Les Chansons des rues et des bois – Livre premier : Jeunesse – I. Floréal ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 908.
Le lendemain – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Le lendemain, un poème de la section IV. Pour d’autres, du Livre premier : Jeunesse, du recueil Les Chansons des rues et des bois, de Victor Hugo.
Il est précédé de VII. Choses écrites à Créteil et suivi de IX. Fuis l’éden des ange déchus…, non encore enregistré sur ce site.
Le lendemain
Le lendemain – Le texte
VIII
Le lendemain
Un vase, flanqué d’un masque,
En faïence de Courtrai,
Vieille floraison fantasque
Où j’ai mis un rosier vrai,
Sur ma fenêtre grimace,
Et, quoiqu’il soit assez laid,
Ce matin, du toit d’en face,
Un merle ami lui parlait.
Le merle, oiseau leste et braque,
Bavard jamais enrhumé,
Est pitre dans la baraque
Toute en fleurs, du mois de mai.
Il contait au pot aux roses
Un effronté boniment,
Car il faut de grosses choses
Pour faire rire un Flamand.
Sur une patte, et l’air farce,
Et comme on vide un panier,
Il jetait sa verve éparse
De son toit à mon grenier.
Gare au mauvais goût des merles !
J’omets ses propos hardis ;
Son bec semait peu de perles ;
Et moi, rêveur, je me dis :
La minute est opportune ;
Je suis à m’éprendre enclin ;
Puisque j’ai cette fortune
De rencontrer un malin,
Il faut que je le consulte
Sur ma conquête d’hier.
Et je criai : — Merle adulte,
Sais-tu pourquoi je suis fier ?
Il dit, gardant sa posture,
Semblable au diable boiteux :
— C’est pour la même aventure
Dont Gros-Guillaume est honteux.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/06/le-lendemain-autres-chansons.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-06-13 15:47:192018-06-14 10:20:14VIII. Le lendemain
Les Chansons des rues et des bois – Livre premier : Jeunesse – II. Les Complications de l’idéal ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 859.
Paulo minora canamus – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Paulo minora canamus, premier poème de II. Les Complications de l’idéal, du Livre premier : Jeunesse, du recueil Les Chansons des rues et des bois, de Victor Hugo.
Paulo minora canamus
Paulo minora canamus – Le texte
I
Paulo minora canamus
À un ami
C’est vrai, pour un instant je laisse
Tous nos grands problèmes profonds ;
Je menais des monstres en laisse,
J’errais sur le char des griffons.
J’en descends, je mets pied à terre ;
Plus tard, demain, je pousserai
Plus loin encor dans le mystère
Les strophes au vol effaré.
Mais l’aigle aujourd’hui me distance ;
(Sois tranquille, aigle, on t’atteindra !)
Ma strophe n’est plus qu’une stance ;
Meudon remplace Denderah.
Je suis avec l’onde et le cygne,
Dans les jasmins, dans floréal,
Dans juin, dans le blé, dans la vigne,
Dans le grand sourire idéal.
Je sors de l’énigme et du songe.
La mort, le joug, le noir, le bleu,
L’échelle des êtres qui plonge
Dans ce gouffre qu’on nomme Dieu ;
Les vastes profondeurs funèbres,
L’abîme infinitésimal,
La sombre enquête des ténèbres,
Le procès que je fais au mal ;
Mes études sur tout le bagne,
Sur les juifs, sur les esclavons ;
Mes visions sur la montagne ;
J’interromps tout cela ; vivons.
J’ajourne cette œuvre insondable ;
J’ajourne Méduse et Satan ;
Et je dis au sphinx formidable :
Je parle à la rose, va-t’en.
Ami, cet entr’acte te fâche.
Qu’y faire ? Les bois sont dorés ;
Je mets sur l’affiche : Relâche ;
Je vais rire un peu dans les prés.
Je m’en vais causer dans la loge
D’avril, ce portier de l’été.
Exiges-tu que j’interroge
Le bleuet sur l’éternité ?
Faut-il qu’à l’abeille en ses courses,
Au lys, au papillon qui fuit,
À la transparence des sources,
Je montre le front de la nuit ?
Faut-il, effarouchant les ormes,
Les tilleuls, les joncs, les roseaux,
Pencher les problèmes énormes
Sur le nid des petits oiseaux ?
