Articles

XXII. André Chénier

André Chénier – Les références

La Légende des siècles – Nouvelle SérieXVIII. Le Groupe des idylles ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 450.
Autre référence : Collection Poésie/Gallimard, La Légende des sièclesXXXVI. Le Groupe des idylles, p. 596.

André Chénier – L’enregistrement

Un premier enregistrement

Je vous invite à écouter André Chénier, un poème du recueil La Légende des siècles – Nouvelle Série, de Victor Hugo.

André Chénier


André Chénier – Le texte

XXII
André Chénier


Ô belle, le charmant scandale des oiseaux
Dans les arbres, les fleurs, les prés et les roseaux,
Les rayons rencontrant les aigles dans les nues,
L’orageuse gaîté des néréides nues
Se jetant de l’écume et dansant dans les flots,
Blancheurs qui font rêver au loin les matelots,
Ces ébats glorieux des déesses mouillées
Prenant pour lit les mers comme toi les feuillées,
Tout ce qui joue, éclate et luit sur l’horizon
N’a pas plus de splendeur que ta fière chanson.
Ton chant ajouterait de la joie aux dieux mêmes.
Tu te dresses superbe. En même temps tu m’aimes ;
Et tu viens te rasseoir sur mes genoux. Psyché
Par moments comme toi prenait un air fâché,
Puis se jetait au cou du jeune dieu, son maître.
Est-ce qu’on peut bouder l’amour ? Aimer, c’est naître ;
Aimer, c’est savourer, aux bras d’un être cher,
La quantité de ciel que Dieu mit dans la chair ;
C’est être un ange avec la gloire d’être un homme.
Oh ! ne refuse rien. Ne sois pas économe.
Aimons ! Ces instants-là sont les seuls bons et sûrs.
Ô volupté mêlée aux éternels azurs !
Extase ! ô volonté de là-haut ! Je soupire,
Tu songes. Ton cœur bat près du mien. Laissons dire
Les oiseaux, et laissons les ruisseaux murmurer.
Ce sont des envieux. Belle, il faut s’adorer.
Il faut aller se perdre au fond des bois farouches.
Le ciel étoilé veut la rencontre des bouches ;
Une lionne cherche un lion sur les monts.
Chante ! il faut chanter. Aime ! il faut aimer. Aimons.
Pendant que tu souris, pendant que mon délire
Abuse de ce doux consentement du rire,
Pendant que d’un baiser complice tu m’absous,
La vaste nuit funèbre est au-dessous de nous,
Et les morts, dans l’Hadès plein d’effrayants décombres,
Regardent se lever, sur l’horizon des ombres,
Les astres ténébreux de l’Érèbe qui font
Trembler leurs feux sanglants dans l’eau du Styx profond.

Remarque

J’ai longtemps porté en moi ces vers sans savoir d’où ils venaient : Aimer, c’est savourer, aux bras d’un être cher, / La quantité de ciel que Dieu mit dans la chair. Je suis heureux de pouvoir réparer cet oubli auprès de ceux qui, comme moi, ne connaissent pas leur origine.