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Ce détail 'un dessin de Victor Hugo représente la proue relevée d'un navire en train de sombrer.

II. Les martyres

Les martyres – Les références

ChâtimentsLivre VI – La Stabilité est assurée ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 140.

Les martyres – Enregistrement

Je vous invite à écouter le poème Les martyres, du Livre VI – La Stabilité est assurée, du recueil Châtiments, de Victor Hugo.

Les martyres


Les martyres – Le texte

II
Les martyres


Ces femmes, qu’on envoie aux lointaines bastilles,
Peuple, ce sont tes sœurs, tes mères et tes filles !
Ô peuple, leur forfait, c’est de t’avoir aimé !
Paris sanglant, courbé, sinistre, inanimé,
Voit ces horreurs et garde un silence farouche.

Celle-ci, qu’on amène un bâillon dans la bouche,
Cria (c’est là son crime) : — à bas la trahison !
Ces femmes sont la foi, la vertu, la raison,
L’équité, la pudeur, la fierté, la justice.
Saint-Lazare — il faudra broyer cette bâtisse !
Il n’en restera pas pierre sur pierre un jour ! —
Les reçoit, les dévore, et, quand revient leur tour,
S’ouvre, et les revomit par son horrible porte,
Et les jette au fourgon hideux qui les emporte.
Où vont-elles ? L’oubli le sait, et le tombeau
Le raconte au cyprès et le dit au corbeau.

Une d’elles était une mère sacrée.
Le jour qu’on l’entraîna vers l’Afrique abhorrée,
Ses enfants étaient là qui voulaient l’embrasser ;
On les chassa. La mère en deuil les vit chasser
Et dit : — partons ! — Le peuple en larmes criait grâce.
La porte du fourgon étant étroite et basse,
Un argousin joyeux, raillant son embonpoint,
La fit entrer de force en la poussant du poing.

Elles s’en vont ainsi, malades, verrouillées,
Dans le noir chariot aux cellules souillées
Où le captif, sans air, sans jour, sans pleurs dans l’œil,
N’est plus qu’un mort vivant assis dans son cercueil.
Dans la route on entend leurs voix désespérées.
Le peuple hébété voit passer ces torturées.
À Toulon, le fourgon les quitte, le ponton
Les prend ; sans vêtements, sans pain, sous le bâton,
Elles passent la mer, veuves, seules au monde,
Mangeant avec les doigts dans la gamelle immonde.

Bruxelles, juillet 1852

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente le buste d'une femme ayant de grands cheveux et portant un masque.

XI. Les femmes sont sur la terre…

Les femmes sont sur la terre… – Les références

Les ContemplationsLivre deuxième : L’Âme en fleur ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 308.

Les femmes sont sur la terre… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Les femmes sont sur la terre…, un poème du recueil Les Contemplations, L’Âme en fleur, de Victor Hugo.
Il est précédé de X. Mon bras pressait ta taille frêle… et suivi de XII. Églogue.

Les femmes sont sur la terre…


Les femmes sont sur la terre… – Le texte

XI


Les femmes sont sur la terre
Pour tout idéaliser ;
L’univers est un mystère
Que commente leur baiser.

C’est l’amour qui, pour ceinture,
A l’onde et le firmament,
Et dont toute la nature,
N’est, au fond, que l’ornement.

Tout ce qui brille, offre à l’âme
Son parfum ou sa couleur ;
Si Dieu n’avait fait la femme,
Il n’aurait pas fait la fleur.

À quoi bon vos étincelles,
Bleus saphirs, sans les yeux doux ?
Les diamants, sans les belles,
Ne sont plus que des cailloux ;

Et, dans les charmilles vertes,
Les roses dorment debout,
Et sont des bouches ouvertes
Pour ne rien dire du tout.

Tout objet qui charme ou rêve
Tient des femmes sa clarté ;
La perle blanche, sans Ève,
Sans toi, ma fière beauté,

Ressemblant, tout enlaidie,
À mon amour qui te fuit,
N’est plus que la maladie
D’une bête dans la nuit.

Paris, avril 18..