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Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente le visage tourmenté d'un homme barbu.

[IX]. Une autre voix

[IX]. Une autre voix – Les références

DieuVoix I à XIII ;
Collection Bouquins chez Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie IV, p 608.

Une autre voix – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Une autre voix, un poème du recueil Dieu, de Victor Hugo.

Une autre voix


[IX]. Une autre voix – Le texte

[IX] – Une autre voix


Te figures-tu donc être, par aventure,
Autre chose qu’un point dans l’aveugle nature ?
Toi, l’homme, cendre et chair, te persuades-tu
Que d’une fonction l’ombre t’a revêtu ?
Quel droit te crois-tu donc à chercher, à poursuivre,
À saisir ce qui peut exister, durer, vivre,
À surprendre, à connaître, à savoir, toi qui n’es
Qu’une larve, et qui meurs aussitôt que tu nais ?
J’admire ton néant inouï s’il suppose
Qu’il est par l’absolu compté pour quelque chose !
Quelle idée, ô songeur du songe humanité,
As-tu de ton cerveau pour croire, en vérité,
Qu’il peut prendre ou laisser une empreinte à l’abîme ?
Ta pensée est abjecte, étroite, folle, infime ;
L’homme est de la fumée obscure qui descend.
T’imagines-tu donc laisser trace, ô passant ?
Rêves-tu l’absolu comme ton fleuve Seine
Coulant entre les quais de ta ville malsaine,
Recueillant les égouts de toutes tes maisons,
Doctrines, volontés, illusions, raisons,
Ayant dans son courant, si quelqu’un te réclame,
Quelque pont de Saint-Cloud où l’on repêche l’âme ?
Crois-tu que cette eau vaste et sourde, Immensité,
Ne t’enveloppe pas d’oubli, de cécité,
De silence, et sanglote à ta chute, et soit triste ?
Crois-tu que ta chimère en ce gouffre persiste,
Qu’elle y garde sa forme, espoir, rêve, action ;
Et qu’on retrouve, après ta disparition,
Quelque chose de toi, ton cadavre ou ton ombre,
Aux noirs filets flottants de l’éternité sombre ?