Parfois c’est un devoir de féconder l’horreur… – Les références
Les Quatre Vents de l’esprit – Le Livre satirique – Le Siècle ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 1167.
Parfois c’est un devoir de féconder l’horreur… – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Parfois c’est un devoir de féconder l’horreur…, un poème du Livre satirique – Le Siècle, du recueil Les Quatre Vents de l’esprit, de Victor Hugo.
Il est précédé de XXXI. Le vieil esprit de nuit, d’ignorance et de haine…, enregistré le jour des événements du 7 janvier 2015, et suivi de XXXIII. C’est bien ; puisqu’au sénat, puisqu’à la pourriture…, non encore enregistré sur ce site.
Parfois c’est un devoir de féconder l’horreur…
Parfois c’est un devoir de féconder l’horreur… – Le texte
XXXII
Parfois c’est un devoir de féconder l’horreur.
Il convient qu’un feu sombre éclaire un empereur.
J’ai fait Les Châtiments. J’ai dû faire ce livre.
Moi que toute blancheur et toute grâce enivre,
Je me suis approché de la haine à regret.
J’ai senti qu’il fallait, quand l’honneur émigrait,
Mettre au-dessus du crime, en une ombre sereine,
Le resplendissement farouche de la peine,
Et j’ai fait flamboyer ce livre dans les cieux.
Haïr m’est dur. Mais quoi ! lorsqu’un séditieux
Interrompt du progrès les glorieuses tâches,
Tue un peuple, et devient l’infâme dieu des lâches,
Il faut qu’une lueur s’allume au firmament.
J’ai donc mis des rayons dans un livre inclément ;
J’ai soulevé du mal l’immense et triste voile ;
J’ai violé la nuit pour lui faire une étoile.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/07/parfois-cest-undevoir-satirique-4vents.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-07-10 10:52:282018-06-14 10:20:04XXXII. Parfois c'est un devoir de féconder l'horreur...
Parfois, je me sens pris d’horreur pour cette terre… – Les références
L’Art d’être grand-père – I. À Guernesey ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 722.
Parfois, je me sens pris d’horreur pour cette terre… – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Parfois, je me sens pris d’horreur pour cette terre…, un poème du recueil L’Art d’être grand-père, de Victor Hugo.
Il est précédé de VI. Georges et Jeanne et suivi de VIII. Lætitia rerum.
Parfois, je me sens pris d’horreur pour cette terre…
Parfois, je me sens pris d’horreur pour cette terre… – Le texte
VII
Parfois, je me sens pris d’horreur pour cette terre ;
Mon vers semble la bouche ouverte d’un cratère ;
J’ai le farouche émoi
Que donne l’ouragan monstrueux au grand arbre ;
Mon cœur prend feu ; je sens tout ce que j’ai de marbre
Devenir lave en moi ;
Quoi ! rien de vrai ! le scribe a pour appui le reître ;
Toutes les robes, juge et vierge, femme et prêtre,
Mentent ou mentiront ;
Le dogme boit du sang, l’autel bénit le crime ;
Toutes les vérités, groupe triste et sublime,
Ont la rougeur au front ;
La sinistre lueur des rois est sur nos têtes ;
Le temple est plein d’enfer ; la clarté de nos fêtes
Obscurcit le ciel bleu ;
L’âme a le penchement d’un navire qui sombre ;
Et les religions, à tâtons, ont dans l’ombre
Pris le démon pour Dieu !
Oh ! qui me donnera des paroles terribles ?
Oh ! je déchirerai ces chartes et ces bibles,
Ces codes, ces korans !
Je pousserai le cri profond des catastrophes ;
Et je vous saisirai, sophistes, dans mes strophes,
Dans mes ongles, tyrans.
Ainsi, frémissant, pâle, indigné, je bouillonne ;
On ne sait quel essaim d’aigles noirs tourbillonne
Dans mon ciel embrasé ;
Deuil ! guerre ! une euménide en mon âme est éclose !
Quoi ! le mal est partout ! Je regarde une rose
Et je suis apaisé.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/01/parfois-je-me-sens-pris-art.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-01-24 13:16:132018-06-14 10:22:50VII. Parfois, je me sens pris d'horreur...
