En voyant passer des brebis tondues
En voyant passer des brebis tondues – Les références
Le Pape ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 888.
En voyant passer des brebis tondues – L’enregistrement et le texte
Je vous invite à écouter ou à lire En voyant passer des brebis tondues, un poème du recueil Le Pape, de Victor Hugo.
En voyant passer des brebis tondues
Les sombres vents du soir soufflent de tous côtés...
Les sombres vents du soir soufflent de tous côtés….
Les sombres vents du soir soufflent de tous côtés… – Le texte
Les sombres vents du soir soufflent de tous côtés.
Ô brebis, ô troupeaux, ô peuples, grelottez.
Où donc est votre laine, ô marcheurs lamentables ?
Allez loin de vos toits et loin de vos étables,
Sous le givre et la pluie, allez, allez, allez !
Où donc est votre laine, ô pauvres accablés,
Vous qui nourrissez tout, hélas! et qu’on affame ?
Peuple, où donc sont tes droits? Homme, où donc est ton âme ?
Ô laboureur, où donc est ta gerbe ? O maçon,
Constructeur, bâtisseur, où donc est ta maison?
Où donc sont les esprits mis sous votre tutelle,
Docteurs ? Et ta pudeur, ô femme, où donc est-elle ?
Hélas ! j’entends sonner les clairons triomphants ;
Vierge, où sont tes amours ? mère, où sont tes enfants ?
Grelottez, ô bétail dépouillé, pauvres êtres !
Votre laine n’est pas à vous, elle est aux maîtres,
Elle est à ceux pour qui le chien aboie, à ceux
Qui sont les rois, les forts, les grands, les paresseux !
À ceux qui pour servante ont votre destinée !
C’est à vous cependant que Dieu l’avait donnée,
Cette laine sacrée, et dans la profondeur
Dieu maudit les ciseaux lugubres du tondeur !
Ah ! malheureux en proie aux heureux ! Honte aux maîtres !
Où donc sont ces bergers qu’on appelle les prêtres ?
Nul ne te défend, peuple, ô troupeau qui m’es cher,
Et l’on te prend ta laine en attendant ta chair.
La nuit vient.
Ils courent par moments ; les coups inexorables...
Ils courent par moments ; les coups inexorables…
Ils courent par moments ; les coups inexorables… – Le texte
Ils courent par moments ; les coups inexorables
Pleuvent, et l’on croit voir, avec ces misérables,
La vérité, le droit, la raison, l’équité,
Tout ce qu’on a de juste au fond du cœur, fouetté !
Où donc la conduit-on, cette foule hagarde,
Tremblante sous le soir terrible ? qui la garde ?
Comme ils sont harcelés, effrayés, éperdus !
Où vont ces sombres pas par derrière mordus ?
Ils courent… ― on dirait le passage d’un songe.
La bise souffle et semble un serpent qui s’allonge.
Est-ce que le mystère est lui-même contre eux ?
Pourquoi tant d’aquilons sur tant de malheureux ?
S’il est des anges noirs volant dans ces ténèbres,
Je les implore ! ô vents, grâce ! ô plafonds funèbres,
Ayez pitié ! l’on souffre. Ah ! que d’infortunés !
Qui donc s’acharne ainsi sur les pauvres ? Donnez
D’autres ordres, esprits de l’ombre, à la tempête !
Dans l’échevèlement sauvage du prophète
Le vent peut se jouer, car le prophète est fort ;
Mais soufflant sur le faible en pleurs, le ciel a tort.
Oui, je te donne tort, ciel profond qui m’écoutes ;
C’est trop d’ombre. Oh ! pitié ! Des deux côtés des routes
Tout est brume, erreur, doute ; et le brouillard trompeur
Les glace et les aveugle ; ils ont froid, ils ont peur.
L’obscurité redouble.
De qui ce vent farouche est-il donc le ministre ?
De qui ce vent farouche est-il donc le ministre ?
De qui ce vent farouche est-il donc le ministre ? – Le texte
De qui ce vent farouche est-il donc le ministre ?
Allez, disparaissez à l’horizon sinistre.
Passe, ô blême troupeau dans la brume décru.
Que deviennent-ils donc quand ils ont disparu ?
Que deviennent-ils donc quand ils sont invisibles ?
Ils tombent dans ce gouffre obscur : tous les possibles !
Ils s’en vont, ils s’en vont, ils s’en vont, nus, épars
Sur des pentes sans but croulant de toutes parts.
Ô pâle foule en fuite ! ô noirs troupeaux en marche !
Perdus dans l’immense ombre où jadis flottait l’arche !
Nul deuil n’est comparable à l’affreux sort de ceux
Qui s’en vont ne laissant que du rêve après eux.
Le destin, composé d’énigmes nécessaires,
Hélas ! met au delà de toutes les misères,
De tout ce qui gémit, saigne et s’évanouit,
Le morne effacement des errants dans la nuit !