Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un corps allongé devant une stèle ou un corps posé sur une table, devant une fenêtre ouverte sur la nuit (du 4).

III – Souvenir de la nuit du 4

Souvenir de la nuit du 4 – Les références

ChâtimentsLivre II – L’Ordre est rétabli ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 47.

Souvenir de la nuit du 4 – Premier enregistrement

Je vous invite à écouter Souvenir de la nuit du 4, un poème du recueil Châtiments, Livre II – L’Ordre est rétabli, de Victor Hugo.

Souvenir de la nuit du 4


Souvenir de la nuit du 4 – Deuxième enregistrement

Je vous convie, si la première version est peu audible (cela peut arriver du fait du navigateur ou de l’ordinateur utilisé par le visiteur du soir ou du matin), à réécouter Souvenir de la nuit du 4.

Souvenir de la nuit du 4 (autre version)


Souvenir de la nuit du 4 – Dernier enregistrement

Voici mon dernier enregistrement de Souvenir de la nuit du 4.

Souvenir de la nuit du 4 (dernière version)


Souvenir de la nuit du 4 – Le texte

III
Souvenir de la nuit du 4

L’enfant avait reçu deux balles dans la tête.
Le logis était propre, humble, paisible, honnête ;
On voyait un rameau bénit sur un portrait.
Une vieille grand’mère était là qui pleurait.
Nous le déshabillions en silence. Sa bouche,
Pâle, s’ouvrait ; la mort noyait son œil farouche ;
Ses bras pendants semblaient demander des appuis.
Il avait dans sa poche une toupie en buis.
On pouvait mettre un doigt dans les trous de ses plaies.
Avez-vous vu saigner la mûre dans les haies ?
Son crâne était ouvert comme un bois qui se fend.
L’aïeule regarda déshabiller l’enfant,
Disant : -Comme il est blanc ! approchez donc la lampe.
Dieu ! ses pauvres cheveux sont collés sur sa tempe !
Et quand ce fut fini, le prit sur ses genoux.
La nuit était lugubre ; on entendait des coups
De fusil dans la rue où l’on en tuait d’autres.
— Il faut ensevelir l’enfant, dirent les nôtres.
Et l’on prit un drap blanc dans l’armoire en noyer.
L’aïeule cependant l’approchait du foyer
Comme pour réchauffer ses membres déjà roides.
Hélas ! ce que la mort touche de ses mains froides
Ne se réchauffe plus aux foyers d’ici-bas !
Elle pencha la tête et lui tira ses bas,
Et dans ses vieilles mains prit les pieds du cadavre.
— Est-ce que ce n’est pas une chose qui navre !
Cria-t-elle ; monsieur, il n’avait pas huit ans !
Ses maîtres, il allait en classe, étaient contents.
Monsieur, quand il fallait que je fisse une lettre,
C’est lui qui l’écrivait. Est-ce qu’on va se mettre
À tuer les enfants maintenant ? Ah ! mon Dieu !
On est donc des brigands ! Je vous demande un peu,
Il jouait ce matin, là, devant la fenêtre !
Dire qu’ils m’ont tué ce pauvre petit être !
Il passait dans la rue, ils ont tiré dessus.
Monsieur, il était bon et doux comme un Jésus.
Moi je suis vieille, il est tout simple que je parte
Cela n’aurait rien fait à monsieur Bonaparte
De me tuer au lieu de tuer mon enfant ! –
Elle s’interrompit, les sanglots l’étouffant,
Puis elle dit, et tous pleuraient près de l’aïeule.
— Que vais-je devenir à présent toute seule ?
Expliquez-moi cela, vous autres, aujourd’hui.
Hélas ! je n’avais plus de sa mère que lui.
Pourquoi l’a-t-on tué ? je veux qu’on me l’explique.
L’enfant n’a pas crié vive la République. –
Nous nous taisions, debout et graves, chapeau bas,
Tremblant devant ce deuil qu’on ne console pas.

Vous ne compreniez point, mère, la politique.
Monsieur Napoléon, c’est son nom authentique,
Est pauvre, et même prince ; il aime les palais ;
Il lui convient d’avoir des chevaux, des valets,
De l’argent pour son jeu, sa table, son alcôve,
Ses chasses ; par la même occasion, il sauve
La famille, l’église et la société ;
Il veut avoir Saint-Cloud, plein de roses l’été,
Où viendront l’adorer les préfets et les maires ;
C’est pour cela qu’il faut que les vieilles grand’mères,
De leurs pauvres doigts gris que fait trembler le temps
Cousent dans le linceul des enfants de sept ans.

Jersey, 2 décembre 1852.

Commentaires

J’ai publié, une fois n’est pas coutume, trois enregistrements différents de ce texte. Entre autre pour des raisons techniques, pour savoir comment le son est reçu par vous, auditeurs des textes de ce site. Tous vos retours me seront profitables. Si vous entendez mieux le son sur l’une des trois versions, pourriez-vous me préciser laquelle, quel navigateur vous utilisez et quel ordinateur. Mon souhait est que chacun puisse accéder à ces enregistrements, quel que soit son support technique. Je vous remercie pour le temps que vous consacrerez à me faire ces remarques.