Est-il jour ? Est-il nuit ? horreur crépusculaire… – Les références
L’Année terrible – Mai ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 120.
Est-il jour ? Est-il nuit ? horreur crépusculaire… – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Est-il jour ? Est-il nuit ? horreur crépusculaire…, un poème du recueil L’Année terrible, Mai, de Victor Hugo.
Est-il jour ? Est-il nuit ? horreur crépusculaire…
Est-il jour ? Est-il nuit ? horreur crépusculaire… – Le texte
IV
Est-il jour ? Est-il nuit ? horreur crépusculaire !
Toute l’ombre est livrée à l’immense colère.
Coups de foudre, bruits sourds. Pâles, nous écoutons.
Le supplice imbécile et noir frappe à tâtons.
Rien de divin ne luit. Rien d’humain ne surnage.
Le hasard formidable erre dans le carnage,
Et mitraille un troupeau de vaincus, sans savoir
S’ils croyaient faire un crime ou remplir un devoir.
L’ombre engloutit Babel jusqu’aux plus hauts étages.
Des bandits ont tué soixante-quatre otages,
On réplique en tuant six mille prisonniers.
On pleure les premiers, on raille les derniers.
Le vent qui souffle a presque éteint cette veilleuse,
La conscience. Ô nuit ! brume ! heure périlleuse !
Les exterminateurs semblent doux, leur fureur
Plaît, et celui qui dit : Pardonnez ! fait horreur.
Ici l’armée et là le peuple ; c’est la France
Qui saigne ; et l’ignorance égorge l’ignorance.
Le droit tombe. Excepté Caïn, rien n’est debout.
Une sorte de crime épars flotte sur tout.
L’innocent paraît noir tant cette ombre le couvre.
L’un a brûlé le Louvre. Hein ? Qu’est-ce que le Louvre ?
Il ne le savait pas. L’autre, horribles exploits,
Fusille devant lui, stupide. Où sont les lois ?
Les ténèbres avec leurs sombres sœurs, les flammes,
Ont pris Paris, ont pris les cœurs, ont pris les âmes.
Je tue et ne vois pas. Je meurs et ne sais rien.
Tous mêlés, l’enfant blond, l’affreux galérien,
Pères, fils, jeunes, vieux, le démon avec l’ange,
L’homme de la pensée et l’homme de la fange,
Dans on ne sait quel gouffre expirent à la fois.
Dans l’effrayant brasier sait-on de quelles voix
Se compose le cri du bœuf d’airain qui beugle ?
La mort sourde, ô terreur, fauche la foule aveugle.
La Fin de Satan – Livre premier : Le Glaive ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie IV, p 17.
Nemrod – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Nemrod, un poème de La Fin de Satan, de Victor Hugo.
Nemrod
Nemrod – Le texte
Strophe première
Nemrod
1
De nouveaux jours brillaient ; la terre était vivante ;
Mais tout, comme autrefois, était plein d’épouvante.
L’ombre était sur Babel et l’horreur sur Endor.
On voyait le matin, quand l’aube au carquois d’or
Lance aux astres fuyants ses blanches javelines,
Des hommes monstrueux assis sur les collines ;
On entendait parler de formidables voix,
Et les géants allaient et venaient dans les bois.
2
Nemrod, comme le chêne est plus haut que les ormes,
Était le plus grand front parmi ces fronts énormes ;
Il était fils de Chus, fils de Cham, qui vivait
En Judée et prenait le Sina pour chevet.
Son aïeul était Cham, le fils au rire infâme,
Dont Noë dans la nuit avait rejeté l’âme.
Cham, depuis lors, grondait comme un vase qui bout.
Cham assis dépassait les colosses debout,
Et debout il faisait prosterner les colosses.
Il avait deux lions d’Afrique pour molosses.
Atlas et le Liban lugubre au sommet noir
Tremblaient quand il jouait de la flûte le soir ;
Parfois Cham, dans l’orage ouvrant ses mains fatales,
Tâchait de prendre au vol l’éclair aux angles pâles ;
Arrachant la nuée, affreux, blême, ébloui,
Il bondissait de roche en roche, et, devant lui,
Le tonnerre fuyait comme une sauterelle.
