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IV. Mansuétude des anciens juges

Mansuétude des anciens juges – Les références

La Légende des siècles – Série ComplémentaireIV. Mansuétude des anciens juges ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 583.
Autre référence : Collection Poésie/Gallimard, La Légende des siècles, p. 526.

Mansuétude des anciens juges – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Mansuétude des anciens juges, un poème du recueil La Légende des siècles – Série Complémentaire, de Victor Hugo.

Mansuétude des anciens juges


Mansuétude des anciens juges – Le texte

Les chambres de torture étaient d’âpres demeures ;
On n’y passait jamais plus de quatre ou cinq heures,
Et l’on entrait jeune homme et l’on sortait vieillard.
Le juge pour le code et le bourreau pour l’art
S’épuisaient, et, mêlant fer rouge et loi romaine,
Ayant à travailler sur de la chair humaine,
N’épargnaient rien afin d’arriver à l’aveu.
Sous leurs mains, l’os, le muscle, et l’ongle et le cheveu
Frémissaient, et, hurlant plus fort selon la fibre
Qui tressaille, et selon le nerf profond qui vibre,
Un homme devenait un clavier où Vouglans
Jouait de l’agonie avec ses doigts sanglants.
Ne croyez pas pourtant que lui, ni Farinace,
Ou Levert, n’eussent rien au cœur que la menace ;
Ils priaient au besoin le captif garrotté ;
Ils sucraient la torture avec de la bonté ;
L’accusé qui résiste attriste la grand’chambre ;
Bénins, ils l’imploraient en lui brisant un membre ;
Ils étaient paternels ; ils se penchaient, prêchant,
Suppliant, regrettant d’agir, l’air pas méchant,
Pour faire à cet œil terne et sombre, à cette bouche,
À cette âme aux abois, vomir l’aveu farouche.
Pasquier leurrait d’espoir ces regards presque éteints ;
Delancre au patient disait des vers latins ;
Bodin, sachant par cœur Virgile et ses idylles,
Les citait ; et parfois ils pleuraient, crocodiles.