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Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente une éclaircie dans le ciel.

X. Éclaircie

Éclaircie – Les références

Les contemplationsLivre sixième : Au bord de l’infini ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 498.

Éclaircie – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Éclaircie, un poème du Livre sixième – Au bord de l’infini, des Contemplations, de Victor Hugo.

Éclaircie


Éclaircie – Le texte

X
Éclaircie


L’Océan resplendit sous sa vaste nuée.
L’onde, de son combat sans fin exténuée,
S’assoupit, et, laissant l’écueil se reposer,
Fait de toute la rive un immense baiser.
On dirait qu’en tous lieux, en même temps, la vie
Dissout le mal, le deuil, l’hiver, la nuit, l’envie,
Et que le mort couché dit au vivant debout :
Aime ! et qu’une âme obscure, épanouie en tout,
Avance doucement sa bouche vers nos lèvres.
L’être, éteignant dans l’ombre et l’extase ses fièvres,
Ouvrant ses flancs, ses seins, ses yeux, ses cœurs épars,
Dans ses pores profonds reçoit de toutes parts
La pénétration de la sève sacrée.
La grande paix d’en haut vient comme une marée.
Le brin d’herbe palpite aux fentes du pavé ;
Et l’âme a chaud. On sent que le nid est couvé.
L’infini semble plein d’un frisson de feuillée.
On croit être à cette heure où la terre éveillée
Entend le bruit que fait l’ouverture du jour,
Le premier pas du vent, du travail, de l’amour,
De l’homme, et le verrou de la porte sonore,
Et le hennissement du blanc cheval aurore.
Le moineau d’un coup d’aile, ainsi qu’un fol esprit,
Vient taquiner le flot monstrueux qui sourit ;
L’air joue avec la mouche, et l’écume avec l’aigle ;
Le grave laboureur fait ses sillons et règle
La page où s’écrira le poëme des blés ;
Des pêcheurs sont là-bas sous un pampre attablés ;
L’horizon semble un rêve éblouissant où nage
L’écaille de la mer, la plume du nuage,
Car l’Océan est hydre et le nuage oiseau.
Une lueur, rayon vague, part du berceau
Qu’une femme balance au seuil d’une chaumière,
Dore les champs, les fleurs, l’onde et devient lumière
En touchant un tombeau qui dort près du clocher.
Le jour plonge au plus noir du gouffre, et va chercher
L’ombre, et la baise au front sous l’eau sombre et hagarde.
Tout est doux, calme, heureux, apaisé ; Dieu regarde.

Marine-Terrace, juillet 1855

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente l'océan au pied d'une falaise. On aperçoit une gerbe d'écume sur la droite.

IV. La source tombait du rocher…

La source tombait du rocher… – Les références

Les contemplationsLivre cinquième : En marche ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 433.

La source tombait du rocher… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter La source tombait du rocher…, un poème des Contemplations, En marche, de Victor Hugo.
Il est précédé de III. Écrit en 1846 et Écrit en 1855 et suivi de V. À Mademoiselle Louise B.

La source tombait du rocher…

La source tombait du rocher… – Le texte

IV

La source tombait du rocher
Goutte à goutte à la mer affreuse.
L’Océan, fatal au nocher,
Lui dit : « Que me veux-tu, pleureuse ?

« Je suis la tempête et l’effroi ;
« Je finis où le ciel commence.
« Est-ce que j’ai besoin de toi,
« Petite, moi qui suis l’immense ? »

La source dit au gouffre amer :
« Je te donne, sans bruit ni gloire,
« Ce qui te manque, ô vaste mer !
« Une goutte d’eau qu’on peut boire. »

Avril 1854.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente la tête rougissante d'une jeune femme aux joues roses.

XIX. Vieille chanson du jeune temps

Vieille chanson du jeune temps – Les références

Les contemplationsLivre premier : Aurore ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 285.

Vieille chanson du jeune temps – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Vieille chanson du jeune temps, un poème des Contemplations, Aurore, de Victor Hugo.
Il est précédé de XVIII. Les oiseaux et suivi de XX. À un poëte aveugle.

Vieille chanson du jeune temps


Vieille chanson du jeune temps – Le texte

XIX
Vieille chanson du jeune temps


Je ne songeais pas à Rose ;
Rose au bois vint avec moi ;
Nous parlions de quelque chose,
Mais je ne sais plus de quoi.

J’étais froid comme les marbres ;
Je marchais à pas distraits ;
Je parlais des fleurs, des arbres ;
Son œil semblait dire : « Après ? »

La rosée offrait ses perles,
Le taillis ses parasols ;
J’allais ; j’écoutais les merles,
Et Rose les rossignols.

Moi, seize ans, et l’air morose ;
Elle vingt ; ses yeux brillaient.
Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient.

Rose, droite sur ses hanches,
Leva son beau bras tremblant
Pour prendre une mûre aux branches ;
Je ne vis pas son bras blanc.

Une eau courait, fraîche et creuse,
Sur les mousses de velours ;
Et la nature amoureuse
Dormait dans les grands bois sourds.

Rose défit sa chaussure,
Et mit, d’un air ingénu,
Son petit pied dans l’eau pure ;
Je ne vis pas son pied nu.