Si l’ouragan passait, Cham lui cherchait querelle.
Quand il fut vieux, Nemrod le laissa mourir seul.
Ayant ri comme fils, il pleura comme aïeul.
Donc Nemrod était fils de ces deux hommes sombres.
La terre était encor couverte de décombres
Quand était né, sous l’œil fixe d’Adonaï,
Ce Nemrod qui portait tant de ruine en lui.
Étant jeune, et, chassant les lynx dans leur refuge,
Il avait, en fouillant les fanges du déluge,
Trouvé dans cette vase un clou d’airain, tordu,
Colossal, noir débris de l’univers perdu,
Et qu’on eût dit forgé par les géants du rêve ;
Et de ce clou sinistre il avait fait son glaive.
Nemrod était profond comme l’eau Nagaïn ;
Son arc avait été fait par Tubalcaïn
Et douze jougs de bœuf l’eussent pu tendre à peine ;
Il entendait marcher la fourmi dans la plaine ;
Chacune de ses mains, affreux poignets de fer,
Avait six doigts pareils à des gonds de l’enfer ;
Ses cheveux se mêlaient aux nuages sublimes ;
Son cor prodigieux qui sonnait sur les cimes
Était fait d’une dent des antiques mammons,
Et ses flèches perçaient de part en part les monts.
3
Un jour, il vit un tigre et le saisit; la bête
Sauta, bondit, dressa son effroyable tête,
Et se mit à rugir dans les rocs effrayés
Comme la mer immense, et lui lécha les pieds ;
Et quand il eut dompté le tigre, il dompta l’homme ;
Et quand il eut pris l’homme, il prit Dan, Tyr, Sodome,
Suze, et tout l’univers du Caucase au delta,
Et quand il eut conquis le monde, il s’arrêta.
Alors il devint triste et dit: Que vais−je faire?
4
Son glaive nu donnait le frisson à la terre.
Derrière ce glaive âpre, affreux, hideux, rouillé,
La Guerre, se dressant comme un pâtre éveillé,
Levait à l’horizon sa face de fantôme.
Et, tout tremblants, au fond des cités, sous le chaume,
Les hommes éperdus distinguaient dans la nuit,
Et regardaient passer dans l’ombre et dans le bruit,
Fronde en main, et soufflant dans les trompes épiques,
Cet effrayant berger du noir troupeau des piques.
Ce spectre était debout à droite de Nemrod.
Nemrod, foulant aux pieds la tiare et l’éphod,
Avait atteint, béni du scribe et de l’augure,
Le sommet sombre où l’homme en dieu se transfigure.
Il avait pour ministre un eunuque nommé
Zaïm, et vivait seul, dans sa tour enfermé.
L’eunuque lui montrait du doigt le mal à faire.
Et Nemrod regardait comme l’aigle en son aire ;
Ses yeux fixes faisaient hurler le léopard.
Quand on disait son nom sur terre quelque part,
La momie ouvrait l’œil dans la grande syringe,
Et les peuples velus à la face de singe
Qui vivent dans des trous à la source du Nil
Tremblaient comme des chiens qui rentrent au chenil.
Les bêtes ne savaient s’il était homme ou bête.
Les hommes sous Nemrod comme sous la tempête
Se courbaient ; il était l’effroi, la mort, l’affront ;
Il avait le baiser de l’horreur sur le front ;
Les prêtres lui disaient: Ô Roi, Dieu vous admire!
Ur lui brûlait l’encens, Tyr lui portait la myrrhe.
Autour du conquérant le jour était obscur.
Il en avait noirci des deux côtés l’azur ;
À l’orient montait une sombre fumée
De cent villes brûlant dans la plaine enflammée ;
Au couchant, plein de mort, d’ossements, de tombeaux,
S’abattait un essaim immense de corbeaux ;
Et Nemrod contemplait, roi de l’horreur profonde,
Ces deux nuages noirs qu’il faisait sur le monde,
Et les montrait, disant : Nations, venez voir
Mon ombre en même temps sur l’aube et sur le soir.