ailes ;
L’étang luit sous le vol des vertes demoiselles.
Un bouge est là, montrant dans la sauge et le thym
Un vieux saint souriant parmi des brocs d’étain,
Avec tant de rayons et de fleurs sur la berge,
Que c’est peut-être un temple ou peut-être une auberge.
Que notre bouche ait soif, ou que ce soit le cœur,
Gloire au Dieu bon qui tend la coupe au voyageur !
Nous entrons. « Qu’avez-vous ! — Des œufs frais, de l’eau fraîche. »
On croit voir l’humble toit effondré d’une crèche.
À la source du pré, qu’abrite un vert rideau,
Une enfant blonde alla remplir sa jarre d’eau,
Joyeuse et soulevant son jupon de futaine.
Pendant qu’elle plongeait sa cruche à la fontaine,
L’eau semblait admirer, gazouillant doucement,
Cette belle petite aux yeux de firmament.
Et moi, près du grand lit drapé de vieilles serges,
Pensif, je regardais un Christ battu de verges.
Eh ! qu’importe l’outrage aux martyrs éclatants,
Affront de tous les dieux, crachat de tous les temps,
Vaine clameur d’aveugle, éternelle huée
Où la foule toujours s’est follement ruée !

Plus tard, le vagabond flagellé devient Dieu ;
Ce front noir et saignant semble fait de ciel bleu,
Et, dans l’ombre, éclairant palais, temple, masure,
Le crucifix blanchit et Jésus-Christ s’azure.
La foule un jour suivra vos pas ; allez, saignez,
Souffrez, penseurs, des pleurs de vos bourreaux baignés !
Le deuil sacre les saints, les sages, les génies ;
La tremblante auréole éclôt aux gémonies,
Et sur ce vil marais flotte, lueur du ciel,
Du cloaque de sang feu follet éternel.
Toujours au même but le même sort ramène :
Il est, au plus profond de notre histoire humaine,
Une sorte de gouffre où viennent tour à tour
Tomber tous ceux qui sont de la vie et du jour,
Les bons, les purs, les grands, les divins, les célèbres,
Flambeaux échevelés au souffle des ténèbres ;
Là se sont engloutis les Dantes disparus,
Socrate, Scipion, Milton, Thomas Morus,
Eschyle, ayant aux mains des palmes frissonnantes.
Nuit d’où l’on voit sortir leurs mémoires planantes !
Car ils ne sont complets qu’après qu’ils sont déchus.
De l’exil d’Aristide, au bûcher de Jean Huss,
Le genre humain pensif — c’est ainsi que nous sommes —
Rêve ébloui devant l’abîme des grands hommes.
Ils sont, telle est la loi des hauts destins penchant,
Tes semblables, soleil ! leur gloire est leur couchant ;
Et, fier Niagara dont le flot gronde et lutte,
Tes pareils : ce qu’ils ont de plus beau, c’est leur chute.

Un de ceux qui liaient Jésus-Christ au poteau,
Et qui, sur son dos nu, jetaient un vil manteau,
Arracha de ce front tranquille une poignée
De cheveux qu’inondait la sueur résignée,
Et dit : « Je vais montrer à Caïphe cela ! »
Et, crispant son poing noir, cet homme s’en alla.
La nuit était venue et la rue était sombre ;
L’homme marchait ; soudain, il s’arrêta dans l’ombre,
Stupéfait, pâle, et comme en proie aux visions,
Frémissant ! — Il avait dans la main des rayons.

Forêt de Compiègne, juin 1837.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente (de façon abstraite) l'envol de l'idée quand elle surgit dans le sommeil du poète.

XX. Insomnie

Insomnie – Les références

Les ContemplationsLivre troisième : Les Luttes et les rêves ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 357.

Insomnie – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Insomnie, un poème du recueil Les Contemplations, Les Luttes et les rêves, de Victor Hugo.
Il est précédé de XIX. Baraques de la foire et suivi de XXI. Écrit sur la plinthe d’un bas-relief antique.

Insomnie


Insomnie – Le texte

XX
Insomnie


Quand une lueur pâle à l’orient se lève,
Quand la porte du jour, vague et pareille au rêve,
Commence à s’entr’ouvrir et blanchit l’horizon,
Comme l’espoir blanchit le seuil d’une prison,
Se réveiller, c’est bien, et travailler, c’est juste.
Quand le matin à Dieu chante son hymne auguste,
Le travail, saint tribut dû par l’homme mortel,
Est la strophe sacrée au pied du sombre autel ;
Le soc murmure un psaume ; et c’est un chant sublime
Qui, dès l’aurore, au fond des forêts, sur l’abîme,
Au bruit de la cognée, au choc des avirons,
Sort des durs matelots et des noirs bûcherons.

