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Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente une tête de monstre inclinée vers le bas. Il s'agit là d'un pochoir.

V. L’autre

L’autre – Les références

L’Art d’être grand-pèreI. À Guernesey ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 720.

L’autre – L’enregistrement

Je vous invite à écouter L’autre, poème de la partie I. À Guernesey, du recueil L’Art d’être grand-père, de Victor Hugo.
Il est précédé de IV. Victor, sed victus et suivi de VI. Georges et Jeanne.

L’autre


L’autre – Le texte

V
L’autre


Viens, mon George. Ah ! les fils de nos fils nous enchantent,
Ce sont de jeunes voix matinales qui chantent.
Ils sont dans nos logis lugubres le retour
Des roses, du printemps, de la vie et du jour !
Leur rire nous attire une larme aux paupières
Et de notre vieux seuil fait tressaillir les pierres ;
De la tombe entr’ouverte et des ans lourds et froids
Leur regard radieux dissipe les effrois ;
Ils ramènent notre âme aux premières années ;
Ils font rouvrir en nous toutes nos fleurs fanées ;
Nous nous retrouvons doux, naïfs, heureux de rien ;
Le cœur serein s’emplit d’un vague aérien ;
En les voyant on croit se voir soi-même éclore ;
Oui, devenir aïeul, c’est rentrer dans l’aurore.
Le vieillard gai se mêle aux marmots triomphants.
Nous nous rapetissons dans les petits enfants.
Et, calmés, nous voyons s’envoler dans les branches
Notre âme sombre avec toutes ces âmes blanches.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente, de façon abstraite, une tête de dragon imaginée par le fils d'un poëte.

II. Au fils d’un poëte

Au fils d’un poëte – Les références

Les contemplationsLivre cinquième : En marche ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor HugoPoésie II, p 422.

Au fils d’un poëte – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Au fils d’un poëte, un poème des Contemplations, En marche, de Victor Hugo.
Il est précédé de I. À Aug. V. et suivi de III. Écrit en 1846.

Au fils d’un poëte


Au fils d’un poëte – Le texte

II
Au fils d’un poëte


Enfant, laisse aux mers inquiètes
Le naufragé, tribun ou roi ;
Laisse s’en aller les poëtes !
La poésie est près de toi.

Elle t’échauffe, elle t’inspire,
Ô cher enfant, doux alcyon,
Car ta mère en est le sourire,
Et ton père en est le rayon.

Les yeux en pleurs, tu me demandes
Où je vais, et pourquoi je pars.
Je n’en sais rien ; les mers sont grandes,
L’exil s’ouvre de toutes parts.

Ce que Dieu nous donne, il nous l’ôte.
Adieu, patrie ! adieu, Sion !
Le proscrit n’est pas même un hôte,
Enfant, c’est une vision.

Il entre, il s’assied, puis se lève,
Reprend son bâton et s’en va.
Sa vie erre de grève en grève
Sous le souffle de Jéhovah.

Il fuit sur les vagues profondes,
Sans repos, toujours en avant.
Qu’importe ce qu’en font les ondes !
Qu’importe ce qu’en fait le vent !

Garde, enfant, dans ta jeune tête
Ce souvenir mystérieux,
Tu l’as vu dans une tempête
Passer comme l’éclair des cieux.

Son âme aux chocs habituée
Traversait l’orage et le bruit.
D’où sortait-il ? De la nuée.
Où s’enfonçait-il ? Dans la nuit.

Bruxelles, juillet 1852.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un mur (d'une prison ?), dans lequel apparaît un soupirail, sur la gauche ; à droite, deux yeux semblent lui faire face.

XII. À quatre prisonniers (Après leur condamnation)

À quatre prisonniers – Les références

ChâtimentsLivre IV – La Religion est glorifiée ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 102.

À quatre prisonniers – Enregistrement

Je vous invite à écouter À quatre prisonniers, un poème du recueil Châtiments, Livre IV – La Religion est glorifiée, de Victor Hugo.

À quatre prisonniers (Après leur condamnation)


À quatre prisonniers – Le texte

XII
À quatre prisonniers
(Après leur condamnation.)


Mes fils, soyez contents ; l’honneur est où vous êtes.
Et vous, mes deux amis, la gloire, ô fiers poëtes,
Couronne votre nom par l’affront désigné ;
Offrez aux juges vils, groupe abject et stupide,
Toi, ta douceur intrépide,
Toi, ton sourire indigné.

Dans cette salle où Dieu voit la laideur des âmes,
Devant ces froids jurés, choisis pour être infâmes,
Ces douze hommes, muets, de leur honte chargés,
Ô justice, j’ai cru, justice auguste et sombre,
Voir autour de toi dans l’ombre
Douze sépulcres rangés.

Ils vous ont condamnés, que l’avenir les juge !
Toi, pour avoir crié : la France est le refuge
Des vaincus, des proscrits ! — Je t’approuve, mon fils !
Toi, pour avoir, devant la hache qui s’obstine,
Insulté la guillotine,
Et vengé le crucifix !

Les temps sont durs ; c’est bien. Le martyre console.
J’admire, ô Vérité, plus que toute auréole,
Plus que le nimbe ardent des saints en oraison,
Plus que les trônes d’or devant qui tout s’efface,
L’ombre que font sur ta face
Les barreaux d’une prison !

Quoi que le méchant fasse en sa bassesse noire,
L’outrage injuste et vil là-haut se change en gloire.
Quand Jésus commençait sa longue passion,
Le crachat qu’un bourreau lança sur son front blême
Fit au ciel à l’instant même
Une constellation !

Conciergerie, novembre 1851.