Mêler l’abîme à la broussaille ?
Mêler le doute à l’aube en pleurs ?
Quoi donc ! ne veux-tu pas que j’aille
Faire la grosse voix aux fleurs ?
Sur l’effrayante silhouette
Des choses que l’homme entrevoit,
Vais-je interpeller l’alouette
Perchée aux tuiles de mon toit ?
Ne serai-je pas à cent lieues
Du bon sens, le jour où j’irai
Faire expliquer aux hochequeues
Le latin du Dies Iræ ?
Quand, de mon grenier, je me penche
Sur la laveuse qu’on entend,
Joyeuse, dans l’écume blanche
Plonger ses coudes en chantant,
Veux-tu que, contre cette sphère
De l’infini sinistre et nu,
Où saint Jean frémissant vient faire
Des questions à l’Inconnu,
Contre le globe âpre et sans grèves,
Sans bornes, presque sans espoir,
Où la vague foudre des rêves
Se prolonge dans le ciel noir,
Contre l’astre et son auréole,
Contre l’immense que-sait-on,
Je heurte la bulle qui vole
Hors du baquet de Jeanneton ?
Remarques
Paulo minora canamus signifie « Chantons des sujets plus humbles ». Contrepied de Hugo par rapport à Virgile qui écrivait : Paulo majora canamus.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/06/paulo-minora-canamus-ideal-chansons.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-06-12 13:15:372018-06-14 10:20:15I. Paulo minora canamusÀ un ami
Les Chansons des rues et des bois – Livre premier : Jeunesse – I. Floréal ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 848.
Le poëte bat aux champs – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Le poëte bat aux champs, un poème du Livre premier : Jeunesse, I. Floréal, du recueil Les Chansons des rues et des bois, de Victor Hugo. Exceptionnellement, je vous propose deux versions de ce texte. Dans Autre remarque, tout en bas de la page, je vous explique pourquoi.
Il est précédé par III. ΨYXH et suivi de V. Interruption à une lecture de Platon.
Le poëte bat aux champs – Première version
Le poëte bat aux champs – Deuxième version
Le poëte bat aux champs – Le texte
IV
Le poëte bat aux champs
I
Aux champs, compagnons et compagnes !
Fils, j’élève à la dignité
De géorgiques les campagnes
Quelconques où flambe l’été !
Flamber, c’est là toute l’histoire
Du cœur, des sens, de la saison.
Et de la pauvre mouche noire
Que nous appelons la raison.
Je te fais molosse, ô mon dogue !
L’acanthe manque ? j’ai le thym.
Je nomme Vaugirard églogue ;
J’installe Amyntas à Pantin.
La nature est indifférente
Aux nuances que nous créons
Entre Gros-Guillaume et Dorante ;
Tout pampre a ses Anacréons.
L’idylle volontiers patoise.
Et je ne vois point que l’oiseau
Préfère Haliarte à Pontoise
Et Coronée à Palaiseau.
Les plus beaux noms de la Sicile
Et de la Grèce ne font pas
Que l’âne au fouet soit plus docile,
Que l’amour fuie à moins grand pas.
Les fleurs sont à Sèvre aussi fraîches
Que sur l’Hybla, cher au sylvain ;
Montreuil mérite avec ses pêches
La garde du dragon divin.
Marton nue est Phyllis sans voiles ;
Fils, le soir n’est pas plus vermeil,
Sous son chapeau d’ombre et d’étoiles,
À Banduse qu’à Montfermeil.
Bercy pourrait griser sept sages ;
Les Auteuils sont fils des Tempés ;
Si l’Ida sombre a des nuages,
La guinguette a des canapés.
Rien n’est haut ni bas ; les fontaines
Lavent la pourpre et le sayon ;
L’aube d’Ivry, l’aube d’Athènes,
Sont faites du même rayon.
J’ai déjà dit parfois ces choses,
Et toujours je les redirai ;
Car du fond de toutes les proses
Peut s’élancer le vers sacré.
Si Babet a la gorge ronde,
Babet égale Pholoé.
Comme Chypre la Beauce est blonde,
Larifla descend d’Évohé.