Mais, au milieu des nuits, s’éveiller ! quel mystère !
Songer, sinistre et seul, quand tout dort sur la terre !
Quand pas un œil vivant ne veille, pas un feu ;
Quand les sept chevaux d’or du grand chariot bleu
Rentrent à l’écurie et descendent au pôle,
Se sentir dans son lit soudain toucher l’épaule
Par quelqu’un d’inconnu qui dit : Allons ! c’est moi !
Travaillons ! — La chair gronde et demande pourquoi.

— Je dors. Je suis très-las de la course dernière ;
Ma paupière est encor du somme prisonnière ;
Maître mystérieux, grâce ! que me veux-tu ?
Certe, il faut que tu sois un démon bien têtu
De venir m’éveiller toujours quand tout repose !
Aie un peu de raison. Il est encor nuit close ;
Regarde, j’ouvre l’œil puisque cela te plaît ;
Pas la moindre lueur aux fentes du volet ;
Va-t’en ! je dors, j’ai chaud, je rêve à ma maîtresse.
Elle faisait flotter sur moi sa longue tresse,
D’où pleuvaient sur mon front des astres et des fleurs.
Va-t’en ! Tu reviendras demain, au jour, ailleurs.
Je te tourne le dos, je ne veux pas ! décampe !
Ne pose pas ton doigt de braise sur ma tempe :
La biche Illusion me mangeait dans le creux
De la main ; tu l’as fait enfuir. J’étais heureux,
Je ronflais comme un bœuf ; laisse-moi. C’est stupide.
Ciel ! déjà ma pensée, inquiète et rapide,
Fil sans bout, se dévide et tourne à ton fuseau.
Tu m’apportes un vers, étrange et fauve oiseau
Que tu viens de saisir dans les pâles nuées.
Je n’en veux pas. Le vent, de ses tristes huées,
Emplit l’antre des cieux ; les souffles, noirs dragons,
Passent en secouant ma porte sur ses gonds.
— Paix là ! va-t’en, bourreau ! quant au vers, je le lâche. —
Je veux toute la nuit dormir comme un vieux lâche ;
Voyons, ménage un peu ton pauvre compagnon.
Je suis las, je suis mort, laisse-moi dormir !

— Non !

Est-ce que je dors, moi ? dit l’idée implacable.
Penseur, subis ta loi ; forçat, tire ton câble.
Quoi ! cette bête a goût au vil foin du sommeil !
L’orient est pour moi toujours clair et vermeil.
Que m’importe le corps ! qu’il marche, souffre et meure !
Horrible esclave, allons, travaille ! c’est mon heure.

Et l’ange étreint Jacob, et l’âme tient le corps ;
Nul moyen de lutter ; et tout revient alors,
Le drame commencé dont l’ébauche frissonne,
Ruy Blas, Marion, Job, Sylva, son cor qui sonne,
Ou le roman pleurant avec des yeux humains,
Ou l’ode qui s’enfonce en deux profonds chemins,
Dans l’azur près d’Horace et dans l’ombre avec Dante ;
Il faut dans ces labeurs rentrer la tête ardente ;
Dans ces grands horizons subitement rouverts,
Il faut de strophe en strophe, il faut de vers en vers,
S’en aller devant soi, pensif, ivre de l’ombre ;
Il faut, rêveur nocturne en proie à l’esprit sombre,
Gravir le dur sentier de l’inspiration ;
Poursuivre la lointaine et blanche vision,
Traverser, effaré, les clairières désertes,
Le champ plein de tombeaux, les eaux, les herbes vertes,
Et franchir la forêt, le torrent, le hallier,
Noir cheval galopant sous le noir cavalier.

1843, nuit.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente trois tours qui se dressent dans un ciel sombre et tourmenté (au-dessus d'un empire en déclin ?).

VII. La statue

La statue – Les références

Les ContemplationsLivre troisième : Les Luttes et les rêves ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 341.

