Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un coq poussant son cri.

III. Quand le bien et le mal, couple qui nous obsède…

Quand le bien et le mal, couple qui nous obsède… – Les références

Les Quatre Vents de l’espritIII. Le Livre lyrique ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 1297.

Quand le bien et le mal, couple qui nous obsède… – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Quand le bien et le mal, couple qui nous obsède…, un poème du recueil Les Quatre Vents de l’esprit, de Victor Hugo.

Quand le bien et le mal, couple qui nous obsède…


Quand le bien et le mal, couple qui nous obsède… – Le texte


Quand le bien et le mal, couple qui nous obsède,
Fixant leurs yeux sur nous, nous demandant notre aide,
Montrant deux chemins à nos pas,
L’un, celui qui descend, l’autre, celui qui monte,
Sont là, nous appelant, prêts à combattre, ― honte
À l’homme qui ne choisit pas !

Honte au vivant timide, au passant inutile,
Eunuque qui lui-même abdique et se mutile,
Qui voit le devoir et le fuit,
Et ne s’y jette pas la tête la première,
Et n’ose pas ouvrir la porte de lumière
Et fermer la porte de nuit !

Qui recule peut faire une ruine immense.
Grands, petits, Dieu sait seul où la force commence,
Seul où la faiblesse finit ;
Quand un mont chancelant croule, le grain de sable,
S’il pouvait empêcher sa chute, est responsable
Des crimes du bloc de granit.

L’homme faible est l’appui du méchant qui se lève ;
Les peureux font l’audace ; ils ont avec le glaive
La complicité du fourreau.
Ne dites pas : ― C’est mal, mais je n’y vois que faire. ―
Ne dites pas : ― J’ai peur ; et je rentre en ma sphère ;
Meurs, victime ; frappe, bourreau.

Je laisse le remords et le crime à ma porte ;
Je m’en vais du forfait des autres ; que m’importe
Leur scélératesse ou leur deuil !
Ce mort, s’il m’accusait, serait une âme fausse ;
Car, n’étant pas de ceux qui creusèrent la fosse,
Je suis quitte avec le cercueil. ―

Non, non ! il faut briser le poteau du supplice ;
Qui, pouvant empêcher, laisse faire, est complice.
Abstention, complicité.
Ce qui semble un atome est tout un crime immonde ;
C’est souvent dans le moindre espace qu’en ce monde
Tient la plus grande énormité.

Tel qui renie un meurtre en est le vrai ministre.
Le fond de la cuvette où, dans l’ombre sinistre,
Un lâche se lave les mains,
Peut offrir au regard, ― vision surhumaine,
Et que tout l’océan ne contiendrait qu’à peine ! ―
Un mont noir aux âpres chemins,

Trois gibets, deux voleurs se tordant sous les cordes,
Les cieux mystérieux pleins de miséricordes
S’ouvrant pour recevoir l’affront,
Et sur la croix du centre, en une nuit sans lune,
Un juste couronné d’épines dont chacune
Perce une étoile sur son front !

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente les lignes tourmentées du destin et de l'exil, entrecroisées au-dessus des mots : « MA DESTINÉE ».

XXXVII. Exil

Exil – Les références

Les Quatre Vents de l’espritLe Livre lyrique – La Destinée ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 1339.

Exil – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Exil, un poème du recueil Les Quatre Vents de l’esprit, du Livre lyrique – La Destinée, de Victor Hugo.

Exil


Exil – Le texte

XXXVII
Exil


Si je pouvais voir, ô patrie,
Tes amandiers et tes lilas,
Et fouler ton herbe fleurie,
Hélas !

Si je pouvais, ― mais, ô mon père,
Ô ma mère, je ne peux pas, ―
Prendre pour chevet votre pierre,
Hélas !

Dans le froid cercueil qui vous gêne,
Si je pouvais vous parler bas,
Mon frère Abel, mon frère Eugène,
Hélas !

Si je pouvais, ô ma colombe,
Et toi, mère, qui t’envolas,
M’agenouiller sur votre tombe,
Hélas !

Oh ! vers l’étoile solitaire,
Comme je lèverais les bras !
Comme je baiserais la terre,
Hélas !

Loin de vous, ô morts que je pleure,
Des flots noirs j’écoute le glas ;
Je voudrais fuir, mais je demeure,
Hélas !

Pourtant le sort, caché dans l’ombre,
Se trompe si, comptant mes pas,
Il croit que le vieux marcheur sombre
Est las.

Ce détail d'un dessin de Victor Hugo représente un escalier qui monte dans l'ombre et dont les marches luisent à peine au clair de lune.

I – Je suis fait d’ombre et de marbre…

Je suis fait d’ombre et de marbre – Les références

Les Quatre Vents de l’espritLe Livre lyrique – La Destinée ;
Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie III, p 1295.

Je suis fait d’ombre et de marbre – L’enregistrement

Je vous invite à écouter Je suis fait d’ombre et de marbre…, un poème du recueil Les Quatre Vents de l’esprit, du Livre lyrique – La Destinée, de Victor Hugo.

Je suis fait d’ombre et de marbre…


Je suis fait d’ombre et de marbre – Le texte

I

Je suis fait d’ombre et de marbre.
Comme les pieds noirs de l’arbre,
Je m’enfonce dans la nuit.
J’écoute ; je suis sous terre ;
D’en bas je dis au tonnerre :
Attends ! ne fais pas de bruit.

Moi qu’on nomme le poëte,
Je suis dans la nuit muette
L’escalier mystérieux ;
Je suis l’escalier Ténèbres ;
Dans mes spirales funèbres
L’ombre ouvre ses vagues yeux.

Les flambeaux deviendront cierges.
Respectez mes degrés vierges,
Passez, les joyeux du jour !
Mes marches ne sont pas faites
Pour les pieds ailés des fêtes,
Pour les pieds nus de l’amour.

Devant ma profondeur blême
Tout tremble, les spectres même
Ont des gouttes de sueur.
Je viens de la tombe morte ;
J’aboutis à cette porte
Par où passe une lueur.

Le banquet rit et flamboie.
Les maîtres sont dans la joie
Sur leur trône ensanglanté ;
Tout les sert, tout les encense ;
Et la femme à leur puissance
Mesure sa nudité.

Laissez la clef et le pène.
Je suis l’escalier ; la peine
Médite ; l’heure viendra ;
Quelqu’un qu’entourent les ombres
Montera mes marches sombres,
Et quelqu’un les descendra.