Toinon, se baignant sur la grève,
A plus de cheveux sur le dos
Que la Callyrhoé qui rêve
Dans le grand temple d’Abydos.
Çà, que le bourgeois fraternise
Avec les satyres cornus !
Amis, le corset de Denise
Vaut la ceinture de Vénus.
II
Donc, fuyons Paris ! plus de gêne !
Bergers, plantons là Tortoni !
Allons boire à la coupe pleine
Du printemps, ivre d’infini.
Allons fêter les fleurs exquises,
Partons ! quittons, joyeux et fous,
Pour les dryades, les marquises,
Et pour les faunes, les voyous !
Plus de bouquins, point de gazettes !
Je hais cette submersion.
Nous irons cueillir des noisettes
Dans l’été, fraîche vision.
La banlieue, amis, peut suffire.
La fleur, que Paris souille, y naît.
Flore y vivait avec Zéphire
Avant de vivre avec Brunet.
Aux champs les vers deviennent strophes ;
À Paris, l’étang, c’est l’égout.
Je sais qu’il est des philosophes
Criant très haut : — « Lutèce est tout !
« Les champs ne valent pas la ville ! »
Fils, toujours le bon sens hurla
Quand Voltaire à Damilaville
Dit ces calembredaines-là.
III
Aux champs, la nuit est vénérable,
Le jour rit d’un rire enfantin ;
Le soir berce l’orme et l’érable,
Le soir est beau ; mais le matin,
Le matin, c’est la grande fête ;
C’est l’auréole où la nuit fond,
Où le diplomate a l’air bête,
Où le bouvier a l’air profond.
La fleur d’or du pré d’azur sombre,
L’astre, brille au ciel clair encor ;
En bas, le bleuet luit dans l’ombre,
Étoile bleue en un champ d’or.
L’oiseau court, les taureaux mugissent ;
Les feuillages sont enchantés ;
Les cercles du vent s’élargissent
Dans l’ascension des clartés.
L’air frémit ; l’onde est plus sonore ;
Toute âme entr’ouvre son secret ;
L’univers croit, quand vient l’aurore,
Que sa conscience apparaît.
IV
Quittons Paris et ses casernes.
Plongeons-nous, car les ans sont courts,
Jusqu’aux genoux dans les luzernes
Et jusqu’au cœur dans les amours.
Joignons les baisers aux spondées ;
Souvenons-nous que le hautbois
Donnait à Platon des idées
Voluptueuses, dans les bois.
Vanve a d’indulgentes prairies ;
Ville-d’Avray ferme les yeux
Sur les douces gamineries
Des cupidons mystérieux.
Là, les Jeux, les Ris, et les Farces
Poursuivent, sous les bois flottants,
Les chimères de joie éparses
Dans la lumière du printemps.
L’onde à Triel est bucolique ;
Asnière a des flux et reflux
Où vogue l’adorable clique
De tous ces petits dieux joufflus.
Le sel attique et l’eau de Seine
Se mêlent admirablement.
Il n’est qu’une chose malsaine,
Jeanne, c’est d’être sans amant.
Que notre ivresse se signale !
Allons où Pan nous conduira.
Ressuscitons la bacchanale,
Cette aïeule de l’opéra.
Laissons, et même envoyons paître
Les bœufs, les chèvres, les brebis,
La raison, le garde-champêtre !
Fils, avril chante, crions bis !
Qu’à Gif, grâce à nous, le notaire
Et le marguillier soient émus,
Fils, et qu’on entende à Nanterre
Les vagues flûtes de l’Hémus !
Acclimatons Faune à Vincenne,
Sans pourtant prendre pour conseil
L’immense Aristophane obscène,
Effronté comme le soleil.
Rions du maire, ou de l’édile ;
Et mordons, en gens convaincus,
Dans cette pomme de l’idylle
Où l’on voit les dents de Moschus.
Remarques
Situer le berger Amyntas à Pantin conduit à la juxtaposition de noms consacrés par la littérature gréco-latine et de noms familiers. Elle illustre le dessein poétique énoncé dans la première strophe.
Pholoé est le nom d’une montagne ; Larifla est un nom inventé dans une chanson badine ; Évohé est le cri que lancent les bacchantes.