La statue – L’enregistrement

Je vous invite à écouter La statue, un poème du recueil Les Contemplations, Les Luttes et les rêves, de Victor Hugo.
Il est précédé de VI. La Source et suivi de VIII. Je lisais. Que lisais-je ?.

La statue


La statue – Le texte

VII
La statue


Quand l’empire romain tomba désespéré,
— Car, ô Rome, l’abîme où Carthage a sombré
Attendait que tu la suivisses ! —
Quand, n’ayant rien en lui de grand qu’il n’eût brisé,
Ce monde agonisa, triste, ayant épuisé
Tous les césars et tous les vices ;

Quand il expira, vide et riche comme Tyr ;
Tas d’esclaves ayant pour gloire de sentir
Le pied du maître sur leurs nuques ;
Ivre de vin, de sang et d’or ; continuant
Caton par Tigellin, l’astre par le néant,
Et les géants par les eunuques ;

Ce fut un noir spectacle et dont on s’enfuyait.
Le pâle cénobite y songeait, inquiet,
Dans les antres visionnaires ;
Et, pendant trois cents ans, dans l’ombre on entendit
Sur ce monde damné, sur ce festin maudit,
Un écroulement de tonnerres.

Et Luxure, Paresse, Envie, Orgie, Orgueil,
Avarice et Colère, au-dessus de ce deuil,
Planèrent avec des huées ;
Et, comme des éclairs sous le plafond des soirs,
Les glaives monstrueux des sept archanges noirs
Flamboyèrent dans les nuées.

Juvénal, qui peignit ce gouffre universel,
Est statue aujourd’hui ; la statue est de sel,
Seule sous le nocturne dôme ;
Pas un arbre à ses pieds ; pas d’herbe et de rameaux ;
Et dans son œil sinistre on lit ces sombres mots :
Pour avoir regardé Sodôme.

Février 1843.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un grand angle d'ombre d'où émerge la silhouette d'un château, devant le "visage irrité" de l'infini.

III. Un spectre m’attendait…

Un spectre m’attendait… – Les références

Les contemplationsLivre sixième : Au bord de l’infini ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 471.

Un spectre m’attendait… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Un spectre m’attendait…, un poème du Livre sixième – Au bord de l’infini, des Contemplations, de Victor Hugo.
Il est précédé de II. Ibo et suivi de IV. Ecoutez. Je suis Jean….

Un spectre m’attendait…


Un spectre m’attendait… – Le texte

III


Un spectre m’attendait dans un grand angle d’ombre,
Et m’a dit :

— Le muet habite dans le sombre.

L’infini rêve, avec un visage irrité.
L’homme parle et dispute avec l’obscurité,
Et la larme de l’œil rit du bruit de la bouche.
Tout ce qui vous emporte est rapide et farouche.
Sais-tu pourquoi tu vis ? sais-tu pourquoi tu meurs ?
Les vivants orageux passent dans les rumeurs,
Chiffres tumultueux, flots de l’océan Nombre.
Vous n’avez rien à vous qu’un souffle dans de l’ombre ;
L’homme est à peine né qu’il est déjà passé,
Et c’est avoir fini que d’avoir commencé.
Derrière le mur blanc, parmi les herbes vertes,
La fosse obscure attend l’homme, lèvres ouvertes.
La mort est le baiser de la bouche tombeau.
Tâche de faire un peu de bien, coupe un lambeau
D’une bonne action dans cette nuit qui gronde,
Ce sera ton linceul dans la terre profonde.
Beaucoup s’en sont allés qui ne reviendront plus
Qu’à l’heure de l’immense et lugubre reflux ;
Alors, on entendra des cris. Tâche de vivre ;
Crois. Tant que l’homme vit, Dieu pensif lit son livre ;
L’homme meurt quand Dieu fait au coin du livre un pli.
L’espace sait, regarde, écoute. Il est rempli
D’oreilles sous la tombe, et d’yeux dans les ténèbres.
Les morts, ne marchant plus, dressent leurs pieds funèbres ;
Les feuilles sèches vont et roulent sous les cieux.
Ne sens-tu pas souffler le vent mystérieux ?

Minuit, au dolmen de Rozel, avril 1853.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente une femme avec de longs cheveux, portant un masque, qui se dévoile et révèle un sein.

XXII. La Fête chez Thérèse

La Fête chez Thérèse – Les références

Les contemplationsLivre premier : Aurore ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 287.