Je ne savais que lui dire ;
Je la suivais dans le bois,
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois.

Je ne vis qu’elle était belle
Qu’en sortant des grands bois sourds.
« Soit ; n’y pensons plus ! » dit-elle.
Depuis, j’y pense toujours.

Paris, juin 1834.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente une jeune femme, Sara la baigneuse ?, dans le mouvement de la balançoire, presque nue, les yeux fermés.

XIX. Sara la baigneuse

Sara la baigneuse – Les références

Les Orientales ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie I, p 478.

Sara la baigneuse – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Sara la baigneuse, un poème du recueil Les Orientales, de Victor Hugo.

Sara la baigneuse – Version de Bouquins


Sara la baigneuse – Version corrigée par Hugo


Sara la baigneuse – Le texte

Sara la baigneuse

Le soleil et les vents, dans ces bocages sombres,
Des feuilles sur son front faisaient flotter les ombres.

ALFRED DE VIGNY.

XIX

Sara, belle d’indolence,
Se balance
Dans un hamac, au-dessus
Du bassin d’une fontaine
Toute pleine
D’eau puisée à l’Ilyssus ;

Et la frêle escarpolette
Se reflète
Dans le transparent miroir,
Avec la baigneuse blanche
Qui se penche,
Qui se penche pour se voir.

Chaque fois que la nacelle,
Qui chancelle,
Passe à fleur d’eau dans son vol,
On voit sur l’eau qui s’agite
Sortir vite
Son beau pied et son beau col.

Elle bat d’un pied timide
L’onde humide
Qui ride son clair tableau ;
du beau pied rougit l’albâtre ;
La folâtre
Rit de la fraîcheur de l’eau.

Reste ici caché : demeure !
Dans une heure,
D’un œil ardent tu verras
Sortir du bain l’ingénue,
Toute nue,
Croisant ses mains sur ses bras !

Car c’est un astre qui brille
Qu’une fille
Qui sort d’un bain au flot clair,
Cherche s’il ne vient personne,
Et frissonne
Toute mouillée au grand air !

Elle est là, sous la feuillée,
Éveillée
Au moindre bruit de malheur ;
Et rouge, pour une mouche
Qui la touche,
Comme une grenade en fleur.

On voit tout ce que dérobe
Voile ou robe ;
Dans ses yeux d’azur en feu,
Son regard que rien ne voile
Et l’étoile
Qui brille au fond d’un ciel bleu.

L’eau sur son corps qu’elle essuie
Roule en pluie,
Comme sur un peuplier ;
Comme si, gouttes à gouttes,
Tombaient toutes
Les perles de son collier.

Mais Sara la nonchalante
Est bien lente
À finir ses doux ébats ;
Toujours elle se balance
En silence,
Et va murmurant tout bas :

« Oh ! si j’étais capitane,
» Ou sultane,
» Je prendrais des bains ambrés,
» Dans un bain de marbre jaune,
» Près d’un trône,
» Entre deux griffons dorés !

» J’aurais le hamac de soie
» Qui se ploie
» Sous le corps prêt à pâmer ;
» J’aurais la molle ottomane
» Dont émane
» Un parfum qui fait aimer.

» Je pourrais folâtrer nue,
» Sous la nue,
» Dans le ruisseau du jardin,
» Sans craindre de voir dans l’ombre
» Du bois sombre
» Des yeux s’allumer soudain.

» Il faudrait risquer sa tête
» Inquiète,
» Et tout braver pour me voir,
» Le sabre nu de l’heyduque,
» Et l’eunuque
» Aux dents blanches, au front noir !

» Puis, je pourrais sans qu’on presse
» Ma paresse,
» Laisser avec mes habits
» Traîner sur les larges dalles
» Mes sandales
» De drap brodé de rubis. »

Ainsi se parle en princesse,
Et sans cesse
Se balance avec amour
La jeune fille rieuse,
Oublieuse
Des promptes ailes du jour.

L’eau, du pied de la baigneuse
Peu soigneuse,
Rejaillit sur le gazon,
Sur sa chemise plissée,
Balancée
Aux branches d’un vert buisson.

Et cependant des campagnes
Ses compagnes
Prennent toutes le chemin.
Voici leur troupe frivole
Qui s’envole
En se tenant par la main.

Chacune, en chantant comme elle,
Passe, et mêle
Ce reproche à sa chanson :
– Oh ! la paresseuse fille
Qui s’habille
Si tard un jour de moisson !

Juillet 1828.

Remarque

Vous avez pu le remarquer, je propose deux versions de ce poème, deux enregistrements. Tout simplement parce que le texte n’est pas le même. La quatrième strophe a été corrigée ainsi par Hugo :

Elle bat d’un pied timide
L’onde humide
Où tremble un mouvant tableau,
Fait rougir son pied d’albâtre,
Et, folâtre,
Rit de la fraîcheur de l’eau.

Je vous invite à écouter et comparer ces deux versions et à me dire celle que vous préférez. La première enregistrée, et dont le texte est ci-dessus publié, se trouve dans la 5e édition parue en même temps que la 1e en 1829 et consultable sur le site Gallica de la B.N.F.