Autre remarque
Je vous ai proposé deux versions de ce poème car, dans la première, j’ai fait un petit lapsus…
Qui découvrira ce lapsus ?
D’autre part, quelle version préférez-vous ?
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/06/lepoete-batauxchamps-floreal-chansons.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-06-11 12:23:422018-06-14 10:20:15IV. Le poëte bat aux champs
Quand les guignes furent mangées… – Les références
Les Chansons des rues et des bois – Livre premier : Jeunesse – I. Floréal ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 853.
Quand les guignes furent mangées… – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Quand les guignes furent mangées…, un poème du Livre premier : Jeunesse, I. Floréal, du recueil Les Chansons des rues et des bois, de Victor Hugo.
Il est précédé par V. Interruption à une lecture de Platon et suivi de VII. Genio Libri, non encore enregistré sur ce site.
Quand les guignes furent mangées…
Quand les guignes furent mangées… – Le texte
VI
Quand les guignes furent mangées,
Elle s’écria tout à coup :
— J’aimerais bien mieux des dragées.
Est-il ennuyeux, ton Saint-Cloud !
On a grand soif ; au lieu de boire,
On mange des cerises ; voi,
C’est joli, j’ai la bouche noire
Et j’ai les doigts bleus ; laisse-moi. —
Elle disait cent autres choses,
Et sa douce main me battait.
Ô mois de juin ! rayons et roses !
L’azur chante et l’ombre se tait.
J’essuyai, sans trop lui déplaire,
Tout en la laissant m’accuser,
Avec des fleurs sa main colère,
Et sa bouche avec un baiser.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/06/quand-les-guignes-floreal-chansons.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-06-10 10:49:392018-06-14 10:20:15VI. Quand les guignes furent mangées...
Interruption à une lecture de Platon – Les références
Les Chansons des rues et des bois – Livre premier : Jeunesse – I. Floréal ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 852.
Interruption à une lecture de Platon – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Interruption à une lecture de Platon, un poème du Livre premier : Jeunesse, I. Floréal, du recueil Les Chansons des rues et des bois, de Victor Hugo.
Il est précédé par IV. Le Poëte bat aux champs et suivi de VI. Quand les guignes furent mangées….
Interruption à une lecture de Platon
Interruption à une lecture de Platon – Le texte
V
Interruption à une lecture de Platon
Je lisais Platon. — J’ouvris
La porte de ma retraite,
Et j’aperçus Lycoris,
C’est-à-dire Turlurette.
Je n’avais pas dit encor
Un seul mot à cette belle.
Sous un vague plafond d’or
Mes rêves battaient de l’aile.
La belle, en jupon gris-clair,
Montait l’escalier sonore ;
Ses frais yeux bleus avaient l’air
De revenir de l’aurore.
Elle chantait un couplet
D’une chanson de la rue
Qui dans sa bouche semblait
Une lumière apparue.
Son front éclipsa Platon.
Ô front céleste et frivole !
Un ruban sous son menton
Rattachait son auréole.
Elle avait l’accent qui plaît,
Un foulard pour cachemire,
Dans sa main son pot au lait,
Des flammes dans son sourire.
Et je lui dis (le Phédon
Donne tant de hardiesse !) :
— Mademoiselle, pardon,
Ne seriez-vous pas déesse ?
Remarque
Le hasard a fait que le micro professionnel que j’utilise n’était pas branché lord d’un premier enregistrement. Je vous propose d’écouter la différence entre le bon enregistrement (ci-dessus) et celui réalisé avec le microphone inclus dans l’ordinateur :
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/06/interruption-aunelecture-deplaton-floreal-chansons.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-06-09 12:17:482018-06-14 10:20:16V. Interruption à une lecture de Platon
Les Chansons des rues et des bois – Livre premier : Jeunesse – I. Floréal ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 847.
Psyché dans ma chambre est entrée,
Et j’ai dit à ce papillon :
— « Nomme-moi la chose sacrée.
« Est-ce l’ombre ? est-ce le rayon ?
« Est-ce la musique des lyres ?
« Est-ce le parfum de la fleur ?
« Quel est entre tous les délires
« Celui qui fait l’homme meilleur ?
« Quel est l’encens ? quelle est la flamme ?