La Fête chez Thérèse – L’enregistrement

Je vous invite à écouter La Fête chez Thérèse, un poème des Contemplations, Aurore, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXI. Elle était déchaussée et suivi de XXIII. L’enfance.

La Fête chez Thérèse


La Fête chez Thérèse – Le texte

XXII
La Fête chez Thérèse


La chose fut exquise et fort bien ordonnée.
C’était au mois d’avril, et dans une journée
Si douce, qu’on eût dit qu’amour l’eût faite exprès.
Thérèse la duchesse à qui je donnerais,
Si j’étais roi, Paris, si j’étais Dieu, le monde,
Quand elle ne serait que Thérèse la blonde ;
Cette belle Thérèse, aux yeux de diamant,
Nous avait conviés dans son jardin charmant.
On était peu nombreux. Le choix faisait la fête.
Nous étions tous ensemble et chacun tête à tête.
Des couples pas à pas erraient de tous côtés.
C’étaient les fiers seigneurs et les rares beautés,
Les Amyntas rêvant auprès des Léonores,
Les marquises riant avec les monsignores ;
Et l’on voyait rôder dans les grands escaliers
Un nain qui dérobait leur bourse aux cavaliers.

À midi, le spectacle avec la mélodie.
Pourquoi jouer Plautus la nuit ? La comédie
Est une belle fille, et rit mieux au grand jour.
Or, on avait bâti, comme un temple d’amour,
Près d’un bassin dans l’ombre habité par un cygne,
Un théâtre en treillage où grimpait une vigne.
Un cintre à claire-voie en anse de panier,
Cage verte où sifflait un bouvreuil prisonnier,
Couvrait toute la scène, et sur leurs gorges blanches,
Les actrices sentaient errer l’ombre des branches.
On entendait au loin de magiques accords ;
Et, tout en haut, sortant de la frise à mi-corps,
Pour attirer la foule aux lazzis qu’il répète,
Le blanc Pulcinella sonnait de la trompette.
Deux faunes soutenaient le manteau d’Arlequin ;
Trivelin leur riait au nez comme un faquin.
Parmi les ornements sculptés dans le treillage,
Colombine dormait dans un gros coquillage,
Et, quand elle montrait son sein et ses bras nus,
On eût cru voir la conque, et l’on eût dit Vénus.
Le seigneur Pantalon, dans une niche, à droite,
Vendait des limons doux sur une table étroite,
Et criait par instants : « Seigneurs, l’homme est divin.
Dieu n’avait fait que l’eau, mais l’homme a fait le vin ! »
Scaramouche en un coin harcelait de sa batte
Le tragique Alcantor, suivi du triste Arbate ;
Crispin, vêtu de noir, jouait de l’éventail ;
Perché, jambe pendante, au sommet du portail,
Carlino se penchait, écoutant les aubades,
Et son pied ébauchait de rêveuses gambades.

Le soleil tenait lieu de lustre ; la saison
Avait brodé de fleurs un immense gazon,
Vert tapis déroulé sous maint groupe folâtre.
Rangés des deux côtés de l’agreste théâtre,
Les vrais arbres du parc, les sorbiers, les lilas,
Les ébéniers qu’avril charge de falbalas,
De leur sève embaumée exhalant les délices,
Semblaient se divertir à faire les coulisses,
Et, pour nous voir, ouvrant leurs fleurs comme des yeux,
Joignaient aux violons leur murmure joyeux ;
Si bien qu’à ce concert gracieux et classique,
La nature mêlait un peu de sa musique.

Tout nous charmait, les bois, le jour serein, l’air pur,
Les femmes tout amour, et le ciel tout azur.
Pour la pièce, elle était fort bonne, quoique ancienne.
C’était, nonchalamment assis sur l’avant-scène,
Pierrot qui haranguait, dans un grave entretien,
Un singe timbalier à cheval sur un chien.

Rien de plus. C’était simple et beau. — Par intervalles,
Le singe faisait rage et cognait ses timbales ;
Puis Pierrot répliquait. — Écoutait qui voulait.
L’un faisait apporter des glaces au valet ;
L’autre, galant drapé d’une cape fantasque,
Parlait bas à sa dame en lui nouant son masque ;
Trois marquis attablés chantaient une chanson ;
Thérèse était assise à l’ombre d’un buisson :
Les roses pâlissaient à côté de sa joue,
Et, la voyant si belle, un paon faisait la roue.

