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II. Première Réflexion

Première Réflexion – Les références

Religions et ReligionI. Querelles ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 971.

Première réflexion – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Première Réflexion, un poème du recueil Religions et Religion, de Victor Hugo.

Première Réflexion


Première Réflexion – Le texte

II
Première Réflexion


Pas de religion qui ne blasphème un peu.
L’une en croquemitaine habille le bon Dieu ;
Il fait son paradis du hurlement des âmes ;
Sa cave à son plafond jette un reflet de flammes,
Il grince, et son bonheur est d’avoir un enfer
À remuer avec une fourche de fer.
L’autre à la main lui plante un grand sabre, et l’affuble
D’un uniforme, mal caché par sa chasuble ;
Il a l’obus en bas et la foudre là-haut ;
Il était Jehovah, le voilà Sabaoth ;
On le fait tambour-maître et général d’armée ;
Il va-t-en guerre. Étant riche en noir de fumée,
Belzébuth jusqu’à Dieu se glisse, et cet escroc
Lui charbonne en riant deux moustaches en croc ;
Le Père-Éternel sent vaguement qu’on le berne,
Se laisse faire, met l’éclair dans sa giberne,
Se voit destitué par le pape, permet
Que la bataille accroche à sa mitre un plumet,
Ferme les yeux sur l’homme, être irrémédiable,
Et, n’étant plus bon Dieu, tâche d’être bon diable.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente une ruine et un petit pont en bord de mer (ou d'un grand fleuve puisqu'on voit l'autre rive) et, sur l'horizon, le disque solaire en partie masqué.

I – Le Dimanche

Le Dimanche – Les références

Religions et ReligionI. Querelles ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 971.

Le Dimanche – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Le Dimanche, un poème du recueil Religions et Religion, de Victor Hugo.

Le Dimanche


Le Dimanche – Le texte

I
Le Dimanche

— Je n’ai pas entendu le facteur frapper. — Certe !
Votre porte aujourd’hui, monsieur, n’est pas ouverte.
— Ah bah ! — Vous n’aurez pas aujourd’hui de journaux.
— Pourquoi ?

Mary, qui vient d’éteindre ses fourneaux,

Est superbe ; elle a mis sa grande coiffe blanche.

— Ni de lettres. — Pourquoi ? — Parce que c’est dimanche.
— Eh bien ? — On ne lit pas de lettres ce jour-là.
— Pourquoi ? — Parce que Dieu fit le monde. Il parla
Et travailla pendant six jours. — Soit. Que m’importe ?
— Le dimanche on ne peut frapper à votre porte.
— Mais pourquoi ? — C’est le jour où Dieu s’est reposé.

Apprendre au maître, impie et français, l’A B C,
C’est beau ; Mary triomphe, et ne se sent pas d’aise,
Étant bonne chrétienne et servante irlandaise.
On entend bourdonner la cloche dans la tour.

*

Ainsi l’infini va jusqu’au septième jour !
Arrivé là, c’est dit ; l’infini devient morne,
Reste court, et s’arrête épuisé ; c’est sa borne.
Nous appelons cela le dimanche. Il est sûr
Qu’il faut pour faire un ciel bien des rouleaux d’azur,
Qu’un chêne à fabriquer n’est pas un mince arbuste,
Et qu’il faut une échelle étrangement robuste
Et que l’échafaudage ait été bien construit
Pour peindre l’aube à fresque au mur noir de la nuit.
Ainsi ce grand travail qu’on nomme la nature
Ne s’est point terminé sans quelque courbature !
Ainsi le Tout-Puissant a dit : Je n’en puis plus !
Et las, suant, soufflant, ankylosé, perclus,
Pris d’un vieux rhumatisme incurable à l’échine,
Après avoir créé le monde, et la machine
Des astres pêle-mêle au fond des horizons,
La vie, et l’engrenage énorme des saisons,
La fleur, l’oiseau, la femme, et l’abîme, et la terre,
Dieu s’est laissé tomber dans son fauteuil-Voltaire !