« Et l’organe de l’avatar,
« Et pour les souffrants le dictame,
« Et pour les heureux le nectar ?
« Enseigne-moi ce qui fait vivre,
« Ce qui fait que l’œil brille et voit !
« Enseigne-moi l’endroit du livre
« Où Dieu pensif pose son doigt.
« Qu’est-ce qu’en sortant de l’Érèbe
« Dante a trouvé de plus complet ?
« Quel est le mot des sphinx de Thèbe
« Et des ramiers du Paraclet ?
« Quelle est la chose, humble et superbe,
« Faite de matière et d’éther,
« Où Dieu met le plus de son verbe
« Et l’homme le plus de sa chair ?
« Quel est le pont que l’esprit montre,
« La route de la fange au ciel,
« Où Vénus Astarté rencontre
« À mi-chemin Ithuriel ?
« Quelle est la clef splendide et sombre,
« Comme aux élus chère aux maudits,
« Avec laquelle on ferme l’ombre
« Et l’on ouvre le paradis ?
« Qu’est-ce qu’Orphée et Zoroastre,
« Et Christ que Jean vint suppléer,
« En mêlant la rose avec l’astre,
« Auraient voulu pouvoir créer ?
« Puisque tu viens d’en haut, déesse,
« Ange, peut-être le sais-tu ?
« Ô Psyché ! quelle est la sagesse ?
« Ô Psyché ! quelle est la vertu ?
« Qu’est-ce que, pour l’homme et la terre,
« L’infini sombre a fait de mieux ?
« Quel est le chef-d’œuvre du père ?
« Quel est le grand éclair des cieux ? »
Posant sur mon front, sous la nue,
Ses ailes qu’on ne peut briser,
Entre lesquelles elle est nue,
Psyché m’a dit : C’est le baiser.
Remarques
ΨYXH : souffle, âme, papillon. Psyché, qui aima Cupidon, était représentée dans la peinture pompéienne en petite fille ailée, en papillon.
Le Paraclet désigne le Saint-Esprit.
Dans le Paradis perdu de Milton, le chérubin Ithuriel est envoyé par l’archange Gabriel à la recherche de Satan.
Les Chansons des rues et des bois – Livre premier : Jeunesse – I. Floréal ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 845.
Orphée, aux bois du Caÿstre… – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Orphée, aux bois du Caÿstre…, premier poème du Livre premier : Jeunesse, I. Floréal, du recueil Les Chansons des rues et des bois, de Victor Hugo.
Il est précédé par I. Ordre du jour de Floréal et suivi de III. ΨYXH.
Orphée, aux bois du Caÿstre…
Orphée, aux bois du Caÿstre… – Le texte
II
Orphée, aux bois du Caÿstre,
Écoutait, quand l’astre luit,
Le rire obscur et sinistre
Des inconnus de la nuit.
Phtas, la sibylle thébaine,
Voyait près de Phygalé
Danser des formes d’ébène
Sur l’horizon étoilé.
Eschyle errait à la brune
En Sicile, et s’enivrait
Des flûtes du clair de lune
Qu’on entend dans la forêt.
Pline, oubliant toutes choses
Pour les nymphes de Milet,
Épiait leurs jambes roses
Quand leur robe s’envolait.
Plaute, rodant à Viterbe
Dans les vergers radieux,
Ramassait parfois dans l’herbe
Des fruits mordus par les dieux.
Versaille est un lieu sublime
Où le faune, un pied dans l’eau,
Offre à Molière la rime,
Étonnement de Boileau.
Le vieux Dante, à qui les âmes
Montraient leur sombre miroir,
Voyait s’évader des femmes
Entre les branches le soir.
André Chénier sous les saules
Avait l’éblouissement
De ces fuyantes épaules
Dont Virgile fut l’amant.
Shakspeare, aux aguets derrière
Le chêne aux rameaux dormants,
Entendait dans la clairière
De vagues trépignements.
Ô feuillage, tu m’attires ;
Un dieu t’habite ; et je crois
Que la danse des satyres
Tourne encore au fond des bois.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/06/orphee-auxbois-floreal-chansons-bois.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-06-07 12:12:342018-06-14 10:20:17II. Orphée, aux bois du Caÿstre...