Moi, j’écoutais, pensif, un profane couplet
Que fredonnait dans l’ombre un abbé violet.

La nuit vint, tout se tut ; les flambeaux s’éteignirent ;
Dans les bois assombris les sources se plaignirent ;
Le rossignol, caché dans son nid ténébreux,
Chanta comme un poëte et comme un amoureux.
Chacun se dispersa sous les profonds feuillages ;
Les folles en riant entraînèrent les sages ;
L’amante s’en alla dans l’ombre avec l’amant ;
Et, troublés comme on l’est en songe, vaguement,
Ils sentaient par degrés se mêler à leur âme,
À leurs discours secrets, à leurs regards de flamme,
À leur cœur, à leurs sens, à leur molle raison,
Le clair de lune bleu qui baignait l’horizon.

Avril 18..

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un phénix, ou du moins un être ailé dressant sa collerette à la lumière.

XXV. Ô strophe du poëte…

Ô strophe du poëte… – Les références

Les contemplationsLivre cinquième : En marche ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 455.

Ô strophe du poëte… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Ô strophe du poëte…, un poème des Contemplations, du livre En marche, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXIV. J’ai cueilli cette fleur… et suivi de XXVI. Les Malheureux. À mes enfants.

Ô strophe du poëte…


Ô strophe du poëte… – Le texte

XXV


Ô strophe du poëte, autrefois, dans les fleurs,
Jetant mille baisers à leurs mille couleurs,
Tu jouais, et d’avril tu pillais la corbeille ;
Papillon pour la rose et pour la ruche abeille,
Tu semais de l’amour et tu faisais du miel ;
Ton âme bleue était presque mêlée au ciel ;
Ta robe était d’azur et ton œil de lumière ;
Tu criais aux chansons, tes sœurs : « Venez ! chaumière,
Hameau, ruisseau, forêt, tout chante. L’aube a lui ! »
Et, douce, tu courais et tu riais. Mais lui,
Le sévère habitant de la blême caverne
Qu’en haut le jour blanchit, qu’en bas rougit l’Averne,
Le poëte qu’ont fait avant l’heure vieillard
La douleur dans la vie et le drame dans l’art,
Lui, le chercheur du gouffre obscur, le chasseur d’ombres,
Il a levé la tête un jour hors des décombres,
Et t’a saisie au vol dans l’herbe et dans les blés,
Et, malgré tes effrois et tes cris redoublés,
Toute en pleurs, il t’a prise à l’idylle joyeuse ;
Il t’a ravie aux champs, à la source, à l’yeuse,
Aux amours dans les bois près des nids palpitants ;
Et maintenant, captive et reine en même temps,
Prisonnière au plus noir de son âme profonde,
Parmi les visions qui flottent comme l’onde,
Sous son crâne à fois céleste et souterrain,
Assise, et t’accoudant sur un trône d’airain,
Voyant dans ta mémoire, ainsi qu’une ombre vaine
Fuir l’éblouissement du jour et de la plaine,
Par le maître gardée, et calme et sans espoir,
Tandis que, près de toi, les drames, groupe noir,
Des sombres passions feuillettent le registre,
Tu rêves dans sa nuit, Proserpine sinistre.

Jersey, novembre 1854.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un pont au-dessus d'un charmant vallon, près de l'océan.

XXIII. Pasteurs et troupeaux À Madame Louise C.

Pasteurs et troupeaux – Les références

Les contemplationsLivre cinquième : En marche ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 453.

Pasteurs et troupeaux – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Pasteurs et troupeaux, un poème des Contemplations, En marche, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXII. Je payai le pécheur… et suivi de XXIV. J’ai cueilli cette fleur…

Pasteurs et troupeaux


Pasteurs et troupeaux – Le texte

XXIII
Pasteurs et troupeaux
À Madame Louise C.


Le vallon où je vais tous les jours est charmant,
Serein, abandonné, seul sous le firmament,
Plein de ronces en fleurs ; c’est un sourire triste.
Il vous fait oublier que quelque chose existe,
Et, sans le bruit des champs remplis de travailleurs,
On ne saurait plus là si quelqu’un vit ailleurs.
Là, l’ombre fait l’amour ; l’idylle naturelle
Rit ; le bouvreuil avec le verdier s’y querelle,
Et la fauvette y met de travers son bonnet ;
C’est tantôt l’aubépine et tantôt le genêt ;
De noirs granits bourrus, puis des mousses riantes ;
Car Dieu fait un poëme avec des variantes ;
Comme le vieil Homère, il rabâche parfois,
Mais c’est avec les fleurs, les monts, l’onde et les bois !
Une petite mare est là, ridant sa face,
Prenant des airs de flot pour la fourmi qui passe,
Ironie étalée au milieu du gazon,
Qu’ignore l’océan grondant à l’horizon.
J’y rencontre parfois sur la roche hideuse
Un doux être ; quinze ans, yeux bleus, pieds nus, gardeuse
De chèvres, habitant, au fond d’un ravin noir,
Un vieux chaume croulant qui s’étoile le soir ;
Ses sœurs sont au logis et filent leur quenouille ;
Elle essuie aux roseaux ses pieds que l’étang mouille ;
Chèvres, brebis, béliers, paissent ; quand, sombre esprit,
J’apparais, le pauvre ange a peur, et me sourit ;
Et moi, je la salue, elle étant l’innocence.
Ses agneaux, dans le pré plein de fleurs qui l’encense,
Bondissent, et chacun, au soleil s’empourprant,
Laisse aux buissons, à qui la bise le reprend,
Un peu de sa toison, comme un flocon d’écume.
Je passe ; enfant, troupeau, s’effacent dans la brume ;
Le crépuscule étend sur les longs sillons gris
Ses ailes de fantôme et de chauve-souris ;
J’entends encore au loin dans la plaine ouvrière
Chanter derrière moi la douce chevrière,
Et, là-bas, devant moi, le vieux gardien pensif
De l’écume, du flot, de l’algue, du récif,
Et des vagues sans trêve et sans fin remuées,
Le pâtre promontoire au chapeau de nuées,
S’accoude et rêve au bruit de tous les infinis,
Et, dans l’ascension des nuages bénis,
Regarde se lever la lune triomphale,
Pendant que l’ombre tremble, et que l’âpre rafale
Disperse à tous les vents avec son souffle amer
La laine des moutons sinistres de la mer.

Jersey, Grouville, avril 1855.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un château, issu d'un songe de Shakspeare, fait d'ombre et de lumière.

XXVIII. Le Poëte

Le Poëte – Les références

Les ContemplationsLivre troisième : Les Luttes et les rêves ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 367.

Le Poëte – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Le Poëte, un poème du recueil Les Contemplations, Les Luttes et les rêves, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXVII. J’aime l’araignée… et suivi de XXIX. La Nature.

Le Poëte


Le Poëte – Le texte

XXVIII
Le Poëte


Shakspeare songe ; loin du Versaille éclatant,
Des buis taillés, des ifs peignés, où l’on entend
Gémir la tragédie éplorée et prolixe,
Il contemple la foule avec son regard fixe,
Et toute la forêt frissonne devant lui.
Pâle, il marche, au dedans de lui-même ébloui ;
Il va, farouche, fauve, et, comme une crinière,
Secouant sur sa tête un haillon de lumière.
Son crâne transparent est plein d’âmes, de corps,
De rêves, dont on voit la lueur du dehors ;
Le monde tout entier passe à travers son crible ;
Il tient toute la vie en son poignet terrible ;
Il fait sortir de l’homme un sanglot surhumain.
Dans ce génie étrange où l’on perd son chemin,
Comme dans une mer, notre esprit parfois sombre ;
Nous sentons, frémissants, dans son théâtre sombre,
Passer sur nous le vent de sa bouche soufflant,
Et ses doigts nous ouvrir et nous fouiller le flanc.
Jamais il ne recule ; il est géant ; il dompte
Richard Trois, léopard, Caliban, mastodonte.
L’idéal est le vin que verse ce Bacchus.
Les sujets monstrueux qu’il a pris et vaincus
Râlent autour de lui, splendides ou difformes ;
Il étreint Lear, Brutus, Hamlet, êtres énormes,
Capulet, Montaigu, César, et, tour à tour,
Les stryges dans le bois, le spectre sur la tour ;
Et, même après Eschyle, effarant Melpomène,
Sinistre, ayant aux mains des lambeaux d’âme humaine,
De la chair d’Othello, des restes de Macbeth,
Dans son œuvre, du drame effrayant alphabet,
Il se repose ; ainsi le noir lion des jongles
S’endort dans l’antre immense avec du sang aux ongles.

Paris, avril 1835.