Les Chansons des rues et des bois – Livre premier : Jeunesse – VI. L’Éternel Petit Roman ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 945.
À la belle impérieuse – L’enregistrement
Je vous invite à écouter À la belle impérieuse, poème du recueil Les Chansons des rues et des bois, du Livre premier : Jeunesse, VI. L’Éternel Petit Roman, de Victor Hugo.
Il est précédé du poème VI. C’est parce qu’elle se taisait et suivi du poème VIII. Sommation irrespectueuse.
À la belle impérieuse
À la belle impérieuse – Le texte
VII
À la belle impérieuse
L’amour, panique
De la raison,
Se communique
Par le frisson.
Laissez-moi dire,
N’accordez rien.
Si je soupire,
Chantez, c’est bien.
Si je demeure,
Triste, à vos pieds,
Et si je pleure,
C’est bien, riez.
Un homme semble
Souvent trompeur.
Mais si je tremble,
Belle, ayez peur.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/06/alabelle-imperieuse-roman-chansons-bois.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-06-05 15:36:572018-06-14 10:20:18VII. À la belle impérieuse
Les Chansons des rues et des bois – Livre premier : Jeunesse – VI. L’Éternel Petit Roman ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 956.
Dans les ruines d’une abbaye – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Dans les ruines d’une abbaye, poème du Livre premier : Jeunesse, VI. L’Éternel Petit Roman, du recueil Les Chansons des rues et des bois, de Victor Hugo.
Dans les ruines d’une abbaye
Dans les ruines d’une abbaye – Le texte
XV
Dans les ruines d’une abbaye
Seuls tous deux, ravis, chantants !
Comme on s’aime !
Comme on cueille le printemps
Que Dieu sème !
Quels rires étincelants
Dans ces ombres
Pleines jadis de fronts blancs,
De cœurs sombres !
On est tout frais mariés.
On s’envoie
Les charmants cris variés
De la joie.
Purs ébats mêlés au vent
Qui frissonne !
Gaîtés que le noir couvent
Assaisonne !
On effeuille des jasmins
Sur la pierre
Où l’abbesse joint ses mains
En prière.
Les tombeaux, de croix marqués,
Font partie
De ces jeux, un peu piqués
Par l’ortie.
On se cherche, on se poursuit,
On sent croître
Ton aube, amour, dans la nuit
Du vieux cloître.
On s’en va se becquetant,
On s’adore,
On s’embrasse à chaque instant,
Puis encore,
Sous les piliers, les arceaux,
Et les marbres.
C’est l’histoire des oiseaux
Dans les arbres.
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/06/danslesruines-dune-abbaye-roman-chansons.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-06-04 11:31:372018-06-14 10:20:18XV. Dans les ruines d'une abbaye
Les Chansons des rues et des bois – Livre premier : Jeunesse – VI. L’Éternel Petit Roman ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 948.
Fêtes de village en plein air – L’enregistrement
Je vous invite à écouter Fêtes de village en plein air, poème du Livre premier : Jeunesse, VI. L’Éternel Petit Roman, du recueil Les Chansons des rues et des bois, de Victor Hugo.
Fêtes de village en plein air
Fêtes de village en plein air – Le texte
IX
Fêtes de village en plein air
Le bal champêtre est sous la tente.
On prend en vain des airs moqueurs ;
Toute une musique flottante
Passe des oreilles aux cœurs.
On entre, on fait cette débauche
De voir danser en plein midi
Près d’une Madelon point gauche
Un Gros-Pierre point engourdi.
On regarde les marrons frire ;
La bière mousse, et les plateaux
Offrent aux dents pleines de rire
Des mosaïques de gâteaux.
Le soir on va dîner sur l’herbe ;
On est gai, content, berger, roi,
Et, sans savoir comment, superbe,
Et tendre, sans savoir pourquoi.
Feuilles vertes et nappes blanches ;
Le couchant met le bois en feu ;
La joie ouvre ses ailes franches ;
Comme le ciel immense est bleu !
http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/06/fetesdevillage-enpleinair-roman-chansons-bois.jpg600800Pierre-François Kettlerhttp://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2014/08/logo-site-essai-300x137.jpgPierre-François Kettler2015-06-03 10:25:102018-06-14 10:20:18IX. Fêtes de village en plein air